Kenji Kunitomi – Qu’est-ce qui t’a avant tout poussé à appeler à une action de protestation directe à l’encontre de TEPCO ?
Ryota Sono – Des groupes antinucléaires avaient organisé une action de protestation devant le siège de TEPCO le jour suivant le tremblement de terre et le raz-de-marée, mais elle avait réuni moins de vingt militants. Après, durant une semaine, aucun nouvel appel à l’action contre TEPCO n’avait été lancé. Durant cette semaine, il y avait eu une série de grandes campagnes médiatiques pour « calmer » l’anxiété et la colère de la population, ainsi que pour éveiller les sentiments nationalistes sur le mode « le Japon doit s’unir » pour faire face aux pires dommages. Le Parti démocratique (PDJ) au pouvoir et la classe dominante veulent faire taire toute voix populaire qui critiquerait la politique de développement nucléaire mise en œuvre par les gouvernements japonais successifs.
J’ai pensé que nous devions mettre directement en cause TEPCO pour sa responsabilité dans ces tragédies. TEPCO avait expliqué que des « accidents comme celui de Tchernobyl n’auraient jamais lieu ici parce que la technologie nucléaire japonaise était excellente ». Je ne pouvais pas permettre à TEPCO d’échapper à ses responsabilités.
Quelle réponse a reçu to appel à protester devant le siège de TEPCO ?
La semaine qui suivit mon appel à l’action, seulement une dizaine de personnes m’ont retrouvé tous les soirs devant TEPCO. Mais les gens ont commencé à comprendre, de plus en plus, que TEPCO cachait des faits sur ce qui s’était vraiment passé à la centrale de Fukushima, des faits gênants pour la compagnie. Ils ont vu qu’ils avaient été trompés par TEPCO. A partir d’une quinzaine de jours, plusieurs centaines de personnes se sont jointes à nous, protestant activement contre TEPCO, criant « Non aux centrales nucléaires ! ». Ils sont maintenant convaincus que sans des mobilisations pour exiger la mise à l’arrêt des centrales, un autre accident nucléaire tragique se produira, car il y a 54 réacteurs partout dans l’Archipel, et bon nombre d’entre eux sont situé sur les côtes, particulièrement vulnérables aux séismes et tsunami.
De nombreux médias étrangers ont rendu compte de notre action, mais ce ne fut pas le cas des médias japonais. Je pense que bon nombre des chaines de télévision et des grands journaux nippons sont contrôlés par les milieux d’affaires et le gouvernement.
Je suppose que tes actions de protestation contre TEPCO ont contribué à ce que des jeunes se joignent aux manifestations contre les centrales nucléaires.
J’étais présent à la manifestation contre les centrales nucléaires à Koenji, dans l’ouest de la métropole de Tokyo, le 10 avril, à laquelle près de 15.000 personnes, surtout des jeunes, ont participé.
Pour beaucoup d’entre eux, c’était la première fois qu’ils venaient à une manifestation quelle qu’elle soit, leur première expérience. J’ai toujours insisté pour que les jeunes s’organisent eux-mêmes, pour se dresser contre ces catastrophes humanitaires criminelles provoquées par les grandes entreprises d’électricité et le gouvernement. Bon nombre des présents avaient appris l’existence de la manifestation par le biais des réseaux sociaux comme twitter.
Nous préparons maintenant une « action populaire d’un million contre les centrales nucléaires partout au Japon » le 11 juin prochain, soit exactement trois mois après le séisme, le raz-de-marée et la catastrophe nucléaire.
Quelle est votre principale revendication pour ce projet de manifestation du 11 juin ?
Nous souhaitons évidemment construire un réseau national pour l’arrêt des centrales nucléaires et pour exiger de TEPCO et du gouvernement, vu leurs responsabilités, qu’ils indemnisent complètement les victimes de la triple catastrophe – tremblement de terre, tsunami et la centrale. Mais je pense que notre mobilisation doit viser au-delà de ces exigences.
Même après Fukushima, le gouvernement nippon et les capitalistes ne renoncent pas à leurs projets de centrales nucléaires. Ils préparent toujours l’exportation de ces centrales. Je pense que le problème est le système, le système capitaliste.
Si nous voulons un monde sans centrales nucléaires, nous devons nous opposer au système capitaliste.