Le verdict sur le site religieux d’Ayodhya a été reporté 28 septembre. Est-il possible pour la justice de rendre une décision neutre étant donné le caractère politique et idéologique de cette affaire ?
Achin Vanaik – Tout d’abord, il est très probable qu’il y ait un second delai dans la décision de justice . Il pourrait y avoir des pressions politiques pour que le verdict ne soit rendu qu’après les Jeux du Commonwealth. J’ai tendance à penser que le jugement final pourrait déplaire à la droite hindouiste. C’est une situation sans solution, en quelques sorte. Mais ça ne veut pas dire qu’il ne faille rien faire.
Peut-on craindre que des émeutes éclatent après l’annonce du verdict ?
S’il va à l’encontre des hindouistes, je pense que oui, il y a de fortes chances qu’il y ait des émeutes, orchestrées par les partis politiques. Les émeutes ne sont jamis spontanées en Inde. C’est d’ailleurs pour cela que le verdict est repoussé. Après, il est difficile de prédire l’ampleur qu’elle prendront. Mais il faudra qu’un verdict soit rendu au final. La violence « communautaire » est une arme précieuse pour le Sangh Parivar (Les différentes formations politiques de la droite hindouiste, ndlr), mais seulement si elle est utilisée avec parsimonie et précaution. Mais elle est toujours à portée de main, prête à être déployée. On doit attendre d’un Etat laïque qu’il condamne les violences et ceux qui y participent. Après les émeutes de 1992 et le pogrom de 2002 au Gujarat, personne n’a été tenu responsable. Mais je ne pense pas que le parti du Congrès au pouvoir sera très ferme, puisqu’il ne l’a pas été par le passé.
La couverture médiatique du verdict va-t-elle influencer les réactions de la part de la population indienne ?
Il faut différencier les différents types de médias en Inde. La presse de la « hindi belt » (Les Etats du centre et du nord de l’Inde où le hindi est la langue la plus parlée, ndlr) est majoritairement pro hindutva. La presse anglophone, de son côté, ne se comporte pas de manière raisonnable, mais ce n’est pas la plus lue à l’échelle de la population indienne.
Le BJP reste discret sur la question pour l’instant. Va-t-il ressortir la carte hindouiste comme en 1992 ?
Le BJP utilise un langage différent en fonction de ses auditoires. Ses compulsions sont aujourd’hui différentes de ce qu’elles étaient il y a 20 ans. Sa base électorale a progressé ; surtout chez les populations tribales et dans la classe moyenne. Même si le BJP n’est pas opposé au message « hindutva », à l’idéologie, il s’inquiète des retombées économiques négatives que peuvent engendrer des émeutes. Le BJP est devenu un parti légitime en 1998. Il doit rester sensible à cette réalité. Le BJP ne peut pas reproduire ce qu’il a réalisé à Ayodyah en 1992, le plus grand rassemblement depuis l’Indépendance ! C’est à cette date que le centre de gravité de la politique indienne a été tiré vers la droite. Le problème c’est que que l’Inde est le pays avec le plus de divisions au monde et toute formation politique doit se positionner vers le centre afin d’attirer le maximum de voix. Je pense qu’une grande partie de la base du BJP soit en faveur d’un report du verdict.
Les violences intercommunautaires sont-elles toujours à redouter en Inde en 2010 ?
Le communautarisme fait désormais partie de la pensée commune. L’Inde a viré vers la droite et il y a un nouveau ressentiment commun à l’égard des musulmans à l’échelle globale. En Occident, le racisme cible désormais principalement les musulmans, plus que les Africains par exemple. En Inde, l’acceptation du BJP en tant que parti légitime, la tolérance envers le RSS, envers Narendra Modi (chef du gouvernement du Gujarat, accusé d’avoir instrulmentalisé les violences dans l’Etat en 2002, ndlr) en sont la preuve. Rappelons cependant que l’Inde n’est pas en danger de succomber au fascisme, un régime autoritaire n’a aucune chance d’être érigé.