Le 6 février, nous étions 200 de l’industriel Air France Orly Nord à rejoindre le rassemblement sur l’aéroport. Le 10 février, tandis qu’à Roissy, plusieurs centaines de salariés envahissaient la session du comité central d’entreprise (CCE) et expulsaient la direction, nous étions 300 à défiler. Et le 16 février, nous étions 400 à nous rassembler. À l’image de la mobilisation dans ce centre, la crise grandit à Air France.
Le nouveau PDG, M. de Juniac (l’homme à 900 000 euros), veut appliquer sa thérapie de choc. Depuis quelques semaines, la direction de la compagnie, à travers le plan Transform 2015, a lancé une offensive frontale contre nos salaires, nos emplois et les avantages acquis de longue date et présents dans divers accords qui sont en cours de dénonciation (convention commune, conventions personnels au sol, navigants commerciaux, navigants techniques, APDP, accords RTT).
Cette offensive se mène sous le couvert du remplacement de M. Gourgeon par M. de Juniac. Ce changement de tête est l’occasion d’accélérer brutalement des gains de rentabilité. Les chiffres des résultats 2010/2011 et des deuxième et troisième trimestres 2011 sont présentés par les mêmes responsables de façon diamétralement opposée… Ce qui était un résultat en nette amélioration hier devient soudain une situation catastrophique. La même dette du groupe, présentée hier comme maîtrisée, devient aujourd’hui insupportable.
Le PDG a annoncé deux ans de blocage des salaires, zéro avancement pour tout le monde, et déclaré vouloir dénoncer tous les accords collectifs, salaires et temps de travail, pour plus de flexibilité.
La mobilisation a fait dérailler ce discours. Et les révélations sur les billets gratuits dont bénéficient les hauts dirigeants alimentent la révolte. Après les billets de l’ex-PDG Gourgeon pour l’Île Maurice, on apprend qu’untel est parti pour Singapour, qu’un autre va aux Antilles, le tout aux frais de la princesse et en classe de luxe. Fait unique, des salariés ont distribué un tract aux passagers de l’avion AF3592 ou s’envolait Gourgeon, dénonçant sa prime de départ à 1, 4 million d’euros.
La direction multiplie les manœuvres : elle annonce reculer peut-être sur la dénonciation de tous les accords, mais en échange voudrait soumettre les syndicats à un accord de méthode qui entérine avant toute négociation, des gains de productivité de 20 % obtenus par « le freinage de l’accroissement du GVT et de la masse salariale, l’augmentation de la productivité des heures travaillées » et la mise à plat de nombreux acquis de nos accords et conventions.
Le contraste est fort entre une base très remontée, et des syndicats qui vont en ordre dispersé quémander des aménagements, voulant sauver leurs pratiques clientélistes, et acceptant d’importants reculs, à l’image de l’accord signé en cachette en janvier par la CGT, la CFDT et l’Unsa, acceptant la sous-traitance d’une partie de l’activité piste, et des vacations de 9 h 56 le matin (où il y a le plus de trafic) et de 6 heures le soir (pour payer moins d’heures de nuit). Les salariés ont créé un « collectif des agents de piste en colère », dénonçant cette trahison.
Le syndicat SUD, principal syndicat sur les 8 000 salariés de l’industriel, mais non représentatif sur l’ensemble des 55 000 salariés de l’entreprise, mène bataille pour que se crée une intersyndicale sur le groupe, sous contrôle des salariés.
Jo Gost
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 137 (23/02/12).
LA MOBILISATION À AIR FRANCE S’ÉTEND, EN MÊME TEMPS QUE L’INDIGNATION ET LA COLÈRE
Vendredi 10 février était le jour où la direction avait annoncé vouloir dénoncer tous les accords collectifs régissant la paie, les primes et le temps de travail à Air France. La réaction des salariés, avec SUD et la CGT (partout), et avec l’Unsa, FO ou CFDT (selon les endroits), a été à la hauteur. 150 à l’aérogare Orly Ouest se sont rassemblés et ont manifesté, bravant l’interdiction policière. Sur le centre industriel d’Orly Nord, plus de 300 salariés sont partis en manifestation et ont envahi le centre informatique voisin, aux chants de « On a tous zéro », faisant référence à la suppression des avancements cette année et au blocage annoncé des salaires pour les deux ans à venir.
À Roissy, où se tenait le comité central d’entreprise, près de 700 salariés de l’industriel, du fret et de l’aérogare ont envahi le siège social : en forçant les grilles d’abord, puis les grandes portes vitrées, puis les tourniquets d’accès vers les lourdes portes de la salle gardées par les vigiles. Ils sont entrés dans la salle où se tenaient la direction et les élus en session. Dans une ambiance survoltée et entre une haie de « déshonneur », la direction a été expulsée du siège sous les huées des grévistes entonnant les slogans : « dehors dehors » et « on est chez nous ».
La nouvelle direction arrivée en novembre, formée par Juniac et ses copains de la bande à Sarkozy paraît avoir déjà épuisé son capital de confiance. Les salariés sont exaspérés par ce discours de rigueur pour les plus petits quand les plus hauts s’en mettent plein les fouilles. Juniac et son salaire d’embauche à 900 000 euros, et le nouveau scandale du lundi 13 : un billet réservé en classe affaire pour M. Gourgeon et ses amis, destination l’île Maurice pour 24 euros l’aller-retour, à une date où les salariés ont interdiction de voyager sur les lignes Air France car la demande passagers est trop forte ! M. Gourgeon, ex-PDG débarqué par Spinetta, et qui a touché 1, 4 million d’euros comme prime de départ en octobre (!) avait lui aussi prôné la rigueur et les sacrifices…
Les militants révolutionnaires sont à la pointe dans cette lutte, qui ne fait que commencer !
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 136 (16/02/12).
AIR FRANCE ET LA SOUS-TRAITANCE CACHÉE
Vendredi 25 novembre, l’information fait le tour des radios : un avion d’Air France a été immobilisé à Boston, après la découverte qu’il manquait une trentaine de vis sur une plaque. Cet avion sortait d’une visite d’entretien de trois semaines en Chine.
Nombreux sont les passagers qui choisissent Air France parce que c’est une grande compagnie qui assure son propre entretien.
La révélation a provoqué des réactions embarrassées de la direction d’Air France : « nous ne faisons que peu d’avions en sous-traitance, seulement sept cette année… » Mais cet argument est stupide, comment le passager peut-il savoir qu’il ne sera pas sur l’un des sept ? Et il est mensonger, les avions sont bien plus nombreux. Air France développe cette sous-traitance, diminue depuis des années les effectifs de ses centres d’entretien.
Air France, en pleine déroute médiatique, annonce par la voix de son nouveau président Alexandre de Juniac : « On a arrêté d’envoyer nos avions pour l’instant. » Déclaration qui ne coûte rien car aucune autre visite n’était prévue dans l’immédiat en Chine. Mais qui révèle l’embarras.
La compagnie a choisi depuis longtemps de suivre la route du profit. Et n’hésite pas à prendre des risques, comme celui d’envoyer réviser les avions dans des pays à bas coût salarial. Air France multiplie les partenariats en Chine, au Maroc, aux Émirats, en Inde…
Le problème de l’entretien dans ces pays n’est pas que les travailleurs ne pourraient acquérir les mêmes qualifications, mais que ces pays, pour maintenir les bas salaires, font régner l’ordre vertical et ne tolèrent pas les libertés (presse, syndicats…). La tentation est grande de cacher les défauts éventuels, une fois l’avion rhabillé, on ne voit rien.
Défendre un entretien de qualité, pour la sécurité des passagers, c’est se battre pour de bonnes qualifications, à une époque ou les diminutions d’effectifs poussent l’employeur à développer la polyvalence à tout crin. C’est revendiquer des salaires corrects, 1 800 euros minimum, au moment où Air France, l’œil rivé sur le cours de l’action (qui se traîne à 4 euros alors que la mise en Bourse s’est faite aux alentours de 15) annonce des mesures d’austérité salariale pour janvier (blocage des salaires…), et des mesures plus rudes en juin, après les élections présidentielles : la direction parle de « transformation de l’entreprise »…
Le mécontentement des salariés est important quand, au même moment, ils apprennent que le PDG sortant, M. Gourgeon, part avec une indemnité de 1 400 000 euros, en plus de sa retraite complémentaire chapeau (350 000 euros annuels…). Encore plus quand ils apprennent que le nouveau PDG, de Juniac, né à Neuilly, fait partie de la bande des copains et coquins hébergés dans la résidence colombienne du pote de Sarkozy…
La direction refuse de communiquer sur le salaire d’embauche, qui doit lui aussi tourner autour du million d’euros, bien supérieur au salaire d’embauche d’un mécanicien avion : 1400 euros net par mois !
Des luttes en perspective, pour la défense du métier et de nos conditions de vie, contre les rapaces !
J. Gost
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 127 (08/12/11).