Les Algériennes, révolutionnaires averties
Durant le colonialisme français en Algérie, la femme algérienne a assumé aux côtés de l’homme ses responsabilités à l’égard de la révolution. Elle a admirablement accompli son devoir patriotique aussi bien dans les campagnes que dans les villes. Des années après la libération de l’Algérie, la femme ne s’est pas libérée pour autant. Le poids de la religion, des traditions et des codes de la famille ont sérieusement épiné son parcours de combattante malgré les décennies passées. Victimes de répression, de violence et d’exclusion, les Algériennes commencent petit à petit à se réveiller de cette léthargie, directement après le soulèvement en Tunisie. Elles sont mêmes prêtes à dénoncer leurs maux, à faire valoir leurs revendications et à manifester. Bien que fortement présente dans des secteurs comme celui de la justice, la santé ou l’éducation, la femme algérienne ne réussit toujours pas à défendre ses droits, ni à construire une démocratie pour son pays.
Pour les Algériennes, le « printemps arabe » est le leur. Toutes sont descendues dans les rues pour crier leur ras-le-bol de la misère sociale et réclamer le respect de leurs droits de citoyennes. Les Algériennes demandent à cor et à cri l’abolition du Code de la famille, inspiré de la Chariâ et une réelle politique vis-à-vis des femmes. Pour elles, ce code ne correspond en aucun cas à l’image de la femme algérienne contemporaine, qui est partie prenante du paysage social et politique. Elles exigent également l’égalité en droits entre les hommes et les femmes, un principe incontournable et indispensable pour l’évolution. Des manifestants des deux sexes ont marché plusieurs fois ensemble pour que les revendications des femmes soient prises en compte. Malheureusement, le gouvernement ne répond pas aux demandes des associations féminines.
Bien qu’Abdelaziz Bouteflika, président de l’Algérie, ait consenti quelques changements en 2005, les femmes ont toujours ce statut de mineures, qu’elles soient ministres ou juges. A présent, elles exigent le changement pour une véritable justice sociale sans cherté de la vie, sans corruption, sans chômage, sans crise de logement et sans intégrisme. En effet, les Algériennes sont conscientes que les intégristes constituent toujours un danger dont elles sont les premières cibles. Elles exigent également la séparation du politique et du religieux pour préserver leurs droits et réclament le respect de la loi au sein de la constitution qui interdit la création de partis politiques utilisant la religion à des fins politiques.
Les Tunisiennes, révolutionnaires nées
Elles manifestent dans les rues, scandent à tue-tête leurs revendications et participent activement à cette Tunisie en construction. Les Tunisiennes n’abandonnent pas la lutte. Elles refusent d’être dépossédées de leur révolution et sont bien parties pour écrire leurs noms en or dans l’histoire de leur pays. Elles ont résisté à la dictature, supporté la répression et subi l’injustice sans pour autant lâcher prise. Leur combat est celui de toutes les femmes arabes qui, de loin, admirent le parcours exemplaire de ces Tunisiennes, vrai modèle d’émancipation pour plusieurs pays du tiers-monde.
C’est que depuis toujours, la femme tunisienne a lutté et a joui de droits plus étendus que les autres femmes du monde arabe. Elle se prévaut d’un statut privilégié en la matière et c’est grâce au Code du statut personnel, promulgué en 1956, que la femme tunisienne a su aujourd’hui soutenir l’homme dans la révolution de son pays. Lequel code a été quasiment révolutionnaire et avant-gardiste en comparaison avec la situation dans les autre pays de la région : interdiction de la polygamie, droit au divorce, droit à l’avortement (à partir de 1961, avant la France, la Suisse et plein de pays), droit de vote… Cela dit, le combat des Algériennes ne prend pas fin, bien qu’elles soient un modèle pour d’autres pays. Plusieurs de leurs revendications ne sont toujours pas entendues…
Lors du règne de Zine El Abidine Ben Ali, ancien président tunisien, les associations féminines étaient considérées comme faisant partie de l’opposition parce qu’elles refusaient la dictature et la répression. Après le soulèvement, les femmes sont plus que jamais sur le devant de la scène. Les associations féminines ont même élaboré un cahier de revendications pour appuyer leur travail au niveau des commissions et des partis politiques et exigent un quota de 30% de femmes sur les listes électorales. Aujourd’hui, tous ceux qui s’intéressent à la politique tunisienne doivent reconnaitre que la révolution du Jasmin s’est faite avec les femmes. Et c’est elles qui accompagneront la construction de la nouvelle démocratie dans leur pays qui, malgré ses airs de modernité, garde encore sa société patriarcale où l’égalité des sexes relève de l’utopie.
Cette présence féminine, qui se bat pour le changement, n’est pas nouvelle. Il n’y a qu’à se souvenir de la révolte de 2008 dans le bassin minier, où les femmes ont pris l’initiative pour faire face à la répression par l’organisation de marches, sit-in et rassemblements. Même chose à Sidi Bouzid et Kasserine, qui ont connu les affrontements les plus sanglants du pays en décembre 2010 et janvier 2011.
Pas de démocratie sans égalité
Dans le processus de transition, les associations féministes profitent de cet élan de liberté pour mettre leurs revendications sous les feux de la rampe. Pour l’après-Ben Ali, les Tunisiennes ne se limitent pas à la protection des acquis mais comptent conquérir de nouveaux droits et libertés. Leur première exigence, séparer le religieux du politique. Les femmes tunisiennes tiennent à leur laïcité et ne comptent pas l’abandonner après des années de lutte. Malgré le fait qu’elles soient un modèle d’émancipation des femmes pour les pays arabes, les femmes tunisiennes risquent toujours de se perdre dans l’obscurantisme avec des mouvements adoptant l’islam politique comme référence. Face à ce danger, ces femmes s’arment de force pour abolir toute forme de discrimination fondée sur l’origine ethnique, la religion, le sexe ou la langue. Autre revendication, pas moins importante, l’égalité entre les femmes et les hommes dans tous les domaines, ce qui n’est pas le cas actuellement. Elles exigent notamment que l’égalité devant l’héritage soit proclamée dans les nouvelles lois, malgré la réticence de certains partis politiques.
Dans le même contexte, les Tunisiennes réclament également que la constitution du pays soit garante de leurs droits. Pour elles, les réformes devraient garantir le caractère constitutionnel et irrévocable des droits dont jouissent les femmes tunisiennes, et les Tunisiens en général. Ces garanties sont indispensables pour que cette phase de transition soit menée à terme dans de bonnes conditions afin de restaurer la confiance dans les différents acteurs politiques existants et émergents et finalement renforcer la conviction des Tunisiens qu’ils ne seront jamais dépossédés de leur révolution. Par ailleurs, les deux gouvernements formés après la chute de Ben Ali ne répondaient pas aux revendications et aux attentes des femmes tunisiennes. Elles n’ont eu que trois postes dans le gouvernement : ministère de la Famille, ministère de la Santé et un secrétaiat d’Etat. Pour les tunisiennes, la question de la parité est loin d’être réglée.
Dans cette bataille pour l’égalité, la liberté et la démocratie, des femmes de différents âges, statuts et catégories sociales ont pris la parole pour dénoncer l’inégalité subie. Fillettes, adolescentes, jeunes femmes et femmes d’âge mûr, médecins, universitaires, femmes au foyer, avocates, couturières ou encore artistes ont joint leurs voix pour n’en faire qu’une, et ce depuis le début des émeutes. Même les plus désespérées ont eu leur mot à dire pour défendre cette révolution que les femmes ont menée. Pour exemple, soucieuses de l’avenir du pays, elles ont été appelées le 29 janvier 2011, entre autres dates, à une marche pour la Liberté et l’Egalité, une marche contrée par une bande d’individus qui les a agressées physiquement et verbalement en les appelant à « revenir à leurs cuisines ». Pourtant, elles ont décidé de continuer à se battre et à accompagner fidèlement leur Tunisie. Reste à savoir si l’avenir présage une monde où elles seront respectée ou si elles ne seront pas simplement dépouillées, par la gente masculine, de leur rôle dans la construction d’une nouvelle Tunisie.
Noura Mounib