Des dirigeants du NPA appellent à voter Mélenchon le 22 avril
Par MYRIAM MARTIN Membre du Conseil politique du NPA, HÉLÈNE ADAM Membre du Conseil politique du NPA, PIERRE-FRANÇOIS GROND Membre du Conseil politique du NPA
La campagne présidentielle entre dans sa dernière ligne droite et doit affronter une situation lourde de dangers. Danger d’une droite autoritaire, incarnée par le président sortant, dont le projet est dans la continuité de son action : nocif pour une majorité de la population tant se sont creusées les inégalités, tant se sont développés un discours et une politique de plus en plus poreux aux thèses de l’extrême droite. Danger d’un Front national dont l’emprise sur une partie de la population frappée par la crise distille le poison mortel du racisme et de la xénophobie. Danger d’une crise écologique qui pose des enjeux de civilisation. Danger, enfin, d’un capitalisme financier mondialisé, qui se moque du calendrier électoral, qui peut imposer en Grèce ou en Italie son propre personnel politique et dicter son choix, celui d’une politique d’austérité sans fin et sans fond.
Alors, oui, il faut sortir le sortant, combattre le Front national, s’insurger contre la dictature des banques et du capital, et faire de cette élection présidentielle un premier moment de résistance sociale et démocratique. Il nous suffit de regarder la Grèce pour saisir la gravité de la situation actuelle. Nous avons là une paupérisation sans précédent des populations. Baisses des salaires et des pensions, coupes sombres dans les budgets sociaux, privatisations imposées des services publics avec profits juteux pour les requins de la finance, se succèdent à un rythme d’enfer. Et qui est aux manettes ? Un gouvernement soi-disant « technique », aux ordres des banques et des grandes institutions qui ont plongé le pays dans le chaos et qui font désormais payer à la population une dette et une crise qui ne sont pas les leurs ! Si la situation de la Grèce est particulièrement dramatique, elle n’est pas isolée en Europe. Les responsables politiques et économiques du libéralisme et de la crise économique ont mis en place ce monstre financier qui se croit tout-puissant. Ils ont construit l’Europe des traités de Maastricht et de Lisbonne, au mépris de la souveraineté populaire. Ils veulent aller toujours plus loin. A présent, c’est le modèle social européen, produit d’un siècle et demi de luttes et de conquêtes ouvrières, qui est en ligne de mire.
Battre Sarkozy est un enjeu essentiel et primordial. Mais il n’est pas le seul. Le programme de François Hollande, à l’instar des politiques sociales-démocrates européennes, s’inscrit dans le cadre de la gestion du capitalisme, ce qui signifie austérité à tous les étages et respect des critères imposés par les marchés financiers, ces critères que les dirigeants veulent à nouveau graver dans le marbre d’un nouveau traité. Il tourne le dos aux exigences de justice sociale. Il ne prend pas davantage en charge les questions écologiques.
Il importe alors qu’existe au premier tour, un vote, le plus massif et dynamique possible, pour donner force à un programme d’urgence basé sur une autre répartition des richesses, la transition énergétique, des transformations démocratiques radicales.
Une nouvelle chance sera ainsi offerte pour faire exister durablement un courant politique qui conteste à gauche l’hégémonie du social-libéralisme. C’est essentiel pour faire contrepoids à l’extrême droite. C’est décisif pour donner force et courage à celles et ceux qui résistent aux politiques d’austérité.
Et dès après la présidentielle, sur la base de cet élan, les forces politiques et sociales qui refuseront de collaborer, sous quelque forme que ce soit, avec un gouvernement d’austérité dit de gauche devront former ensemble un bloc contre la crise pour défendre une alternative sociale et démocratique en toute indépendance vis-à-vis du Parti socialiste.
Telle est notre analyse des urgences de l’heure.
Nous sommes militants de la « Gauche anticapitaliste », courant unitaire du NPA, nous avons été membres de la LCR auparavant. C’est avec beaucoup d’amertume, mais aussi de colère, que nous voyons notre parti renoncer à l’engagement pris lors de sa fondation : rassembler tous les anticapitalistes dans un parti de masse. Le NPA avec son candidat prend le chemin de la marginalité, qui lui interdira de peser réellement dans une situation politique aux enjeux majeurs.
La Gauche anticapitaliste, sans donner de position en tant que courant sur le vote, prend acte de cette impasse et estime que la dynamique créée autour de la candidature de Jean-Luc Mélenchon constitue un fait positif de la situation actuelle. Nous voulons en souligner les conséquences à nos yeux.
Réquisitionner les entreprises qui licencient en délocalisant, prendre des mesures pour museler la finance, refuser de faire payer la crise à la population, organiser la planification écologique, rompre avec une Ve République antidémocratique, refuser les traités européens pour réorganiser une Europe qui réponde aux impératifs sociaux, écologiques, démocratiques, sont autant de propositions qui vertèbrent la campagne de Jean-Luc Mélenchon et qui vont dans le bon sens. Nous apprécions les déclarations affirmant qu’aucune participation à un gouvernement qui pratiquerait la politique préconisée par Hollande n’est envisageable. Nous conservons des points de vue différents sur certains aspects concernant notamment la République et la nation, mais nous estimons l’orientation générale positive.
La dynamique politique militante qui ne cesse de s’amplifier permet que vive et se développe une force militante et électorale qui refuse de se soumettre à la gestion sociale-libérale des crises et aux politiques d’austérité.
C’est un facteur important du rapport de forces et un puissant encouragement pour les luttes sociales. En témoigne d’ailleurs le nombre de syndicalistes, de militants du mouvement social, écologiste, féministe, antiraciste qui rejoignent la campagne.
Dès lors, nous pensons qu’il ne faut pas hésiter à affirmer que si nous sommes nombreux à exprimer notre force par notre vote le 22 avril pour la candidature de Jean-Luc Mélenchon, la situation en sera nécessairement positivement bouleversée.
* Tribune parue dans Libération du 22 mars 2012
http://www.liberation.fr/politiques/01012397456-des-dirigeants-du-npa-appellent-a-voter-melenchon-le-22-avril
Pierre-François Grond : « Le NPA a tourné le dos à son projet fondateur »
Par Théophile Wateau
Trois cadres du NPA ont choisi, dans une tribune publiée ce jeudi dans Libération [voir ci-dessus], de désavouer Philippe Poutou et d’appeler à voter Jean-Luc Mélenchon. L’Express a interrogé l’un d’entre eux, Pierre-François Grond.
Comment expliquez-vous l’échec actuel de la candidature de Philippe Poutou ?
Il faut se rappeler que les conditions de sa désignation n’étaient pas bonnes. Cela s’ajoute au marasme dû au retrait de Besancenot et au choix d’une voie sectaire prise par le NPA.
Le NPA a tourné le dos au projet fondateur d’il y a trois ans, celui d’un rassemblement large avec des syndicalistes, des altermondialistes, des républicains socialistes. Ils ont préféré un processus de rétrécissement revendiqué, encore plus à l’extrême gauche, plus sectaire que la LCR qui avait été créé comme un mouvement de rassemblement.
Avant d’écrire cette tribune, on a beaucoup regardé ce qu’il se passait en Grèce où la gauche opposée aux plans de rigueur bénéficie de près de 40% des intentions de vote pour les prochaines élections. Pour nous, c’est un enseignement pour la gauche contre les traités européens comme Lisbonne. Tous ces gens là doivent aussi se rassembler ici.
Pourquoi appelez-vous à voter Front de gauche ?
Mélenchon a une candidature politiquement indépendante par rapport à Hollande. La question de l’indépendance par rapport au PS est très importante pour nous. Il reprend aussi les principaux points de notre programme. Il propose surtout un vrai rassemblement.
Le combat du Front de gauche contre le FN est aussi très important pour nous. Nous avons besoin d’un front uni pour battre la droite et l’extrême-droite. Aujourd’hui, notre objectif, c’est de réussir la campagne présidentielle. On n’est pas dans le calcul d’après mais dans l’instant présent.
Pourquoi n’avez-vous pas décidez de soutenir Jean-Luc Mélenchon plus tôt ?
Notre décision a été murie depuis 3 mois, on ne l’a pas prise comme ça après la Bastille. On a attendu de voir si le NPA allait avoir ses 500 parrainages puis s’il allait changer son orientation politique mais il a confirmé sa ligne sectaire.
Avec les 500 parrainages obtenus, cela signifiait la neutralisation de la voix de la Gauche unitaire (courant au sein du NPA ). Or il faut passer à autre-chose. On pense qu’il faut laisser la liberté de vote aux militants, et on en profite avec cette tribune pour donner notre point de vue.
Souhaitez-vous intégrer le Front de gauche ?
On est modeste car on arrive les derniers. A la Bastille, on a vu un public pas satisfait par Hollande, un public très composite, on a vu les grandes familles de gauche rassemblées autour de la candidature de Jean-Luc Mélenchon.
C’est un cadre qui s’élargit et on est prêt à apporter notre pierre. Il y a une dynamique politique extérieure. Elle est le produit de tous les combats politiques du Traité sur la Constitution européenne au mouvement des retraites que nous partageons tous.
La Gauche unitaire (GA) est prête à rejoindre un Front unitaire après les présidentielles. Il serait bien que le NPA nous suive dans cette initiative pour créer une vraie gauche de la gauche. Mais pour l’instant, les signaux donnés par la direction et les militants ne vont pas dans ce sens là. Nous, on ne veut pas louper le train de la recomposition, c’est in vivo, là maintenant, pendant la présidentielle que les rapports de force s’établissent.
* L’Express, publié le 22/03/2012 à 16:00, mis à jour à 16:16
A propos de la Tribune de Libération du 22 mars 2012
La Gauche anticapitaliste (courant unitaire du NPA pour l’écosocialisme) a tenu une réunion nationale les 17 et 18 mars. Elle a principalement discuté de la situation politique, naturellement marquée par la campagne présidentielle en France. Elle y a adopté une déclaration à l’unanimité [voir ci-dessous] qui se conclut notamment par les points suivants :
« Participer à la construction d’un bloc anti-austérité, rassembler en son sein les courants anticapitalistes et écosocialistes, telle est la tâche de l’heure. »
« La GA, constatant des positions différentes en son sein sur l’appel au vote et privilégiant son unité, ne prendra pas, en tant que courant, de position concernant le vote au premier tour. »
Dans ce cadre, la réunion a aussi discuté du contenu et de l’impact d’une tribune annoncée par ses rédacteurs, trois dirigeants du NPA et aujourd’hui de la GA. Quelles que soient les différences d’appréciation, un accord semblait s’être alors dégagé sur le contenu souhaité de cette tribune, évidemment sous la seule responsabilité de ses auteurs. C’est ce que reflète fidèlement le compte-rendu, fait aussitôt après la réunion nationale, par le Comité d’animation national de la GA et adressé à tous ses adhérents :
« Il a été acté que celle-ci [la tribune] contiendrait pour l’essentiel la formulation du projet politique de la GA et qu’elle se conclurait par des formules qui ne constituent pas un appel au vote explicite. »
Nous tenons donc à manifester notre désapprobation sur la phrase qui conclut la tribune publiée par Libération le 22 mars 2012, sous la plume d’Hélène Adam, Myriam Martin et Pierre-François Grond. Cette phrase est rien moins qu’explicite :
« Dès lors nous pensons qu’il ne faut pas hésiter à affirmer que si nous sommes nombreux à exprimer notre force par notre vote le 22 avril pour la candidature de Jean-Luc Mélenchon, la situation en sera nécessairement positivement bouleversée. »
Nous ne le faisons pas par respect légitimiste d’une organisation, dont la nouvelle direction ne se prive pas de fouler au pied l’esprit et la lettre des textes de référence du NPA (« Nos réponses à la crise », par exemple) et qui mène affectivement une campagne présidentielle marginale, sectaire et ouvriériste, sans aucune pertinence par rapport aux enjeux majeurs de la situation actuelle (« la tâche de l’heure »). Nous ne le faisons pas non plus par désaccord avec le contenu essentiel de cette tribune, y compris l’évaluation positive de la dynamique incontestable de la campagne de Jean-Luc Mélenchon, soulignée dans la déclaration nationale de la GA.
Il nous semble tout simplement, comme nous l’avons exprimé dans la réunion nationale de la GA, qu’une prise de position si explicite, prise publiquement (et relayée, comme on pouvait s’y attendre, largement par la presse) par 3 des responsables les plus connus du NPA et de la GA, contribue à brouiller le message de la GA adopté consensuellement en tordant le bâton dans un sens qui n’est pas majoritaire au sein de notre courant.
Nous ne faisons pas de procès d’intention concernant un « ralliement » des trois signataires de la tribune au Front de Gauche ou au Parti de Gauche, sa seconde grande composante. Signalons quand même, pour simple rappel, que dans « soutien critique » s’il y a, il devrait aussi y avoir un volet critique un peu plus conséquent, au-delà des mentions faites dans la tribune sur la « république », la « nation » dont Jean-Luc Mélenchon se gargarise dans ses discours (sans parler de ses références constantes à l’Union de la gauche ou bien à la Gauche plurielle, de ses génuflexions devant le PCF et ses dirigeants historiques connus pour leur probité et attachement à l’émancipation des travailleurs, tels Marchais ou Leroy, ou de ses courbettes face aux appareils syndicaux actuels ou encore de ses révérences aplaties devant des gouvernements à la Chavez, etc...). Nous savons bien qu’une campagne électorale n’est pas forcément le lieu de tous ces débats, mais une discussion politique dans la perspective d’une nouvelle force appelle un peu plus de présence !
Outre les orientations politiques adoptées les 17 et 18 mars, la discussion a convergé vers la nécessité d’une bataille interne résolue au sein du NPA pour lui proposer une réorientation politique majeure, avec l’échéance cruciale d’une « conférence nationale décisionnelle avant l’été », acceptée par tous, même pour ceux qui sont sceptiques.
Nous sommes, comme beaucoup, atterrés et meurtris par le délabrement actuel et accéléré du NPA. Nous ne savons pas si nous avons, tous ensemble, une chance de l’emporter. Mais nous sommes absolument convaincus que l’avenir se prépare aujourd’hui et passe par une telle tentative résolue pour tenter de sauver ce que nous avons contribué à construire et le remettre sur les rails de l’émergence d’un large bloc anti austérité et du regroupement d’un pôle anticapitaliste en son sein.
La préparation collective de cet avenir, selon le résultat des élections et les positionnements des forces en présence, nous permettra de trouver les voies et les moyens de poursuivre dans le contexte qui prévaudra alors. Ne pas mener cette bataille ou s’y dérober ou rester sur le côté du chemin ne présage pas bien de notre capacité collective future à en mener d’autres, peut-être encore plus importantes.
C’est notre préoccupation. Nous souhaitons qu’elle soit largement partagée.
Le 23 mars 2012
Charles Aubin (Paris 10), Christophe Armen (Cergy), Josette Trat (Paris 18), Laurent (Cergy), Samy Johsua (Marseille).
Déclaration de la Gauche anticapitaliste
adoptée à l’unanimité par les délégué-e-s réunis à Paris.
1/ Dans un contexte de crise globale du capitalisme, la zone euro et la France sont fortement frappées. Ce qui se traduit par une accentuation des remises en cause des conquêtes sociales, la généralisation des politiques d’austérité, l’imposition par les marchés, de gouvernements menant des politiques ultralibérales alors même que la crise apparaît comme le produit de ces mêmes politiques. La Grèce subit plans d’austérité sur plans d’austérité, tandis que les gouvernements de plusieurs États de l’Union Européenne ont été imposés par les marchés et choisis parmi le personnel de l’oligarchie capitaliste. Dans beaucoup d’États de l’Union Européenne, des pressions populistes et des progrès de l’extrême droite pèsent sur le champ politique.
Dos au mur, peuples, jeunes et travailleurs ont du mal à trouver le chemin de la riposte. Les grèves et les manifestations qui ont secoué divers pays capitalistes « avancés » ainsi que le mouvement des indignés indiquent cependant le potentiel de mobilisations.
A cette situation déjà lourde de menaces, s’ajoute une crise écologique d’une ampleur sans précédent. Catastrophe nucléaire, crise énergétique, menace climatique, pollutions généralisée, crise d’extinction des espèces… c’est finalement la capacité même de l’humanité à vivre décemment sur cette planète qui est en jeu.
Dans cette situation confuse, se mêlent poids des défaites passées et prise en compte de nouvelles réalités produites par un monde transformé par la mondialisation, comme l’illustrent la profondeur mais aussi les limites des révolutions qui secouent la rive sud de la Méditerranée.
La construction d’une alternative anticapitaliste, écologique, féministe, antiraciste, démocratique et internationaliste est, dès lors, décisive. La généralisation de luttes, de grèves, de mouvements sociaux est la condition sine qua non d’un déblocage de la situation.
Mais sans construction immédiate d’une réponse politique à la hauteur des défis, ces mouvements s’étioleront et ne parviendront pas à inverser les rapports de force.
Il s’agit dès maintenant, de construire un bloc de gauche anti-crises, dans la rue comme dans les urnes, candidat au pouvoir pour appliquer, en relation étroite avec l’auto-activité des masses, un programme de rupture avec le capitalisme.
La violence des attaques à venir, en particulier sur le terrain de l’austérité et quel que soit le vainqueur de la présidentielle, implique des tensions sociales et politiques, des possibilités de mobilisation d’envergure, des reclassements politiques à gauche et dans le mouvement ouvrier en deux lignes contradictoires : l’adaptation ou la résistance. Grand angle, notre proposition de bloc de gauche anti-crises répond à cet objectif : la construction d’une réponse politique unitaire, d’un front de résistance face aux crises économiques, écologiques et démocratiques du capitalisme et à l’emprise croissante du FN dans les classes populaires.
En cas de victoire de Hollande, il a vocation à rassembler tous ceux qui, à gauche, ne se reconnaissent ni dans le gouvernement, ni dans sa majorité parlementaire.
2/ Cette construction d’un bloc de gauche anti-crises est à la fois impérative et en même temps complexe, dans une situation de dégradation du rapport de forces, y compris à la gauche de la gauche. Ce bloc doit répondre à la triple crise qui frappe le système capitaliste : économique, écologique et démocratique. Pour satisfaire les objectifs que nous nous sommes fixé les 5 et 6 novembre, il s’agit à terme de la mise en œuvre d’un bloc, alliant courants politiques (de l’extrême gauche anticapitaliste aux réformistes de gauche anti-libéraux issus du mouvement ouvrier), animateurs et animatrices de mouvements sociaux, syndicalistes, militants des quartiers populaires, intellectuel-les critiques, mouvements de jeunes, courants écologistes radicaux autour d’un programme de rupture sur les questions sociales, démocratiques et écologiques. Il s’agit pour nous d’une construction politique qui ne se résume pas à un cartel électoral, mais qui marie alliances de courants politiques et organisation en comités (ou en assemblées à la base), de tous celles et ceux qui partagent ces objectifs.
Dit autrement, cet objectif général ne peut au stade actuel se traduire mécaniquement par un choix tactique mais reste à construire. Tout le problème est de savoir à partir de quelles forces on s’oriente vers cet objectif. Une telle construction ne surgira pas ex-nihilo ; il s’agit d’ores et déjà de s’engager en ce sens dans une politique de regroupement. La réunion du 11 février qui a rassemblé outre nous-mêmes et des animateurs du mouvement social, la FASE, les Alternatifs, le Parti de Gauche, la Gauche Unitaire, Convergences &Alternative, la direction du NPA et la direction du PCF, est un premier pas dans ce sens.
Les derniers contacts montrent que des animateurs et animatrices significatifs du mouvement social se posent le problème de la nature de leur association à cette démarche, même si le problème déterminant d’un engagement conjoint de la gauche sociale, en particulier syndicale et politique, reste à construire et prendra du temps. Si la dette, le refus de l’austérité, la lutte démocratique contre la dictature des marchés, la sortie du nucléaire et la transition énergétique apparaissent comme des questions-clés, le programme d’un tel bloc reste largement à écrire.
De cette analyse découlent deux conclusions qui fondent une réorientation unitaire globale de notre courant, que nous mettons en œuvre dès maintenant et proposons au NPA et à toutes les forces disponibles pour s’engager résolument dans cette direction : l’insertion des anticapitalistes dans un bloc de gauche large anti-crises la construction d’un pôle, à l’intérieur de ce front anti-crises, d’une nouvelle force anticapitaliste, plus large politiquement que le NPA, c’est-à-dire ne se résumant pas à l’unité des révolutionnaires ; un pôle qui rassemble les anticapitalistes écologistes animés de la volonté de refondation d’un programme et d’une stratégie de rupture avec le système. Des forces sont disponibles à l’intérieur et à l’extérieur du Front de Gauche pour cela. A nous, après la rencontre du 11 février, de prendre les initiatives visant à les regrouper. Il va de soi que nous souhaitons que le NPA, comme le maximum de ses militants, participent à cette démarche.
Nous, les membres de la GA au sein du NPA œuvrerons donc en ce sens, afin que la rupture avec l’orientation actuellement suivie par sa direction soit la plus majoritaire possible. Ce qui implique la tenue d’une échéance nationale « extraordinaire » à une échéance très rapprochée.
Ces deux aspects : insertion dans un front large et travail de regroupement des anticapitalistes au sein de ce front sont indissociables. L’un sans l’autre nous déséquilibre : soit la dissolution dans un front large, soit la marginalité dans de petites forces (dont nous-mêmes) vaillantes mais sans écho politique réel.
3/ La présidentielle est toujours un moment décisif dans les rapports de force vu la nature particulière de cette élection.
Malgré l’impopularité de Sarkozy, la droite n’est pas battue d’avance contrairement à ce que semble penser l’état major socialiste. Ne serait-ce que parce que dans le domaine des réponses à la crise, la campagne Hollande est incapable de faire vraiment la différence et de bloquer la surenchère droitière et provocatrice menée par l’UMP : TVA sociale, 35 heures, « valeur » des civilisations… Hollande compte sur le rejet du pouvoir en place (qui a fonctionné dans d’autres pays européens dans les deux sens) et laisse de l’espace à la fois à Bayrou et à une emprise manifestement forte du FN dans une partie des classes populaires.
Dans cette situation, nous ne disposons pas de tous les éléments puisque nous ne connaissons pas les candidatures qui iront jusqu’au bout, dont la candidature Poutou. C’est pourquoi, la discussion se poursuit dans la Gauche anticapitaliste jusqu’à notre réunion nationale des 17 et 18 mars.
Cela dit, la plupart des éléments politiques sont d’ores et déjà à notre disposition :
Il est décisif du point de vue des rapports de force généraux de ne pas hésiter une seconde sur la nécessité de battre la droite, une droite de plus en plus poreuse aux idées du FN et qui ne pourra gagner qu’avec l’appui de l’électorat de celui-ci.
Les déclarations récentes de Claude Guéant que la « hiérarchisation des civilisations » impose une riposte unitaire sur le terrain de l’antiracisme et de l’anticolonialisme.
Il faut constater une nouvelle fois l’incapacité social-libérale, empêtrée dans une logique de gestion d’un système qu’elle a contribué à construire, à répondre aux défis posés par la crise.
Il faut également constater la faillite du projet écologique porté par EELV, rendu impuissant par un processus d’alignement systématique, en dernière instance, sur l’alliance avec le social-libéralisme.
Les candidatures Poutou et Arthaud sont en situation d’échec. L’impasse de la campagne Poutou, votée majoritairement par le NPA, est patente et grave. Elle apparait au mieux comme une candidature marginale de témoignage, impuissante, au pire, comme une candidature inutile et inaudible. Les conséquences, tant sur nos franges sympathisantes que plus largement auprès des couches de la population attentives à notre discours, à nos explications, à nos mots d’ordre, sont catastrophiques.
C’est la preuve que l’isolement et l’absence de réponses à la hauteur de la gravité de la crise, rendent inaudibles ces candidatures. C’est pourquoi nous avons proposé, sans succès, au Conseil Politique National (CPN) du NPA, d’arrêter cette expérience peu concluante.
La pression du vote utile rend l’existence de l’espace à gauche du PS, déjà rétréci par les échecs unitaires, difficile.
La candidature de Mélenchon est la seule à exister à une échelle de masse avec des meetings nombreux, une présence médiatique, un niveau d’intentions de votes crédible. Malgré des contenus avec lesquels nous sommes en désaccord (nostalgie de l’Union de la Gauche et Jospin, place de l’internationalisme, de la république...), cette campagne se situe très largement sur le plan social et écologique en alternative au PS. Elle partage beaucoup de nos revendications en particulier, cette question-clé de savoir qui paiera la facture de la crise. Les dernières déclarations du candidat sur sa non-participation gouvernementale sont claires sans que les ambiguïtés relevant de la direction du PCF soient pour autant levées. De tous ces points de vue, la candidature de Mélenchon est un succès et nous considérons positivement la dynamique créée par cette campagne dans une situation particulièrement difficile.
4/ Les législatives.
Le paysage politique va se décanter en ce qui concerne la campagne des Législatives. Non seulement parce que nous saurons d’ici quelques semaines qui l’emportera en mai mais aussi, en cas de victoire du PS, qui composera un gouvernement sous la présidence de Hollande. Ce qui devrait trancher la question de l’indépendance par rapport au social-libéralisme. Les premières mesures du gouvernement seront annoncées ainsi que le contenu d’une éventuelle renégociation avec Merkel du futur traité européen. Bref, nous serons devant une nouvelle donne.
Les réformes institutionnelles de Jospin/Chirac ont effacé les élections législatives en subordonnant celles-ci aux résultats des élections présidentielles. Le mode de scrutin majoritaire écrase par ailleurs les petits courants politiques. La plupart des partis dont le Front de gauche se sont certes, d’ores et déjà, réparti les circonscriptions. De ce constat pourrait découler une attitude spectatrice de ces élections en jugeant que tout est joué.
Mais nous devons considérer que les résultats de la Présidentielle peuvent faire rapidement bouger les lignes, que des initiatives peuvent être prises dans notre sens ou dans le sens inverse qui accentuent les fractures potentielles.
De ce fait, prendre au sérieux notre orientation, c’est mener une bataille publique dès aujourd’hui pour des accords de rassemblement pour ces élections de juin prochain. Nous considérons que toutes les forces voulant battre la droite et l’extrême droite, et se situant en indépendance vis-à-vis de l’orientation défendue par François Hollande, doivent faire entendre ensemble leur voix et peser dans le champ politique électoral, en étant de fait une opposition de gauche aux politiques d’austérité. Le refus de la dette, de l’austérité, le refus de la dictature des marchés financiers, la sortie du nucléaire décidée et contrôlée par la population, la régularisation des sans-papiers sont autant de questions qui font clivage à gauche et qui impliquent de rassembler celles et ceux qui veulent se battre dans la rue et dans les urnes, pour les imposer.
Quels que soient pronostics et résultats, une bataille publique unitaire doit commencer maintenant, elle devrait être menée par la Gauche Anticapitaliste et si possible le NPA dans son ensemble. Cela implique de ne pas tenir compte de la décision votée par le dernier CPN et que les militants du NPA s’emparent dès maintenant localement de cet enjeu. Car, c’est dès les mois de mai et juin, donc également pendant les législatives, que commencent à se construire et à s’incarner un éventuel bloc de gauche anti-crises.
Sous la forme d’accords unitaires, larges ou partiels, ou sous la forme de candidats et de professions de foi se prononçant pour une telle politique, de telles candidatures doivent être proposées et testées dans un maximum de circonscriptions. Pour l’heure, le Limousin reste une exception c’est-à-dire une région où nous sommes engagés justement dans un accord unitaire.
A l’inverse de la présidentielle, les élections législatives permettent de mener une action nationale comme locale. La gauche anticapitaliste, après la réunion du 11 février, va déployer ses efforts en cette direction en poursuivant sa mise en œuvre.
Cela implique une prise de position publique en direction de toutes les forces y compris le Front de gauche, des prises de contact nationales et locales, un travail sur le programme. Nous chercherons à mettre en œuvre cette politique dès maintenant par tous les moyens à notre disposition, dans et en dehors du NPA
Gauche anticapitaliste, le 12 février 2012