L’explosion du travail informel
Le travail informel est un terme utilisé pour décrire la main-d’œuvre n’ayant pas d’emploi stable à temps plein, le plus souvent sans contrat de travail ni protection sociale. Il concerne une proportion importante de femmes. Dans les pays du Sud, on y trouve pêle-mêle des vendeurs de rue, des travailleurs à domicile, des transporteurs indépendants, des ouvriers temporaires de l’industrie ou de l’agriculture, des coiffeurs de rue, des collecteurs d’ordures, etc.
Il s’agit d’une partie considérable du monde du travail : 92 %, par exemple, en Inde. Et cette part ne cesse de croître avec la mondialisation néolibérale, son cortège de remises en cause des garanties collectives et ses privatisations.
Le caractère informel du travail constitue un défi majeur pour le syndicalisme. Celui-ci s’est en effet traditionnellement organisé autour des travailleurs « réguliers » d’un secteur public aujourd’hui en brutale régression.
Les travailleurs-euses de l’informel résistent
En 2002, le gouvernement kenyan avait décidé de chasser les marchands ambulants d’une grande partie de la capitale, n’hésitant pas pour cela à détruire les étals et les marchandises proposées. La Naha (Nairobi Hawkers Alliance, Alliance des marchands ambulants de Nairobi) a organisé la mobilisation et le gouvernement a été contraint de stopper son action.
Fin 2007, le président sénégalais a voulu nettoyer les rues du centre-ville de Dakar de ses marchands ambulants. Des journées d’affrontements violents l’ont obligé à faire marche arrière. Leur structuration en différentes associations professionnelles a ainsi augmenté leur possibilité de revendications sociales.
L’organisation de la résistance
Face à la surexploitation, un processus d’organisation de type syndical s’est mis en place dans de nombreux pays, sous forme de coopératives, d’associations ou de syndicats.
– Dans certains cas, cela s’est passé en dehors des organisations syndicales existantes. C’est par exemple le cas de Sewa (Self Employed Women’s Association) (1), en Inde, qui regroupe exclusivement des femmes exerçant un travail indépendant. En 1972, Sewa a réussi à se faire reconnaître comme syndicat par le gouvernement indien et est désormais une des principales confédérations du pays. Sur le plan international, Sewa a joué un rôle important dans l’adoption, en 1996, de la convention 177 de l’Organisation internationale du travail (OIT), qui recommande aux États de reconnaître aux travailleurs à domicile la plupart des droits reconnus aux autres salariés (2). Sewa s’est par ailleurs affiliée en 2006 à la nouvelle Confédération syndicale internationale (CSI).
– En Afrique du Sud, c’est la confédération Cosatu qui a impulsé la formation du syndicat de travailleuses indépendantes Sewu (Self Employed Women’s Union) et créé en 2000 le réseau StreetNet (3). Au Sénégal la Confédération des syndicats autonomes (CSA), reposant initialement surtout sur des syndicalistes enseignants, s’est lancée, de son côté, dans la syndicalisation de travailleurs agricoles.
– Il y a enfin des cas intermédiaires, où des travailleurs et des travailleuses du secteur informel se sont organisés par eux-mêmes et ont ensuite décidé de rejoindre une confédération. C’est ce qui s’est passé au Sénégal entre un syndicat des marchandes de poisson et la CSA.
Mondialiser l’action
Face au processus international de progression du travail informel, réagir pays par pays ne suffit pas. Pour cette raison, plusieurs organisations, dont Sewu et Sewa, ont étendu en 2002 au niveau international le réseau StreetNet. Peuvent s’y affilier des associations, coopératives ou syndicats de vendeurs du secteur informel.
C’est par exemple le cas du syndicat de la CSA cité plus haut. L’objectif de StreetNet est d’échanger des informations et des idées afin de promouvoir des stratégies de défense collective, y compris au niveau de l’ONU, de l’OIT et de la Banque mondiale. Dans ce cadre, StreetNet a organisé des ateliers de vendeurs de rue au Pérou, en Inde et en Afrique. Elle a aidé à la mise en place d’organisations de travailleurs du secteur informel au Kenya, en Zambie et en Afrique du Sud.
1. www.sewa.org
2. www.ilo.org/ilolex/cgi-lex/convdf.pl?C177
3. www.streetnet.org.za/francais/default.htm