L’heure est au bilan, non seulement du droit à la santé et de l’accès aux soins pour touTEs sous les gouvernements Sarkozy, mais plus globalement du quinquennat, la stricte question du sida renvoyant à une multitude de thématiques.
Le parti en place depuis 2007, ses politiques racistes et antisociales ont contribué, à tous les niveaux, à la propagation de l’épidémie du sida et à la dégradation des conditions d’existence des personnes vivant avec la maladie. Rien n’échappe à ce triste constat.
Dès la fin 2010, Roselyne Bachelot-Narquin, alors ministre de la Santé, annonçait à grands renforts de relais médiatiques, l’année 2011 comme « année des patients et de leurs droits ».
Cynique plaisanterie de la part de celle qui a pensé et mis en place la loi Hôpital, santé, patients et territoires (HPST), outil de la casse programmée du service public de la santé, dans la droite ligne de la tarification à l’acte (T2A), qui oppose, en fonction de leur rentabilité, les spécialités, les praticienNEs et donc les patientEs.
Cette loi a officialisé la fonction désormais mercantile de l’hôpital public : monnayer des prestations, et donc opérer un odieux choix comptable entre les malades.
D’un côté les patientEs « rentables », qui nécessitent opérations, chirurgie de pointe et/ou séjour à l’hôpital... de l’autre les malades moins juteux, ceux et celles atteintEs d’une maladie chronique, nécessitant un suivi mais aucun recours à la haute technologie.
Les personnes séropositives ou vivant avec le sida sont frappées de plein fouet par ces réformes qui ne visent que le profit à court terme : prise en charge dégradée par le manque de personnel, délais d’attente iniques pour la moindre consultation, fermetures des services, disparition de certains postes et, de manière générale, disparition de la prise en charge spécifique que nécessitent impérativement le VIH et les hépatites.
UN COMBAT INTERNATIONAL
À l’échelle internationale, les pays riches s’étaient engagés à assurer un accès universel aux traitements dès 2010. La crise financière leur a fourni un prétexte idéal pour renier ces engagements. Dans un contexte économique ruiné du seul fait des politiques libérales, les choix politiques sont opérés en faveur des banques et des traders au détriment de millions de malades.
Le Fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose [1], qui collecte, gère et reverse des ressources et des financements afin de lutter contre la pandémie, est sous-financé au regard des besoins des pays les plus pauvres. La contribution française est notoirement insuffisante.
Les responsables politiques cèdent aux exigences, notamment tarifaires, de l’industrie pharmaceutique et à ses pressions. Les laboratoires pharmaceutiques parlent de la « concurrence des génériques », les pays riches font pression sur les pays pauvres pour limiter leur recours aux génériques.
Récemment, les accords ACTA (Anti Counterfeiting Trade Agreement) illustrent parfaitement les méthodes et objectifs des tenants du pouvoir : négocier entre pays riches et industriels, hors débat démocratique, des accords commerciaux qui assimilent les médicaments génériques à de la contrefaçon, quitte à priver les malades des pays les plus pauvres de l’accès à des traitements pourtant vitaux.
RECHERCHE ET PRÉVENTION
Alors que les discours sur la « responsabilisation » des malades ne cessent de se répandre dans les médias et les interventions politiques afin de nous culpabiliser d’être malades et de nous rendre responsables du déficit de la caisse d’assurance maladie, les soins sont de plus en plus chers, les déremboursements de plus en plus nombreux, et le montant des soins facturé qui reste à la charge des patientEs toujours plus élevé. Notre système de santé et son principal outil, l’hôpital public, sont en danger. La loi HPST, la création des Agences régionales de santé (ARS) et la T2A placent notre système de santé dans une logique d’entreprise et de vente de prestations de santé rentables. De nombreux services et lits sont fermés régulièrement, comme par exemple le service des maladies infectieuses de l’hôpital Saint-Joseph de Paris qui a laissé 500 malades sur le carreau. Pour pouvoir répondre à ses missions de service public, permettre le dépistage et prodiguer des soins de qualité pour toutes et tous sur l’ensemble du territoire, une nouvelle logique de prévention et de soins doit être mise en œuvre.
La recherche doit redevenir une priorité. Pour cela, elle doit être publique, indépendante des lobbys industriels, et prendre en compte les populations qu’elle a jusqu’ici négligées : femmes, enfants, trans, personnes co-infectées par les hépatites et le VIH, usagerEs de drogue. Des traitements plus efficaces doivent prendre en compte la qualité de vie des personnes sous traitement (nombre de prises, taille des cachets, effets secondaires, etc.).
L’accès à la santé nécessite aussi l’accès à la prévention, une sensibilisation du grand public et la diversification des outils de réduction des risques (préservatifs féminins et masculins, digues dentaires, kit pour les usagerEs de drogue, etc.). La banalisation du VIH, l’augmentation du diagnostic chez les jeunes gays, la baisse des moyens pour les actions de terrains des associations, et la baisse du niveau d’information sont une responsabilité politique qui nécessite un plan d’ampleur.
LES MINORITÉS ATTAQUÉES
Au-delà du secteur strictement médical, le volet social qui représente un pan entier de la prise en charge de la maladie, est non seulement nié, mais massacré.
La répression, le sacro-saint argument sécuritaire et l’ordre moral, fers de lance de toute politique menée par l’UMP, parfois dans un consensus avec la « gauche », contribuent à la propagation de la pandémie.
Des populations entières sont en première ligne de ces attaques : étrangerEs, sans-papierEs, usagerEs de drogue, trans, putes, prisonnierEs, homosexuelLEs, femmes et précaires.
CATALOGUE DES RÉPRESSIONS…
– La remise en cause du titre de séjour pour soins, entérinée le 16 juin dernier, est un crime organisé, l’arrêt de mort signé en haut lieu, pour 28 000 étrangerEs malades. En remplaçant la notion d’« accès effectif aux traitements » par celle d’« absence de traitements », Besson, Mariani et consorts ont sciemment condamné à mort des milliers de malades. Partout dans le monde, des traitements sont « présents », existent, mais en quantité insuffisante ou à des prix prohibitifs pour bon nombre d’usagerEs [2].
– La mise en place d’un accès payant à l’aide médicale d’État (AME), mesure effective depuis le 1er mars dernier, prive les étrangerEs les plus précaires de l’accès à des soins, à des traitements et à un suivi médical. Le public désormais astreint à payer 30 euros pour accéder à cette mesure est composé de personnes étrangères, en situation irrégulière, malades et dont les ressources sont inférieures à 7 771 euros par an pour une personne seule, soit moins de 650 euros par mois. Difficile de trouver frange de population plus précaire.
Conséquences de la mise en place de ce « droit d’entrée » : une prise en charge plus tardive, qui coûtera de fait davantage, à moyen terme, à la collectivité puisque la pathologie sera plus avancée, ou pas de prise en charge du tout, 30 euros étant pour certainEs un tarif prohibitif.
– Allant à l’encontre de toutes les expertises scientifiques et médicales, et trahissant les promesses faites par Roselyne Bachelot-Narquin à la xviiie conférence internationale sur le sida (Vienne, juillet 2010), le gouvernement a arbitrairement jugé les salles de consommation à moindres risques (SCMR) « ni utiles ni souhaitables ».
Pourtant, l’expérience internationale, notamment européenne, montre que la mise en place de telles structures évite la propagation du VIH et des hépatites, permet aux usagerEs les plus marginaux d’accéder à la prévention, à un encadrement sanitaire et aux soins, diminue les risques de surdoses, voire conduit à des sevrages.
Incapable de renoncer à une approche idéologique destinée à flatter les électeurs les plus réactionnaires, l’UMP s’obstine dans un obscurantisme primaire, et criminel, en optant encore et toujours pour la répression.
– Les trans en France font les frais de l’immobilisme politique, malgré les effets d’annonce de R. Bachelot-Narquin, ils et elles sont encore astreintEs à un parcours de contrôle social, judiciaire et psychologique dégradant pour changer de numéro de Sécurité sociale et d’état civil. La transphobie n’est toujours pas reconnue comme une réelle discrimination et fait rage à divers niveaux de la société : milieu professionnel, corps médical, milieu étudiant, etc.
– Les travailleurEs du sexe, prostituéEs, putes, sont attaquéEs par les mesures répressives des forces politiques au pouvoir et renvoyéEs tour à tour du statut de délinquantE à celui de victime. La politique abolitionniste de la France n’existe que par son volet répressif. Aujourd’hui, une vaste coalition tente par tous les moyens d’obtenir une loi pénalisant les clientEs des prostituéEs. Cette mesure serait inique : tout comme le délit de racolage instauré par Sarkozy dès 2003, pénaliser le client va en premier lieu stigmatiser un peu plus les putes, servir d’arme d’expulsion massive contre les prostituéEs migrantEs, éloigner les travailleurEs du sexe des dispositifs de prévention, d’accès aux soins et aux droits, et les exposer davantage aux violences. [3]
– Les personnes incarcérées sont deux à quatre fois plus exposées à une contamination au VIH, et six à huit fois plus à une contamination VHC (hépatite C). La suspension de peine pour raisons médicales n’a guère été appliquée que pour Maurice Papon…
Les structures type mitard ou quartiers d’isolement sont, pour les prisonnierEs malades, une version soft de la peine de mort. Plus généralement, les conditions de détention sont définitivement incompatibles avec la maladie.
De plus, aucun dispositif de réduction des risques liés à l’usage de drogue n’est disponible en milieu carcéral, les programmes d’échanges de seringues (PES), font toujours l’objet de débats, longs débats pendant lesquels des malades crèvent en prison.
– Les homosexuelEs, bi, trans, sont, en France, en 2011, encore et toujours des citoyenEs de seconde zone. Communauté dévastée par le VIH aux premières heures de la maladie, les LGBTI, 30 ans plus tard, sont toujours les victimes d’une homophobie d’État qui leur refuse des droits, et légitime par là même les violences plus « quotidiennes », médiatiquement peu
relayées. Si Christian Vanneste et Christine Boutin ont longtemps rempli leurs rôles d’homophobes de service, s’attirant les foudres de Gay Lib, qui trouvait là un moyen de justifier son existence, c’est désormais l’immense majorité de l’UMP qui assume sa vision homophobe et hétérocentrée des rapports sociaux.
ÉGALITÉ DES DROITS ET DROITS SOCIAUX
Avec l’apparition et l’hécatombe du sida dans les années 1980 qui a dévasté la communauté LGBT, une partie des mouvements militants et revendicatifs gays s’est reconvertie en mouvement de lutte contre le sida et pour l’égalité des droits. La revendication d’une union civile et de l’ouverture du mariage aux personnes du même sexe est une des réponses portée face à la haine, la peur, l’isolement subis par celles et ceux qui perdaient leur compagne ou compagnon sans reconnaissance de leur statut de couple. Perte de leur logement, des biens acquis en commun, interdiction de participer aux démarches funéraires, etc., furent souvent la concrétisation de la haine des minorités sexuelles, touchées alors par ce qui était appelé le « cancer gay ».
À l’heure actuelle, les mobilisations et la visibilité ont permis certains progrès et une amélioration de la qualité de vie pour de nombreuses personnes touchées par le VIH, notamment avec l’apparition des trithérapies, la création du Pacs, puis son amélioration avec, par exemple, la mention du Pacs sur l’acte de décès depuis le 14 avril dernier. Mais vivre avec le VIH est aussi un facteur de précarité important. En France, le taux de chômage des personnes séropos est d’environ 20 %, et la moitié des séropos vit sous le seuil de pauvreté. Moins de la moitié des personnes vivant avec le VIH dispose d’un logement personnel (rapport Yéni 2008).
Dans ces conditions, comment se soigner et vivre correctement alors que l’on sait que la précarité et l’absence d’un domicile fixe et décent sont des facteurs de mauvais suivi des traitements ? En obligeant les trans à passer par des opérations stérilisantes pour obtenir des papiers en conformité avec leur genre ou en octroyant des papiers non conformes à leur apparence, l’État discrimine une population qui est parmi les plus touchées par la précarité. Refus d’emplois, refus de logement, parcours psychiatrique pour avoir accès aux hormones ou aux chirurgies, etc., se cumulent alors aux difficultés liées au VIH.
POUR UN VÉRITABLE ACCÈS À LA SANTÉ, NOUS RÉCLAMONS
• la suppression des forfaits et des franchises médicales ;
• l’application du 100 % sécu sur le principe de solidarité : « chacun contribue selon ses moyens et reçoit selon ses besoins » ;
• des campagnes nationales de prévention en direction des différentes populations ;
• l’accès gratuit à la CMU et la CMU complémentaire pour les personnes migrantes ;
• la gratuité, la promotion, la disponibilité et la diversité des outils de prévention : préservatifs, gels, gants, digues dentaires, kits d’injection, etc. ;
• la mise en place d’un dialogue égal entre les scientifiques, les intervenantEs de terrain, les malades et les responsables des politiques de prévention.
POUR L’ÉGALITÉ DES DROITS, NOUS REVENDIQUONS
• égalité totale et réelle pour les personnes LGBTI (mariage, adoption, PMA, parentalité, droits sociaux, etc.) ;
• changement d’état-civil, et/ou de numéro de Sécu, sans passer par un parcours psy ou judiciaire pour les trans ;
• mise en place d’un plan de lutte contre les discriminations envers les personnes LGBTI ;
• mise en place d’un plan de lutte contre les discriminations envers les séropos, auprès du grand public, dans le monde du travail et auprès des professionnels de santé ;
• construction massive de logements sociaux et garantie du caractère prioritaire des personnes séropositives dans l’attribution des logements sociaux ;
• pas un seul revenu en dessous de 1 600 euros net par la revalorisation de tous les minimas sociaux ainsi que de la pension d’invalidité et de l’Allocation adulte handicapé ;
• modification de l’arrêté du ministère de la Santé de 1998 qui interdit les soins funéraires aux séropos ;
• un accès réel aux assurances et à la couverture des emprunts aux personnes vivant avec le VIH ;
• sanctionner le refus de soins aux personnes séropos.
Dossier réalisé par Cécile Lhuillier et Ludovic Haru
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 126 (01/12/11).
COMMUNIQUÉ DU NPA. MOBILISONS-NOUS POUR LA JOURNÉE MONDIALE CONTRE LE SIDA.
Cette année, la mobilisation pour la journée mondiale contre le SIDA revêt plus que jamais une dimension politique pour les malades, les minorités et les précaires.
A l’heure du bilan de 5 ans de sarkozysme, ses politiques racistes et antisociales ont contribué à tous les niveaux à la propagation de l’épidémie du Sida, à la dégradation de l’existence des personnes vivant avec la maladie, à la destruction du droit à la santé et de l’accès au soins pour toutes et tous.
Les personnes vivant avec le SIDA sont frappées de plein fouet par les réformes qui ont pour seul but le profit à court terme : loi HPST (Hôpital, Patient, Santé, Territoire), T2A (Tarification à l’Activité), fermetures de services, suppressions de lits, disparitions de postes, etc. Ces réformes provoquent inévitablement une dégradation des conditions de vie des personnes vivant avec le VIH et une disparition de la prise en charge spécifique que nécessitent impérativement le VIH et les hépatites.
En réponse, le NPA revendique la suppression des forfaits et des franchises médicales, l’accès gratuit à la santé ; la défense et le développement d’un service public de santé. Pour des conditions de vie décente, pas un seul revenu en dessous de 1500 euros, notamment par la revalorisation de tous les minima sociaux, de la pension d’invalidité et de l’Allocation Adulte Handicapé.
Pour une politique de recherche et d’accès au médicament pour les populations jusqu’ici négligées, la seule solution est une véritable politique de recherche publique, indépendante des lobbys industriels, ainsi que l’abolition des brevets de l’industrie pharmaceutique pour permettre l‘accès et la fabrication de médicaments génériques dans les pays les plus pauvres.
Pour toutes ces raisons, le NPA soutient l’appel à manifester lancé par Act-Up Paris.
Rendez-vous le 1er décembre à 18h30 place de la Bastille.
Le 30 novembre 211.