Velveth ne commentera plus
Dans les fils de commentaires, Jean-Robert Velveth ne lâchait généralement rien. Ce lundi matin, il s’en est allé, pour de bon.
Abonné de la première heure à Mediapart, il publiait régulièrement sur son blog « Noir Rouge Vert » (ouvert le 26 mai 2008) ses billets d’humeur, évoquant tour à tour Noam Chomsky ou Bob Marley, le nucléaire ou la Tunisie.
Progressivement, il s’était imposé comme un blogueur politique de référence sur l’extrême gauche, commentant avec une exigeante bienveillance, souvent teintée d’états-d’âme sans concession, l’évolution d’un nouveau parti anticapitaliste (NPA) qu’il accompagnait depuis ses années de militances à la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), dont il fut un temps responsable de la communication.
Avec un réflexe journalistique qui ne le quittera jamais, c’est lui qui annoncera en premier le renoncement d’Olivier Besancenot à la prochaine présidentielle, repris par tous les médias en boucle, ne sachant pas bien qui était donc ce moustachu intrigant à l’allure de doux colosse. Régulièrement, il gratifiait aussi le club de Mediapart d’entretiens tout personnels avec des figures comme Eric Hazan, Michel Warschawski, ou Gérard Mordillat.
Fin juin, cet inlassable militant avait jeté l’éponge et disait « Bye-bye NPA ». Une façon très politique de dire au revoir à la vie, lui qui ne pouvait la concevoir autrement qu’évidemment très politisée.
A la Ligue, comme dans le monde militant de la « gauche de gauche », il était « Archie ». A Mediapart, il était un lecteur assidu et un commentateur prolifique et enflammé, qui restera dans la petite histoire de notre petite entreprise comme celui qui aura le plus alimenté les discussions de fond ainsi que les disputes les plus épidermiques. 14.669 commentaires en trois ans, ce n’est pas la moindre des performances de ce débatteur inarrêtable, qui rythmait aussi la vie du quartier d’Aligre, celui de Mediapart (dans le XIIe arrondissement), animant régulièrement les activités de l’association de la « Commune libre ».
Pour illustrer son blog, il avait choisi une maxime qui le résume si bien, et qui l’accompagnera à jamais : « Céder un peu, c’est capituler beaucoup ». Même disparu, on peut être certain qu’il résistera toujours.
Jean-Robert Velveth avait la générosité du combattant, entière et rugueuse, sans compromis avec les fades et les tièdes. Solidaire de Mediapart depuis la première heure et face à tous les coups durs, il ne nous épargnait pas pour autant, nous réveillant par ses critiques et ses alertes tant suivisme et conformisme étaient à mille lieues de sa personnalité. Informées ou polémiques, ironiques ou partisanes, ses contributions faisaient pleinement partie du pluralisme de Mediapart, témoignant de la vitalité de son Club.
Message d’Edwy Plenel pour la rédaction de Médiapart
En lisant son billet de juin dernier où il annonçait avec tristesse son départ du NPA – et donc de ce militantisme qui lui était devenu une façon de vivre –, nous étions à mille lieues d’imaginer que la vie tout court allait bientôt le quitter. Il nous avait prévenu de cette contribution à sa manière habituelle, mêlant sobriété personnelle et souci altruiste. Dans ce courriel du 26 juin 2011, sans s’étendre sur sa décision politique qui était sans doute aussi un douloureux choix de vie, il préférait nous inviter, nous, l’équipe de Mediapart, à « reprendre des forces » durant les vacances, tant il pensait avoir été « éprouvantes » les trois années de construction de Mediapart dont il soulignait la part d’« activisme ». Autant de mots qui, aujourd’hui, nous font penser à sa propre vie, d’engagement et de conviction… C’était là tout Velveth : se préoccuper des autres plutôt que s’inquiéter pour lui-même.
Au nom de toute l’équipe de Mediapart, je voudrais simplement dire à sa famille, à ses proches et à ses amis que nous partageons leur peine.
A Jean-Robert
Hier soir , quand j’ai appris la disparition de Jean -Robert Velveth, j’avais l’impression qu’un étage me tombait sur la tête
J’entretenais une belle amitié avec Jean Robert à travers des messages , des commentaires toujours affectueux , quand je m’absentais quelques temps de Médiapart , régulièrement il m’envoyait des messages , et cela me touchait , j’appréciais sa sincérité , sa loyauté dans le combat qui étais le sien , et dans lequel je me retrouvais aussi , il le savait , nous nous comprenions .
Il n’était pas seulement un homme engagé , il était aussi un homme de cœur , de générosité .
J’ai, aussi , pris conscience que ce journal qu’est Médiapart , n’est pas qu’un journal virtuel mais vivant , derrière chaque abonné il y a un être humain et quand une personne disparait , et malgré nos désaccords , c’est toujours un choc , une grande émotion
Aujourd’hui , malgré la peine , je suis heureux et fier de cette belle rencontre , fier de l’avoir connu
Comme dit cette belle phrase « Ne pleure pas de l’avoir perdu , réjouis toi de l’avoir connu »
Merci à Médiapart , et à ce Club où j’ai retrouvé une belle humanité à travers les commentaires et messages de compassion ,de chacun .
Il ne faut jamais désespérer de l’humanité .
Velveth
Stéphane Alliès nous apprend aujourd’hui que Velveth n’est plus (voir son billet). C’est une nouvelle glaçante pour moi qui n’ai jamais véritablement connu ce militant du courant dont est issu le NPA mais qui, en même temps, ai ferraillé contre lui mais aussi - et plus souvent - avec lui. Velveth était un camarade lointain. Nous n’étions pas tout le temps d’accord mais nous avions les mêmes ennemis : La droite et l’extrême-droite, Dieudonné, Sarkozy, quelques blogueurs antisémites et racistes,...
Je suis peiné par la disparition de Velveth parce que d’une certaine façon, donc, nous nous connaissions et que, malgré des désaccords et des fâcheries virtuelles, nous avions fini par nous réconcilier. C’est important, cela ; c’est une leçon : il faut faire attention avec les disputes car celui ou celle avec qui on s’engueule peut disparaître - et là...
Nous avions en commun le vieil idéal de l’émancipation marxiste même si Velveth, plus soucieux que d’autres de ne pas paraître has been dans la période qui s’ouvre, pouvait trouver cet idéal vieilli dans ses formes idéologiques et organisationnelles. Il avait fait partie de cette génération de militants venus à la politique entre la guerre d’Algérie, le PCF et Mai 68 et avait, comme les plus malins de cette époque, opté pour le « gauchisme ». Pour lui, son gauchisme prit la forme d’un engagement à la LCR après exclusion du PCF (quand d’autres choisissaient la version mao, ou anar). Surtout, à l’inverse de nombreux militants gauchistes qui lors de la fin des années rouges post-68 vendirent leurs convictions pour un plat ministériel ou un train de sénateur, Jean-Robert Velveth persista inlassablement et opiniâtrement dans les idéaux de justice et d’égalité de sa jeunesse. Il demeurait ainsi, par exemple, aux côtés des sans-papiers.
Velveth, donc, vieux militant d’extrême gauche, est mort sous Sarkozy. Cela ajoute à la tristesse de cette nouvelle car Sarkozy est bien sûr l’ennemi principal. Continuer le combat contre le Petit aux grandes oreilles de l’Elysée sera le plus bel hommage possible au militant disparu de la part de celles et ceux qui, comme moi, ne le connaissaient que de loin.
Mes condoléances à ses proches, ses amis, sa famille.