Ce texte n’a aucune volonté polémique, comme c’est trop souvent le cas dans les débats du NPA (et je ne suis pas le dernier à pratiquer ainsi). La situation de crise du NPA est telle qu’elle oblige à aller à l’essentiel. Si perdurent la situation de profonde division actuelle et la tentative de secteurs gaucho-archaïques d’imprimer leur marque définitive sur l’orientation, le style, les préoccupations et l’horizon général de notre combat, ce serait à mes yeux la fin du projet pour lequel nous nous sommes rassemblés si nombreux. Je comprends que la gravité de ce risque conduise des camarades à se constituer en courant que ce soit la P1-A ou la B. Je comprends aussi, dans le cas de la B, la nécessité d’offrir à de nombreux et précieux camarades un cadre qui évite les départs et une dispersion irréversible, en attendant que le parti, on peut le souhaiter, retrouve les bases d’une orientation certes disputée, mais compatible avec son projet initial. Si toutefois, comme on peut le souhaiter évidemment, c’est bien l’objectif de l’action de la B.
Mais ces regroupements seraient de faible utilité si la nécessaire clarté sur des points majeurs en débat ne pouvait progresser justement à cette occasion.
Ceci en ayant en tête les questions de fond à régler dans un avenir pas trop lointain. Mais par delà donc les positions défendues dans l’immédiat, y compris par rapport à la campagne présidentielle du parti avec la candidature de Philippe Poutou, même si c’est bien entendu problématique [1].
Je m’adresse au courant B à partir du texte distribué à l’université d’été et j’irai volontiers en débattre à la réunion nationale : tous les efforts doivent maintenant être faits pour reprendre le fil des discussions nécessaires. Je fais de même parallèlement envers les camarades de l’ancienne position 1 du Congrès qui ont rejoint la A lors de la CN et en vue de leur propre réunion.
Aux camarades de la B
Le texte B fait litière de la masse de faux procès qui ont été adressés aux camarades, réaffirme un fois de plus qu’il n’est pas question de rallier le FG d’une quelconque manière ainsi que l’attachement aux principes fondateurs du NPA, par exemple quant à la conception globale du combat politique, et en particulier la priorité donnée à l’auto activité en toutes circonstances. Ceci permet de cerner positivement les débats restants.
Le projet distribué par la B comporte des parties avec lesquels mon propre point de vue est en large accord. Bien sûr dans les parties qui étaient communes à la 1 et à la 3 lors du Congrès. Mais aussi avec une analyse équilibrée des potentialités et des difficultés présentées par les révolutions et mouvements en cours. Dans la présente contribution cependant, je me concentre sur ce qui, toujours de mon point de vue, mérite des clarifications sur des points importants ou comporte des divergences.
Je laisse de côté les bilans, pour l’essentiel. Que ce soit celui du NPA depuis son lancement, ou plus proche de nous, celui de la manière dont le parti s’est divisé à l’annonce du retrait d’Olivier, bien que je sache que ça soulève toujours maints débats. A cela, trois raisons. Il est rare, sinon impossible, qu’on puisse se tourner vers l’avenir en jetant du vinaigre sur des divergences trop récentes. En cette matière comme en tant d’autres, comme disait le vieil Hegel, « La chouette de Minerve (la connaissance) ne prend son envol qu’à la tombée de la nuit ». A la fin. Et encore. Ces bilans sont toujours partiels, soumis à appel, et révisables en fonction d’événements futurs. La seconde raison est que le basculement du monde que nous avons sous les yeux modifie sensiblement le cadre du débat tel qu’il s’est constitué ces dernières années. Ici aussi en Europe, avec l’approfondissement de sa crise et avec le type de luttes qui lui correspondent, leurs potentialités et leurs limites. Enfin parce que la visibilité politique manque sur le moyen terme (disons jusqu’à après les élections de 2012). Enfin, j’avoue très modestement que m’interrogeant moi-même sur chacun des points du bilan, je serais mal venu d’en faire des sujets de débats.
Une sous estimation de ce qui nous sépare du FG ?
Le texte B avance l’appréciation suivante : « De ce point de vue, depuis la campagne unitaire pour le « Non au Traité constitutionnel européen », le camp qui défend une politique alternative au social-libéralisme, s’est peu à peu constitué et le paysage politique à la gauche du Parti socialiste s’est considérablement modifié. ». Et aussi : « Les limites du Front de gauche n’en demeurent pas moins réelles et les sous-estimer serait porteur de graves désillusions. Dans les contradictions politiques qui traversent ses composantes, le front de gauche a pour l’heure, choisi pour l’essentiel de tomber à gauche, malgré tous les pronostics hasardeux le concernant. » Les deux énoncés sont liés en partie. En partie non. Mais contestables tous les deux.
Qu’est-ce qui exactement autorise à dire que le FG a « choisi pour l’essentiel de tomber à gauche » ? Je laisse de côté les textes et déclarations des partis constituants (l’attitude vis-à-vis de ces textes fait partie d’un point suivant). En l’absence d’une donnée décisive à venir, soit son attitude face à un éventuel gouvernement PS, rien n’indique dans la pratique qu’il « tombe à gauche ». Pas dans les institutions, puisque nulle part les alliances avec le PS ne sont rompues. Le cas du Sénat désormais à gauche est emblématique. Le groupe apparenté communiste (le PG n’a plus de sénateurs) a rallié la nouvelle majorité sans aucune condition préalable. Même pas le refus de l’élection de l’ultra-libéral Marini à la tête de la commission des finances, même si les sénateurs communistes ont protesté pour la forme. Or il s’agit clairement dans le cas du Sénat d’une des institutions majeures du pouvoir central.
Mais même avant cet événement, il n’y avait aucun signe non plus au niveau des CG ou des CR (Limousin excepté), sans compter les grandes villes. Le PG est parfois hors des exécutifs, s’abstient parfois sur les budgets, mais n’est jamais dans l’opposition. Le PC est aux ordres du PS presque partout. Certes la question qui se posera en 2012 si le PS l’emporte sera d’une mesure incomparable avec ces institutions là, on le sait bien. Mais pour l’instant la réalité est celle-là.
Dans le mouvement social par ailleurs, guère de chute « à gauche » non plus. Le test du combat sur les retraites n’a même pas un an. Non seulement le FG a soutenu Thibault explicitement de bout en bout, mais on se souvient de Mélenchon combattant pour le « référendum » comme « sortie civilisée de la crise ».
Le problème est que, pour certains camarades, semble t-il par définition, nous ferions partie du même « camp du non » que le FG, défendant une « politique alternative au social-libéralisme » (encore une fois sur ce terme « programmatique », voir les commentaires ci-dessous). Mais en pratique nous n’avons pas pu le vérifier à une quelconque échéance impliquant autre chose que des discours. La question gouvernementale en 2012, là, ce sera du raide. A ce propos le texte avance l’idée que le PG : « affirme, lui, à ce jour, qu’il ne participera pas à un gouvernement dirigé par le PS ». Jamais lu ça nulle part. Mélenchon a répété qu’il ne participerait qu’à un gouvernement dirigé par lui. Mais les résolutions du PG en lui-même sont bien plus prudentes [2]. Surtout Mélenchon vient de confirmer clairement que le PC lui y serait peut-être prêt [3]. Comment pourrait-il s’opposer à un gouvernement de ce type, où il n’est même pas sûr que des éléments proches du PG (si ce n’est lui donc) n’y soient pas ?
Ne serait-il pas enfin temps que nous sortions une bonne fois des pronostics qui finissent par devenir des vérités d’évangile ? Certains camarades ont voulu nous faire voter que sans doute aucun le FG irait dans un gouvernement PS après 2012. Le texte B laisse entendre que pour le moment ça « tombe à gauche », et que s’il y a un doute pour le PC, il n’y en a guère pour le PG sur la question en 2012. Pourquoi a t-on besoin de ceci ? La vérité est qu’on ne sait pas (et peut-être même ne le savent-ils pas eux-mêmes). On ne peut pas se contenter de fixer notre propre ligne et d’attendre de voir ?
Sur la perspective politique et le sens du combat du NPA
Le texte B oscille entre deux formules sinon contradictoires du moins différentes et qui impliquent des analyses elles-mêmes très différentes. Il affirme ainsi que « les conséquences (de la situation décrite, SJ) peuvent être désastreuses en l’absence d’une force politique qui représente une alternative au libéralisme et au social-libéralisme. » Puis : « Il est plus que temps qu’une alternative anticapitaliste et écologiste exprimant les besoins et les aspirations de la population, des jeunes et des travailleurs, ouvrant une perspective à leurs mobilisations trouve les moyens de s’exprimer et de changer le rapport de forces entre celles et ceux qui acceptent le cadre du capitalisme et celles et ceux qui le contestent. »
Est-ce la même chose ? Évidemment que non. Mon avis est que les deux sont indispensables mais qu’il faut se garder de les confondre. Nous devons être partie prenante, voire moteur, d’un réel rassemblement « alternatif au social-libéralisme » chaque fois qu’il est possible. Concrètement par exemple sous la forme de comités unitaires posant la question du refus de payer la dette et pour des audits populaires. Ou, bien plus profondément, sous la forme d’un front d’opposition de gauche social et politique au PS, si ce parti parvient au pouvoir. Et cette perspective peut être rendue vivante dès maintenant sous des formes à trouver, ce qui d’ailleurs serait un réel outil pour mettre en discussion les ambiguïtés du FG et de son candidat.
Mais en ce qui concerne la perspective anticapitaliste, c’est autre chose. Inutile de jouer sans fin sur les mots entre « antilibéral », « anticapitaliste », « révolutionnaire ». La question ouvre sur un problème de fond à discuter, majeur, décisif. Le PC, en tant que tel, fait-il partie de la perspective anticapitaliste imaginée ? Ma réponse n’a pas varié, c’est non. Il n’existe en Europe aucune expérience réussie incluant les restes organisés du stalinisme dans une nouvelle formation anticapitaliste. Nous avons sous les yeux l’expérience, en cours, de Die Linke. Même pour ce parti, bien loin d’être aussi radical que le NPA, la réponse est que ça ne marche pas. Il se maintient à l’Est de l’Allemagne c’est vrai (et encore pas toujours). Et c’est sous la forme de l’ancien PC, qui n’a rien, mais alors rien, d’un parti « anticapitaliste » et même pas, sous maints aspects, vraiment « antilibéral ». A l’Ouest, c’est un échec. Surtout quel bilan exactement faut-il tirer du PRC en Italie, « mère des batailles » sur cette question de la reconversion des restes staliniens ? Pourquoi et comment serait-ce différent avec le PCF ?
Faut-il alors céder au gaucho-sectarisme en vogue dans certains secteurs du NPA en ce moment, qui conduit au « seul contre tous » ? Non, pas question. Mais il faut bien distinguer les choses. Nous devons continuer à nous adresser aux dizaines de milliers de militant-e-s qui rejettent le capitalisme. Comme le disent nos principes fondateurs, ils-elles se trouvent au sein et autour des partis comme le PC (et même le PS) et, surtout dans le mouvement social. La question n’est pas de jouer une quelconque opposition « base/sommet ». Mais de comprendre que nous avons d’un côté des appareils liés à l’État bourgeois (ici par PS interposé), et dont la vie et la survie dépendent : le PCF en tant que tel, les hautes sphères syndicales et même souvent associatives. De l’autre une masse de militant-e-s parfois confus, le plus souvent bien moins radicaux que nous (et même, pourquoi pas, ponctuellement, moins qu’un Mélenchon) mais qui cherchent une issue. Et peuvent évoluer dans le bon sens parce que rien de matériel, d’institutionnel au sens fort, ne les en empêcherait si les évènements les y conduisaient.
Dire cela n’a rien à voir bien entendu avec les formules désastreuses défendant un face à face solitaire du NPA avec « ceux d’en bas ». On parle là de militant-e-s réellement existant-e-s qui constituent la partie la plus importante des bases humaines et organisationnelles possibles de la reconstruction du mouvement ouvrier. En réalité, le fait de confondre le FG et ses partis avec « ces dizaines de milliers » renvoie d’un côté à l’utilisation ambiguë des deux formules discutées plus haut. De l’autre à la croyance d’un changement qualitatif du PCF, qui serait possible, même probable, en cours voire carrément déjà accompli. Alors que, pour l’instant, son positionnement est uniquement le produit de l’éloignement du pouvoir depuis longtemps maintenant. Mais aucun test politique ou social ne vient attester d’une telle mutation. Juste en passant : le PC13 a jusqu’au bout refusé de lâcher Guérini (et encore maintenant semble t-il), la GU et le PG (qui n’ont pas d’élus au CG13) ont refusé de s’associer au NPA et à EE pour condamner cette attitude et de plus n’ont lancé aucun appel public contre Guérini. C’est peut-être juste local, mais c’est un signe.
Certes la politique à la mode de l’Ecclésiaste (« Ce qui fut, cela sera ; ce qui s’est fait se refera, et il n’y a rien de nouveau sous le soleil ») ne mène nulle part. On ne peut pas exclure que la gravité de la crise économique combinée à un violent rejet populaire des politiques libérales conduisent à une modification substantielle des liens constitutifs du PCF avec le système et contraigne son appareil à une mutation-suicide. Si ça se produit, on verra. Mais outre que ce serait vraiment un cas d’espèce, je le répète : dans l’immédiat pas de signe qu’il en aille ainsi.
Enfin pour qu’il n’y ait surtout pas de malentendus sur ce point. Comme je l’ai déjà défendu ailleurs, il va de soi à mes yeux que nonobstant cette analyse, on ne peut pas contourner la question des alliances politiques et électorales avec le FG quand elles sont possibles. Pour deux raisons. L’une est l’obtention d’élus. L’autre, bien plus importante dans le contexte de cette discussion, est qu’il est exclu de chercher à influencer dans notre sens les « dizaines de milliers » sans une réelle politique de Front Unique vis à vis du FG, tant, évidemment, ces secteurs décisifs sont justement l’enjeu d’une bataille entre la perspective de ralliement au PS et la perspective anticapitaliste. Et que, aujourd’hui pas plus qu’hier, la dénonciation et la propagande ne peuvent remplacer une politique unitaire bien conduite.
Sur l’entrée par le « programme »
Pour saisir mes questions au texte B il faut toutefois se départir d’une attitude trop répandue qui consiste à considérer en premier les textes et discours, et non les actes ou même l’histoire quand on parle de partis comme le PCF ou le PG. Pour les plus anciens des lecteurs, j’avais déjà le même désaccord avec cette façon de faire à l’époque du débat sur le programme commun de l’Union de la Gauche. Combien de polémiques sur le nombre de nationalisations nécessaires ? Alors que la question n’était pas là, mais dans le fait que programme ou pas, c’était la trahison des promesses qui nous attendait en l’absence de poussée sociale. Et la question n’est toujours pas là, moins que jamais, étant donnée l’expérience de masse réalisée désormais que, comme le disait Charles Pasqua, « les programmes n’engagent que ceux qui les écoutent ».
Je reprends ce que j’ai écrit ailleurs [4]. « Il y a dans toutes les fractions du NPA une révérence étonnante quant à la lettre des programmes. Talmudique pourrait-on dire. Pourtant on devrait savoir depuis le temps que si un mauvais programme unitaire signe en général d’emblée l’échec, un bon ne garantit rien. Pas même le fait de demander des comptes s’il est trahi. En général, seule domine la désespérance devant les promesses non tenues. D’un autre côté si la justesse et la pureté d’un programme faisaient office de jugement divin, avec la masse de sectes qui en ont en produit à jet continu (et continuent à le faire, y compris au sein du NPA), on aurait bien fini par trouver la pierre philosophale. Mais voilà : la révolution russe elle-même s’est réalisée sur trois mots d’ordre (« La paix, le pain, la terre ») dont aucun n’était socialiste ni même anticapitaliste. Et ceci après que le parti de Lénine ait, sur son instigation avec les « thèses d’avril », jeté aux orties son propre programme. Là aussi, depuis le temps on devrait savoir que ce qui compte c’est le « moment stratégique » comme le nommait Bensaïd, la combinaison de mots d’ordre programmatiques et de conditions propres à la période ».
Cela se traduit pour moi par la position suivante. Si on peut dans les débats s’appuyer sur les textes pour exemplifier ce que nous défendons, la question stratégique, celle des rapports au PS, doit être présente dès le début des discussions menées avec le FG, pas à la fin. C’est un préalable de méthode. Il n’y a rien d’autre à prouver, démontrer, et en particulier pas dans une discussion sur la plus ou moins grande « radicalité » de leur programme… Surtout quand c’est le gouvernement national qui est en jeu. Et donc aux Législatives, où tout accord devrait être subordonné à des formules claires (pas de participation à un gouvernement dirigé par le PS) et pas, une fois de plus, les formules tellement usées de « social-libéral ». Et encore plus quand tout le monde sait ce qu’un gouvernement PS aurait à assumer comme situation dans la période.
Je dois à la vérité de dire que le texte B n’aborde pas directement cette question. Mais elle est à la source de nombre de malentendus. Et elle a des conséquences immédiates. Les camarades de la B souhaitent engager ou poursuivre le débat avec les forces de la gauche de la gauche désormais négligées par la nouvelle majorité du NPA. Voilà ce que dit le texte : « En ce qui concerne le Front de gauche, notre démarche se concrétisera non pas par une quelconque demande d’adhésion au Front de gauche, mais par l’engagement d’un débat public qui permette d’explorer les possibilités d’une alliance politique même partielle sur la base d’une remise en cause radicale du libéralisme et du social-libéralisme. Dans le même temps, sans que cela constitue un palliatif à une démarche d’ensemble à l’égard des forces qui se situent à la gauche de la gauche, notre courant explorera les possibilités d’initiatives communes avec les forces dont nous sommes aujourd’hui les plus proches comme les Alternatifs, le MOC ou partie de la Fase. » Où l’on voit que la recherche d’une base « politique même partielle » avec le FG est prise toujours par la partie « contenus », et pas de l’indépendance avec le PS, ce qui renvoie au débat ci-dessus.
Surtout peut-on mettre sur le même plan le FG et ceux qui l’ont rallié d’un côté, donc ceux pour qui la question des relations au PS n’est pas réglée comme nous le souhaitons, et de l’autre côté les forces, certes moins importantes, mais qui ont confirmé leur volonté d’indépendance ? Avec le premier on peut toujours débattre, mais sans laisser l’illusion d’un rapprochement tant que le problème n’est pas clarifié dans le bon sens. S’il l’est ce sera positif et on verra. Avec les seconds il faut avancer plus vite et plus loin sans attendre 2012. Par exemple dans une affirmation commune et nette d’opposition vis-à-vis d’un éventuel gouvernement dirigé par le PS.
La question du « rejet du système »
J’aborde ici une question nouvelle que le texte B ne traite pas en tant que telle mais qui a et va avoir une énorme importance. Celle du positionnement « antisystème ». Pour des raisons propres à la logique de nos débats internes, beaucoup de camarades actuellement à la B se sont vivement élevés contre des formules d’un texte proposé par Léon Crémieux et François Sabado et dans lequel les deux camarades défendaient un positionnement « antisystème » [5]. Sans trop forcer le trait, ils y voyaient la feuille de route pour le glissement gauchiste qui allait se produire au NPA.
Je n’ai pas à parler pour ces deux camarades, mais j’insiste (comme je l’ai fait depuis dans de très nombreux textes) sur le fait que pour moi ça n’a rien à voir et qu’il faut impérativement éviter de rester figés sur des clivages anciens sans saisir la profonde nouveauté qui nous attend. On y voit une trace rapide, mais très positive à mes yeux, dans une phrase du texte B, décrivant l’entrée avec les divers mouvements des Indignés « dans une logique de défiance à l’égard de toutes les institutions qui sont parties prenante du système contesté ». Quand une telle chose se produit personne ne peut dire : « voyez je l’avais dit » (et donc pas moi non plus) tant les éléments tiennent de l’événement historique. Mais admettons quand même que les signes étaient déjà forts (par exemple, malheureusement, la poussée de l’extrême droite). Ceci devrait conduire en particulier à juger sur un mode complètement nouveau la question traditionnellement dite « des institutions » dans le NPA sans tomber bien sûr dans l’infantilisme gauchiste qui a pignon sur rue désormais dans le parti.
Nous avons maintenant la chose sous les yeux : la crise de la démocratie bourgeoise et de ses instruments balaye l’Europe, et bien au-delà du cas que nous connaissons bien de la 5e République en France. Il n’y a rien de plus urgent que de s’interroger sur ce que cela signifie comme potentialités nouvelles, mais aussi comme contradictions voire impasses. Par exemple il est clair que dans l’immédiat ce n’est jamais vers la création de nouveaux partis (ou de fronts de partis) que poussent ces mouvements, encore moins vers le renforcement des partis présents, même pas ceux de la gauche radicale. La position gauchiste en cours dans une partie du NPA n’est en rien renforcée par les mouvements des Indignés, au contraire. Elle en devient encore bien plus dangereuse tant la nécessité impérieuse de rester au contact de ce type de puissant mouvement populaire doit pour nous toucher à l’obsession (voir le débat sur la question de la dette). Et tant il est clair que dans l’immédiat c’est bien de mouvements antilibéraux de masse qu’il s’agit, pas de mouvements qui ciblent le capitalisme comme système, et encore moins qui ouvrent vers une perspective socialiste. Répondre à la nouvelle situation demandera beaucoup de réflexions et d’analyses spécifiques. Mais une chose paraît certaine : en prendre la mesure est une question pour tout de suite et pour tout le monde, malgré la crise qui nous secoue.
Aux camarades de la P1-A
« Ne vous y trompez pas : les mauvaises compagnies corrompent les bonnes mœurs », 1 Corinthiens 15.33
Les camarades regroupés dans la P1-A annoncent comme références le programme « sortir de la crise » voté majoritairement au Congrès et le texte de la P1 présenté à ce même congrès, arrivé en tête mais sans majorité absolue. Il s’avère que ces références (et quelques autres) sont aussi les miennes et que je ne les ai pas abandonnées. Non que le texte P1 soit exempt de nombre d’ambiguïtés, de questions non tranchées, etc. Il s’agissait d’un texte de compromis. Mais sauf à être gagné par l’esprit de secte, quel texte de congrès n’est pas en même temps un compromis ? Ce document cherchait à maintenir un équilibre difficile entre les deux thèmes originels du NPA, « unité et radicalité ». Comme je l’ai indiqué en introduction, ce n’est pas l’objet du présent texte d’en tirer un bilan et pas plus de savoir pourquoi la résolution P1 n’a pas convaincu, ceci précipitant la crise du NPA.
Je prends les références comme elles sont affirmées par la P1A, et j’y vois donc un salutaire rappel positif. Le problème vient après. Des camarades de la P1A ont en pratique choisi une alliance qui ne se dément pas (voire s’approfondit) avec des secteurs qui sont viscéralement opposés à ces textes. C’est un voyage dont on revient difficilement et qui, potentiellement, peut annuler les références revendiquées.
Sérions les questions. Dans l’état du NPA où souvent la dépolitisation est notable, il est clair que les votes des militant-e-s (par exemple 1, 2 ou 3 au Congrès) ne signifient pas des choix cristallisés. Et il est plus que légitime de chercher ce qui unit par-delà des votes conjoncturels, y compris avec les votants P2. Mais l’affaire devient bien différente quand il s’agit de fractions délimitées, structurées pour et dans une bataille de longue portée. Voilà une première interrogation : pour ma part, il me paraît impossible de lier les références annoncées par la P1-A avec des accords de fond avec les secteurs gaucho-sectaires. Si cela se confirme il peut s’agir là d’une mutation qualitative.
J’entends les affirmations répétées comme quoi il s’agissait lors de la CN d’un accord de conjoncture autour d’une candidature. Mais celui-ci se combine avec des positionnements qui sont d’une toute autre portée. La position A a publié lors de la préparation à la CN une tribune dans TEAN qui est plus qu’alarmante. Elle affirme : « ce qui doit être l’axe central du NPA, et qui a fait son succès lors de sa fondation, c’est le dialogue direct avec les salariés, les jeunes, les chômeurs, avec la volonté de les convaincre de nos idées, de faire progresser dans la conscience de notre classe sociale la nécessité d’en finir avec le capitalisme et de bâtir une autre société. ».
Il s’agit là à mes yeux d’une rupture en bonne et due forme avec les principes fondateurs du NPA qui exclue un tel face à face isolationniste gaucho-sectaire entre « le vrai peuple » et notre parti. Rappelons ce que disent ces principes : « Dans et autour de ces partis de la gauche institutionnelle, nombreux sont celles et ceux qui n’ont pas renoncé à changer radicalement la société. Avec eux, comme avec l’ensemble des travailleurs/euses, nous voulons construire sur d’autres bases, en rupture avec les capitulations et les reniements de cette gauche pour créer une nouvelle représentation politique des exploité-e-s, un nouveau parti anticapitaliste, un parti qui se bat jusqu’au bout contre le système, un parti pour la transformation révolutionnaire de la société. ». Il s’agit là du projet fondamental du NPA. Si on y touche, on ne peut pas considérer que ce soit juste en passant.
Un deuxième point est très préoccupant dans cette tribune. Elle affirmait : « Mais, si l’idée est de regrouper des antilibéraux et des anticapitalistes dans les élections comme en dehors, sur la seule base de la non-participation à un gouvernement avec le PS, cela ne peut qu’aboutir à un obscurcissement de notre projet. Car si le PCF ne participera peut-être pas à un gouvernement avec le PS dès 2012, cela ne l’empêche pas de combattre l’idée de la grève générale dans les mobilisations, d’être pro-nucléaire et mouillé jusqu’au cou dans les institutions du capitalisme. ». Or notre bataille constante au cours des dernières années (et celle de la P1 d’une manière évidente) fut bien au contraire que le point tournant, celui de la délimitation majeure, était en définitive celui de l’indépendance vis à vis du PS.
Conditionner un accord ponctuel possible à autre chose que cette indépendance est une nouveauté très inquiétante, puisque de plus ces nouvelles conditions l’excluent à jamais. C’est évidemment très concret pour l’avenir proche. Si le PS gagne en 2012, oui ou non, conformément à ce que défendait la P1, faudra t-il se battre pour une opposition de gauche unitaire à la politique alors menée ? Qu’à l’intérieur d’un tel regroupement le débat se poursuive sur les modalités d’application de cette opposition (donc sur la nature des luttes à mener et sur leur forme), bien sûr. Mais en faire une condition de départ boucle sur l’affirmation isolationniste citée ci-dessus : qui à part nous (et bien sûr « le vrai peuple ») répond à ces critères ? Si l’on s’en tient au mouvement des retraites de 2010, même pas LO qui, contre nous, a combattu comme « gauchiste » l’idée de la grève générale. Quant à leur position sur le nucléaire…
Je sais bien que ceci ne résume pas les choix de la P1-A. Mais il n’est pas possible à mes yeux de laisser planer des ambiguïtés sur ces questions. Et ceci m’amène donc en résumé aux questions suivantes posées aux camarades de la P1-A.
– La volonté de regroupement des anticapitalistes comme indiquée dans nos principes doit-elle être remplacée par le face-à-face sectaire du NPA seul et « du vrai peuple » ? Si ce n’est pas le cas, ne faut-il pas revenir sur la tribune discutée ci-dessus ?
– Doit-on abandonner le critère de l’indépendance vis-à-vis du PS dans la constitution de fronts politiques, comme c’était le cœur de la position 1 au Congrès et comme d’ailleurs celle des principes fondateurs ? Faut-il ou non rejeter la conséquence (qui va de soi si on conserve cette position) soit la volonté de regrouper dans un front social et politique une éventuelle opposition de gauche à une future majorité gouvernementale et parlementaire dirigée par le PS ? Si on y souscrit, ne faut-il pas discuter des initiatives à prendre dès maintenant pour faire vivre cette problématique ?
– Puisque l’accord à la CN est annoncé comme tactique, qu’est-ce qui sépare sur le fond cette fois ci, la P1-A des secteurs archéo-gauchistes ? Là, maintenant, aujourd’hui ? Est ce toujours les mêmes éléments qu’au moment du Congrès ? Ne faut-il pas maintenir à tout prix la rupture avec les tentations de revenir aux sectes prétendument « révolutionnaires » du siècle passé ?
– Si cette séparation de fond est réaffirmée, et compte tenu que les camarades de la B, dans leur texte comme pratiquement, ont levé les doutes (ou procès d’intention) sur un ralliement à Mélenchon, n’est-ce pas avec la reprise du débat de ce côté qu’une relance du processus NPA doit être recherchée ? Cette question, en sens inverse cette fois, peut d’ailleurs être adressée tout aussi bien justement aux camarades de la B…
Samy