L’Observateur du Maroc. Comment les Algériennes vivent-elles les bouleversements actuels dans le monde arabe ? Cela vous a-t-il encouragé à descendre dans la rue ?
Faroudja MOUSSAOUI. Les Algériennes, comme les Algériens, ont suivi avec intérêt ce qui arrivait dans les pays du Moyen-Orient, et surtout chez les voisins tunisiens et égyptiens. Ils ont fait le lien avec ce qui nous est arrivé il y a 23 ans, lors des événements d’octobre 1988, où il y a eu une ouverture démocratique et des changements dans la constitution qui ont amené le multipartisme, la création d’associations... Toutefois, ce que nous avons vécu, nous, démocrates algériens, notamment les féministes, nous ne voudrions pas qu’il se répète chez nos voisins, notamment le spectre islamiste, qui menace la stabilité des sociétés, surtout les droits des femmes. Les Tunisiennes doivent être vigilantes devant les pseudos islamistes modérés et surtout ne pas faire de concession au sein du relativisme culturel. Si les révolutions des pays voisins nous ont encouragées à sortir dans la rue ? Vous savez, les femmes algériennes ont toujours résisté, même au moment où on assassinait tout militant et militante qui osait afficher des velléités démocratiques. Nous avons tenu le coup, la résistance est notre deuxième nature, et les femmes sont celles qui ont payé de leurs vies. A l’exemple des femmes violées par les terroristes, dont les bourreaux ont bénéficié de liberté en toute impunité.
Avez-vous pensé à travailler avec les associations féministes en Tunisie, en Egypte et ailleurs ?
Nous avons déjà travaillé avec les associations tunisiennes, notamment dans le cadre des programmes de partenariat développés avec l’ONG Global Rights, bureau de Rabat au Maroc. Nous avons déjà travaillé sur la mise en place d’un contrat de mariage modèle qui garantit les droits des femmes, et cela à partir des législations des trois pays, à savoir, l’Algérie, le Maroc et la Tunisie. Durant l’année 2010, nous avons travaillé sur un guide pratique d’accompagnement des femmes à la justice en partant aussi des législations locales, des conventions et des pactes ratifiés par les trois pays. Je précise que durant ces dix dernières années, il y a eu beaucoup d’échanges pratiques entre associations qui luttent contre les violences contre les femmes et en matière de plaidoyer à l’égalité des sexes. On a également traité la question de la pénalisation de la violence subie par les femmes, la campagne pour la levée des réserves émises notamment par l’Algérie et le Maroc, sur la convention internationale pour la lutte contre toutes les formes de discriminations à l’encontre des femmes(CEDAW), la participation des femmes dans la vie politique… Quant aux associations égyptiennes, le contexte est différent. La législation, notamment le code de la famille, à savoir la Moudawana, est en avance par rapport à la loi qui régit la famille en Egypte. La stratégie des associations marocaines et algériennes est la référence aux conventions et aux droits internationaux. Et la désacralisation des textes relatifs aux droits de la famille, suite aux amendements du code de la famille apportés en 2005 en Algérie, et ceux apportés à la Moudawana en 2004 au Maroc constituent un acquis pour nous et un modèle que doivent suivre les autres pays musulmans qui font référence au droit musulman pour la législation de la famille, dont l’Egypte par exemple.
Comptez-vous organiser des manifestations bientôt ?
Les associations de femmes sont impliquées dans la coordination nationale pour le changement et la démocratie. Plusieurs féministes se retrouvent chaque samedi pour les manifestations sur Alger. A noter que les activités de formation et les rencontres pour le plaidoyer à l’égalité des sexes ne sont pas arrêtées.
La levée de l’état d’urgence par les autorités algériennes est-elle effective ?
La levée de l’état d’urgence n’est malheureusement pas encore effective. Pour l’instant ce n’est qu’une mesure parmi tant d’autres, faites par les autorités, pour apaiser la situation de crise suite aux manifestations. Mais elle reste parmi les premières revendications.