Le 14 juin prochain, on fêtera en Suisse les 40 ans du suffrage féminin, les 30 ans de l’article constitutionnel sur l’égalité et les 20 ans, jour pour jour, de la grève des femmes. Le 14 juin 1991, elles/ils ont été 200’000 à prendre part aux diverses activités, pauses prolongées, piques-niques, spectacles et manifestations organisés pendant cette journée festive. Le slogan : « Les femmes bras croisés, le pays perd pied ! ». Les femmes ont exprimé leur ras-le-bol d’une égalité de papier et ont revendiqué des changements concrets, notamment sur leurs lieux de travail et à domicile. Le 14 juin 2011, une nouvelle grève des femmes va avoir lieu, nous n’avons toujours pas l’égalité. Nous sommes conscientes par ailleurs qu’être féministe ne signifie pas seulement se préoccuper, au détriment de tous les autres enjeux sociaux, de l’égalité homme/femme, comme le soutenait récemment Clémentine Autain dans les colonnes de notre journal (cf. solidaritéS, N°166).
Bien sûr depuis 1991, les choses ont un peu évolué. En 1996, la loi sur l’égalité (LEg) entre en vigueur ; en 2002, l’avortement est dépénalisé et en 2005 les femmes obtiennent le congé maternité. Mais ce n’est pas suffisant. En Suisse, les inégalités persistent. La différence de salaire entre un homme et une femme est d’environ 20 % et ces dernières années cette différence tend à s’accroitre à nouveau. Les femmes accèdent aussi moins souvent que les hommes à des postes cadres. Seul 33.4 % des postes dirigeants sont attribués à des femmes. Ce phénomène se retrouve en politique : quatre femmes sur sept au Conseil Fédéral, mais seulement 22 % de femmes au Conseil des Etats et 29 % au Conseil National. Une situation représentative des inégalités entre hommes et femmes.
Le congé maternité en Suisse s’élève seulement à quatorze semaines et ne prend pas en compte les pères. Ces derniers obtiennent généralement entre un et vingt jours de congé, selon le bon vouloir de leur employeur. Le 14 juin revendiquons un congé parental, nécessaire pour promouvoir une véritable égalité dans la répartition des tâches reproductives, encore largement assumées par les femmes.
La dépénalisation de l’avortement est un acquis des luttes féministes. Les femmes revendiquaient « la liberté de disposer de leur corps ». Ces dernières années plusieurs attaques ont été portées contre l’avortement. Actuellement l’initiative populaire « Financer l’avortement est une affaire privée » surfe sur cette vague. Le 14 juin luttons pour que l’avortement reste libre et gratuit.
Les femmes sont surreprésentées dans les métiers peu valorisés et peu rémunérés : 70 % des salariés gagnant moins de 4000 frs sont des femmes. On observe que les métiers traditionnellement féminins sont sous-évalués. Les compétences requises dans les secteurs des soins, de l’enfance, de l’administratif et du nettoyage sont souvent considérés comme allant de soi pour une femme et ne sont donc pas reconnues. Le 14 juin revendiquons une meilleure valorisation des métiers dits féminins et un salaire minimum pour toutes et tous.
Le travail domestique, éducatif et de soin pour les personnes âgées non rémunéré est encore principalement l’apanage des femmes. Elles sont aussi plus nombreuses à travailler à temps partiels, surtout au moment de la naissance d’un enfant. Le travail domestique est souvent rendu invisible et est peu reconnu. Afin de mieux pouvoir articuler temps social, professionnel et familial dans un modèle égalitaire, il est urgent de revendiquer une baisse généralisée du temps de travail.
La situation en matière de garde d’enfant est extrêmement critique. On considère que 120 000 enfants d’âge pré-scolaires n’ont pas de place en crèche. Les femmes doivent alors soit arrêter de travailler ou travailler à temps partiel soit employer à bas prix d’autres femmes, souvent migrantes. Le 14 juin prochain revendiquons plus de places en garderie pour les enfants.
Les femmes sont également discriminées dans les assurances sociales. La récente révision de la LACI pénalise les personnes qui occupent des emplois précaires, à faible taux d’activité ou qui ont connu des parcours atypiques, donc particulièrement les femmes. Les femmes sont également discriminées par le système des retraites. En effet, les assurances sociales sont souvent conçues sur un modèle « masculin » du travail professionnel à plein temps. 28 % des femmes ne disposent pas de prévoyance professionnelle, car elles ont un salaire trop bas, contre 8.6 % des hommes. De plus on aimerai augmenter l’âge de la retraite des femmes à 65 ans. Le 14 juin opposons-nous au démantèlement des assurances sociales et revendiquons un système de protection sociale plus égalitaire.
Les femmes migrantes sont doublement discriminées, parce qu’elles sont des femmes et parce qu’elles sont des migrantes. Elles travaillent souvent dans les postes les moins qualifiés, notamment dans le secteur de la garde d’enfants et des ménages, lorsqu’elles ne sont pas purement et simplement à la merci de leur mari. Le 14 juin revendiquons la reconnaissance de leur travail et la régularisation de celles qui n’ont pas de statut légal.
Pour toutes ces raisons, et bien d’autres encore, il est temps de revendiquer résolument l’égalité entre les hommes et les femmes. Le 14 juin continuons le combat !
Nora Koehler