Maroc : Les ouvrier(e)s agricoles (FNSA/UMT) entament une campagne de lutte pour dénoncer la discrimination juridique à leur égard et les conditions de travail inhumaines, et organisent un sit-in national à Rabat le 15 Décembre 2011
Dans le cadre de sa lutte continue pour l’éradications de l’exploitation, de la marginalisation et de la discrimination juridique contre la classe ouvrière agricole au Maroc, et suite à son engagement de principe et sa participation aux larges protestations ouvrières et populaires que connait la Maroc, initié principalement par le mouvement du 20 février et catalysé par les révolutions et les changements en cours dans la région du Maghreb et du moyen orient, et en parallèle avec la commémoration de la Journée Mondiale des Droits de l’Homme, La Fédération Nationale du Secteur Agricole (UMT) entame une campagne de lutte, du 3 au 15 Décembre 2011pour protester contre l’exploitation accrue, les conditions sociales et économiques déplorables vécues par les ouvriers (es) agricoles et la discrimination juridique dont ils font toujours l’objet.
Cette campagne se fera en deux phases :
1 – Des protestations aux niveaux régionales du 3 au 14 Décembre 2011 : Chaque section locale ou régionale fixera son programme d’action qui contiendra le port du brassard, organisation des sit-in le jour du repos hebdomadaire, ou la fin de la journée du travail et même à l’intérieur des exploitations…
2 - Un sit-in national le 15 Décembre 2011 devant les sièges du ministère de l’Agriculture et le ministère de l’Emploi à Rabat.
A travers cette campagne, les ouvrier(e)s agricoles veulent dénoncer la réalité de leur extrême pauvreté et le bafouement de leurs droits élémentaires
1. Au niveau du salaire : le salaire minimum légal dans l’agriculture est de 60,63 dirhams par jour (5euros), c’est-à-dire 1576 dirhams par mois(140euros), les jours de repos n’étant pas payés (contre 2431 dirhams pour l’industrie et le commerce soit 230euros).Il faut noter que les syndicats ont réussi, grâce à leurs luttes et aux luttes populaires, à obtenir une augmentation de 15% du salaire minimum lors du dialogue social du 26 avril 2011, et que la FNSA/UMT a mené un grand combat pour aboutir à un accord pour unifier le salaire minimum dans tous les secteurs sur 3 années (1/3 par an). Mais nous estimons, à cause des manœuvres de l’Etat et de son protégé patronat agricole, que cet accord ne sera effectif que par une lutte acharnée et continue.
2. Au niveau du nombre d’heures de travail : les ouvrier(e)s agricoles selon le code du travail sont sensés travailler en moyenne 48 heures par semaine contre 44 heures dans l’industrie et le commerce. Mais dans la pratique, ils travaillent plus de 10 heures par jour et dans des conditions très dures (dans les abri-serres à forte humidité et des températures élevées, utilisation des pesticides sans protection...)
3. Concernant les déclarations à la Caisse National de Sécurité Sociale. Le nombre des salariés agricoles déclarés à la CNSS représente à peine 6% du total des assurés (l’effectif des ouvriers agricoles est estimé à 1000000). Ce qui prive la grande majorité d’entre eux de toute couverture sociale et des allocations familiales, et permet aux patrons agricoles de piller des milliards de dirhams par an.
4- Généralisation de la flexibilité du travail par le recours intensif aux entreprises d’emploi temporaire qui sape toute relation de travail stable et les acquis relatifs à l’ancienneté.
5. Le non-respect du droit syndical. Dans la majorité des cas, les ouvrier(e)s syndiqués sont licenciés dès la formation de leur bureau syndical, de même les délégués des salariés sont les premiers victimes (chez ZNIBER et les DOMAINES ROYAUX par exemple) et les autres qui rentrent en grève de solidarité sont également renvoyés à leur tour .Alors que Les autorités se mettent toujours du côté des patrons agricoles et mettent à leur disposition les forces de répression et les tribunaux pour condamner les grévistes, en vertu de l’article 288 du Code pénal. Cet article réprime le droit de grève par le biais de la soi-disant entrave à la liberté du travail .
6. Le transport des ouvrier(e)s agricoles vers les exploitations se fait par des vieux véhicules (remorques, pick up entassés) sans assurance mettant leurs vies en danger, et des accidents souvent mortels se produisent régulièrement dans beaucoup de régions, et avec une complicité totale des autorités qui ne bougent pas le pouce envers ce genre de transport illégale.
7. L’Etat veille à « exporter » les femmes rurales et celles des quartiers marginalisés à travailler dans des champs de fraises en Espagne avec des conditions semblables à celles de l’esclavagisme qu’on croyait aboli dans les pays du Nord.
Ce ne sont ici que quelques aspects des conditions d’oppression et d’exploitation des ouvrier(e)s agricoles, et dont la responsabilité incombe au gouvernement qui veut garantir aux grands capitalistes agricoles une main d’œuvre servile et bon marcher , pour soi-disant encourager l’investissement. Notons dans ce carde que le patronat agricole est exonéré d’impôt en bénéficiant, en plus, des milliards de dirhams de subventions et des facilités d’acquisition des terres agricoles.
Nous militant(e)s de la Fédération Nationale du Secteur Agricole (UMT) lançons un appel à tous et toutes les démocrates et défenseurs des intérêts de la classe ouvrière pour se mobiliser dans une vaste campagne de dénonciation de ces violations flagrantes des droits humains, et leur demandons de participer au sit-in qui aura lieu devant les sièges du ministère de l’Agriculture et de l’Emploi à Rabat le jeudi 15 Décembre 2011à partir de 9h.
Nous appelons également tous les réseaux de solidarité ouvrière et rurale, tant à l’échelle régionale qu’internationale, à participer à cette initiative militante, à la faire connaître et la médiatisé largement, et développer des formes de solidarité concrètes.
Rabat le 10/12/2001
Fédération du secteur agricole/Union marocaine du Travail (FNSA/UMT)
MAROC : L’article 288 du code pénal marocain.
Le nouveau code du travail loi 65-99 consacre et approfondit les entraves au droit de grève constitutionnellemt garanti à travers plusieurs dispositions. Par exemple « l’entrave à la liberté du travail » est considérée comme une faute grave pouvant entraver le renvoi sans aucune indemnité du travailleur qui en est accusé. De même, il consacre des textes et dipositions limitant l’exercice du droit de grève,comme le fameux article 288 du code pénal - qui réprime le droit de grève par le biais de la soi-disant entrave à la liberté du travail -.
Interview accordé par M. Abraham Serfaty à l’hebdomadaire marocain francophone La Nouvelle Tribune : édition du 1er au 7 mars 2001.
« A mon sens,l’article 288 est une véritable atteinte à la liberté du travail, il a été abrogé des lois dans les pays modernes depuis 60 ans au moins. Cet article découle du code pénal, confectionné par deux juristes français d’extrême droite qui ont fait appliquer au MAROC, ce qui était impossible d’appliquer en FRANCE.
Dans le problème des conflits sociaux, il y a un retard général de la majeure partie du patronat d’une part et, d’autre part, des tendances dominantes dans les syndicats, quels qu’ils soient, pour parler des principales, la CDT ou l’UMT, par rapport à ce qu’on appelle aujourd’hui la modernité. La majeure partie du patronat marocain est restée dans le système du moyen-âge (MAKHZEN). Le patron fonde une entreprise ,il charge un contremaître de servir de garde-chiourme, et quand les choses ne marchent pas, il va demander des subventions à l’Etat, au lieu d’assurer la productivité. De l’autre côté, les ouvriers vont essayer d’adhérer à un syndicat. Résultat : le patron appelle la police et les fait emprisonner « pour atteinte à la liberté du travail »,q ui relève d’un article du moyen-âge, l’article 288 du code pénal en l’occurrence, que le gouvernement aurait dû abroger en première priorité.
Dans les entreprises mieux structurées,les patrons et les représentants syndicalistes n’ont malheureusement pas cette notion de partenariat social,du fait du climat général des affrontements entre syndicat et patronat. En définitive, on se retrouve dans la notion d’affrontement, au lieu de fonder les bases d’une entreprise citoyenne soucieuse de l’intérêt général du pays. »
Source : www.lanouvelletribune.com