Le Centre pour les services syndicaux et ouvriers, en anglais CTUWS (1), a été fondé en 1990 dans la banlieue du Caire. Son but est notamment de défendre des droits syndicaux et sociaux, de former des syndicalistes et d’affirmer le besoin d’un mouvement syndical indépendant. Le Centre a progressivement étendu ses interventions sur d’autres villes, malgré de nombreuses difficultés, dont une interdiction entre avril 2007 et juillet 2008.
Ces dernières années, le CTUWS a été très impliqué dans le soutien aux luttes, et en particulier à celles ayant eu lieu dans le textile et les impôts fonciers. Dans le cadre de la révolution actuelle, le CTUWS est fortement engagé dans l’aide à la création de syndicats indépendants.
Le CTUWS bénéficie de longue date du soutien de l’ONG Oxfam (2). Il a établi des liens avec la Confédération syndicale internationale (CSI), des organisations affiliées à la Confédération européenne des syndicats (CES), ainsi que l’AFL-CIO. Il est également en relations avec le réseau euromaghrébin auquel participent notamment le SNAPAP (Algérie), la CGT d’Espagne et l’Union syndicale Solidaires (France) (3).
Le CTUWS agit depuis plusieurs années en direction de l’Organisation internationale du travail (OIT), notamment lors de son assemblée annuelle à Genève.
Échanges avec Kamal Abbas*
Quels sont les principaux obstacles à la création de syndicats indépendants ?
► Le maintien en vigueur de la loi 35 de 1976, qui est hostile à l’indépendance et au pluralisme syndical.
► La persistance de l’ancienne centrale officielle (ETUF) qui, malgré la chute de Moubarak, est restée en place et a les moyens d’entraver le processus de création de syndicats indépendants.
► La faiblesse du nombre de cadres syndicaux : depuis un demi-siècle, l’Egypte est en effet privée de syndicalisme indépendant. Avec la révolution, les militants sont complètement débordés de travail.
► La mauvaise image du syndicalisme : pour beaucoup de travailleurs, le syndicalisme est associé à un organisme d’Etat dont le rôle est d’affaiblir les luttes.
► La confusion existant entre le fait d’adhérer à un syndicat et adhérer à une caisse de protection sociale, comme par exemple celle des retraites.
Quel est le statut du CTUWS ?
Même si le CTUWS a juridiquement le statut d’ONG, il ne peut pas pour autant être considéré comme une « association de la société civile » se limitant à « défendre des droits ». Il est en effet partie intégrante de la classe ouvrière, et a de longue date des liens étroits avec des militants dans les entreprises. Depuis sa création, le CTUWS est focalisé sur les luttes sur le terrain et distribue des tracts sur les lieux de travail. Ce n’est pas un hasard si des dirigeants de l’ETUF avaient demandé l’interdiction du CTUWS le 10 février, au moment où se développaient massivement les grèves qui ont fait tomber Moubarak.
Le CTUWS n’a pas vocation à se transformer en confédération syndicale. Il limite son rôle à incarner des valeurs, et notamment à ce que les travailleurs se constituent en classe sociale.
Comment se répartit le travail entre le CTUWS et la Confédération indépendante ?
Aujourd’hui, le CTUWS sert de centre de services pour la Confédération indépendante. Il aide à la création de syndicats indépendants et à l’établissement de liens entre des syndicalistes de terrain et la nouvelle centrale.
Une délégation de la confédération et du CTUWS sont, par exemple, allés voir ensemble des travailleurs de la zone du canal de Suez : sept syndicats y ont été crées, comme par exemple celui des installations portuaires, dont le congrès de fondation a eu lieu le 23 mai. Dans le secteur de l’habillement, des sections ont été crées dans cinq entreprises ainsi qu’une structure nationale.
(NB : depuis cette rencontre, le CTUWS a cessé de participer au processus de construction de la centrale syndicale indépendante).
Quel est votre positionnement envers l’ETUF, la centrale officielle du temps de Moubarak ?
Le CTUWS demande sa dissolution. ■
Faisant suite à cet entretien, une rencontre a eu lieu avec un cinquantaine de militants qui ont soumis la délégation de Solidaires à un feu roulant de question sur la situation syndicale en France.