Licenciements, fermetures : que faire ?
Malgré la forte tentation de tirer une fois de plus les débats politiques sur les questions de l’immigration et de la sécurité, les questions sociales s’imposent de manière exceptionnelle dans la campagne présidentielle.
Alors que les « quartiers », les classes moyennes étaient au centre des séquences électorales précédentes, cette fois, chaque semaine les candidats sont présents devant une porte d’usine, rencontrent des salariéEs en lutte pour leur emploi. On est loin de la « biologisation » de la vie des entreprises et de l’emploi. Oubliées les célèbres déclarations de Parisot, « La vie, la santé, l’amour sont précaires, pourquoi le travail échapperait-il à cette loi ? » ou celles, récurrentes, sur la vie et la mort inéluctables des entreprises. Oubliés aussi les aveux de Jospin, en 2002, à l’annonce de la fermeture de Renault Vilvoorde : « Je ne peux pas apporter une réponse à une question industrielle » ou aux suppressions d’emplois chez Michelin : « l’État ne peut pas tout ». Sarkozy « sauve » Lejaby ou Photowatt. Hollande promet une loi instituant « l’obligation de céder un site industriel si l’une des offres proposées reçoit la validation du tribunal de commerce et un avis positif des instances représentatives du personnel ». Bayrou prétend instituer une obligation de « produire français ». Mélenchon promet l’interdiction des licenciements boursiers.
Ce n’est évidemment pas spontanément que tous se présentent comme les plus ardents défenseurs du travail et de la classe ouvrière. Ce sont les mobilisations déterminées des travailleurEs de M-Real, Lejaby, Fralib, PSA, Arcelor, etc. qui ont imposé ces postures.
Mais promettre, magouiller des solutions provisoires ne suffit pas. L’urgence sociale demande des solutions à la fois immédiates et durables. Les salariés de Continental, après s’être battus pour la sauvegarde de l’usine, ont placé le plus haut la barre dans la logique du « faire payer » au maximum les patrons pour leur « forfaiture sociale ». Les New Fabris, Rencast, Molex et bien d’autres, ont dû se replier sur cette bataille pour la taille d’un chèque et une recherche bien aléatoire d’un nouvel emploi. D’autres ont, avec des succès plus ou moins complets, réussi à sauvegarder un site, une partie des emplois. SBFM, Fonderie du Poitou, Ford, autant de victoires significatives.
Mais la nouveauté réside dans la recherche de solutions alternatives posant la question de la propriété privée de l’outil de production. Chez Pétroplus, Arcelor, Fralib, les débats, les mobilisations tournent autour de l’appropriation par les salariéEs de la production, des outils de production. L’expropriation, la nationalisation, les Scop (société coopérative ouvrière de production devenue participative) des Scic (société coopérative d’intérêt collectif) autant d’alternatives qui constituent un socle aux mobilisations, à leur coordination, pour aller vers une concrétisation de l’interdiction des licenciements indissolublement liée à une réduction du temps de travail.
Robert Pelletier
Lejaby : la victoire par la lutte !
Dans cette entreprise d’Yssingeaux, en Haute-Loire, créée en 1975, qui ne compte en 2012 que 90 femmes et trois hommes, une lutte exemplaire par son unité, sa détermination et ses liens de solidarité, a permis le maintien de 100 % des emplois. Après avoir mené des luttes, pas toujours victorieuses (emploi, contre-réforme des retraites, salaires) quelque chose s’est passé lors de ces semaines de mobilisation. Tout est parti d’une colère contre la fermeture de leur atelier et l’injustice des licenciements.
Leur réaction vient de loin. Des luttes passées, celles de 2010, lors du dernier plan social où les salariéEs des autres sites ont attiré les projecteurs sur les Lejaby. Le 27 octobre 2011, elles manifestent au siège de Rillieux-La-Pape contre le dépôt de bilan, participent le 13 décembre au rassemblement interpro à Yssingeaux, manifestent une nouvelle fois à Rillieux le 22 décembre et se rassemblent le 4 janvier 2012 devant la préfecture du Puy-en-Velay. Le 16, c’est le tournant de la lutte. La décision d’occuper l’entreprise est votée. Après une nuit d’occupation, manifestation à la cour des Voraces, haut lieu de l’histoire des Canuts de Lyon au xixe siècle et rassemblement de colère au tribunal de Commerce. Le 18, jour du sommet « antisocial » à l’Élysée, c’est l’attente interminable au Puy, devant la permanence du sinistre Wauquiez, de la décision du tribunal de commerce. À l’annonce de la fermeture, c’est l’explosion de colère et de larmes devant les chaînes de radios et télévisions. Le 19, l’AG, unanime, demande des préretraites, la revalorisation des primes de licenciement et un plan de réindustrialisation du site.
Tous les jours, l’ensemble du personnel est présent. Campagne électorale oblige, le pouvoir prend conscience que la mobilisation risque de lui coûter cher. L’AG adresse une première lettre ouverte au président. Le ministre Wauquiez, qui annonçait quinze jours plus tôt que le travail et les « charges » étaient trop chers en France, se rend à l’entreprise pour annoncer neuf projets de reprise ! La presse nationale et internationale couvre quotidiennement les événements d’Yssingeaux. Le 29 janvier, lors d’un de ses sketches télévisés, Sarkozy annonce qu’il ne laissera pas tomber les Lejaby d’Yssingeaux. Le lendemain, dans une nouvelle lettre ouverte, l’AG lui demande du concret. L’histoire s’accélère, le ministre présente le repreneur Rabérin comme sous-traitant du groupe LVMH de Bernard Arnault, l’ami du président... Les sacs de luxe Vuitton remplacent les soutiens-gorge Lejaby. Toutes les salariées seront reprises en CDI le 1er mars. C’est une victoire totale. Pour remercier ceux qui les ont soutenues, habitants, associations, commerçants, une dernière manifestation est organisée à Yssingeaux, puis une journée porte ouverte de l’entreprise où participent plus de 1 200 personnes ! Une délégation est invitée à l’Élysée. Les salariées d’Yssingeaux s’extirpant de Sarko et de ses ministres, en profitent pour parler seules à la presse pour rappeler le sort des autres sites Lejaby. Elles refusent d’être utilisées pour faire oublier le bilan catastrophique de l’emploi du quinquennat qui enfin s’achève. Le 9 février, après une manifestation de soutien à Lyon pour les autres salariées, s’ouvre la négociation sur les conditions de reprise et de nouveaux contrats de travail. Les salaires de base sont maintenus, comme le 13e mois.
Le travail a repris le 1er mars aux Ateliers du Meygal, nom de la nouvelle société. Le seul point politique négatif est de ne pas avoir réussi à convaincre toute la gauche de venir unie pour les soutenir.
Bien sûr, la situation électorale leur a été favorable, mais cette victoire est bien la leur. Leur outil est un syndicat (l’UD CGT43), unitaire et combatif qui de bout en bout les a aidées concrètement à construire et poursuivre leur mobilisation jusqu’à la victoire. Un combat qui paraissait perdu d’avance s’est transformé en victoire totale car elles l’ont mené toutes ensemble ! Leur mode opératoire est la clé de la réussite...
Correspondant
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 141 (22/03/12).
Arcelor-Mittal
Licenciés pour avoir fait grève !
Sur le site d’Arcelor-Mittal Dunkerque, les salariés de la société Main-Sécurité, filiale d’Onet, qui contrôlent les entrées et sorties de l’usine, se mettent en grève après l’échec des négociations salariales, avec le soutien de la CGT. Avec un salaire net de 1 100 euros, pour un travail posté, dans des conditions précaires, avec des week-end et même des nuits, réclamer 80 euros n’est pas un luxe ! Ils organisent des barrages filtrants aux portes de l’usine.
C’est déjà l’entreprise sous-traitante qui entre en lutte sur le site : c’est trop pour Arcelor qui craint la contagion. Pression est mise sur la société pour qu’elle ne cède rien. Pour casser le moral des salariés, à quatre reprises on les invite à négocier… pour proposer zéro augmentation. Le sous-préfet les menace de leur retirer leur agrément (sans lequel ils ne peuvent plus travailler). Et pour bien faire comprendre à tous les travailleurs du site les dangers des revendications et de la lutte, Arcelor et Onet décident de licencier onze grévistes : ils sont « mis à pied à titre conservatoire », c’est-à-dire sans salaire, en attente des « entretiens préalables au licenciement ». Parallèlement, Main-Sécurité embauche neuf CDI : il s’agit bien de remplacer ceux qui ont lutté ! Ce coup bas est permis par une véritable manipulation de la direction d’Arcelor : alors que la tempête paralyse toute la région Nord, qu’il souffle un vent à décorner les bœufs, un huissier vient constater que ces salariés ne sont pas au milieu des voies d’accès pour faire leur travail, mais à l’abri dans le poste de garde, comme à chaque fois que les éléments sont démontés, et comme tous les travailleurs de l’usine.
Ces salariés menacés de licenciement se retrouvent aujourd’hui dans une situation dramatique, sans salaire, alors qu’ils ont charge de famille.
La solidarité s’organise avec le soutien de la CGT et l’appel aux responsables politiques, dont Philippe Poutou, pour empêcher ces licenciements. Car touTEs les travailleurEs sont concernés : c’est ici la politique patronale qui est à l’œuvre pour augmenter les profits. Après avoir externalisé le maximum de tâches dans les usines, ils accentuent la pression sur les salariés par la précarité et la peur, pour qu’ils se contentent du strict minimum, un salaire de survie. C’est un formidable retour en arrière, les patrons agissent comme si le code du travail n’existait pas, et en particulier le droit de grève.
Correspondant
Dunkerque, le 13 mars
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 141 (22/03/12).
Arcelor Florange : face aux promesses bidons, continuons la mobilisation
Pendant que Sarkozy jette 17 millions d’euros en pâture aux médias pour un prétendu redémarrage du site de Florange, la police déloge les manifestants qui bloquaient la voie ferrée permettant l’approvisionnement de la partie du site encore en fonctionnement. Et, pour ne pas être en reste, le tribunal des référés a autorisé la direction du groupe Arcelor-Mittal à faire appel aux forces de l’ordre pour dégager les grévistes qui bloquaient les expéditions et les accès ferrés.
La direction, de son côté, tente de semer la division entre les salariéEs du site encore en activité et ceux qui sont en chômage partiel depuis plusieurs mois pour certains. Après le concert de soutien de dimanche après-midi qui
a rassemblé plus de 800 personnes, Guy Bedos est venu apporter son soutien lundi aux sidérurgistes. La journée de mobilisation de la métallurgie prévue pour le 22 mars avec un rassemblement pour la sidérurgie à Florange est en point de mire. L’assemblée générale de lundi réunissant près d’un milliers de travailleurEs du site a décidé de poursuivre la lutte et de multiplier les actions. Dès ce mardi, le siège du groupe sidérurgique est bloqué par les salariéEs qui annoncent une manifestation à Paris pour mercredi. Le gouvernement et la direction du groupe tentent de gagner du temps jusqu’aux élections. L’extension de la lutte à l’ensemble de la sidérurgie et des initiatives en direction des salariéEs en lutte contre les fermetures de site et les licenciements dans les autres régions, les autres branches sont de plus en plus d’actualité.
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 140 (15/03/12).
La loi « M-real-Arcelor », un minimum
« Lorsqu’un groupe industriel viable envisage de fermer un de ses sites, il aura l’obligation d’examiner les offres de reprise du site et l’obligation de le céder si une des offres est validée par le tribunal de commerce et par les institutions représentatives du personnel. » C’est bien pour répondre à la mobilisation chez M-real et chez Arcelor que le PS s’est enfin décidé à présenter ce projet de loi. Cette légère limitation de la liberté du capital a été refusée par Sarko et les siens, alors qu’elle aurait quand même sauvé quelques milliers d’emplois (même si elle arrivait de toute façon trop tard pour les M-real). Mais le député PS François Loncle est un peu trop facilement content de lui. Souvenons-nous qu’il y a quelques mois, les M-real et le comité de mobilisation (EÉLV, NPA, PCF, PS) avaient obtenu un vote unanime du conseil général de l’Eure, puis du conseil régional de Haute-Normandie, demandant à l’État d’exproprier pour permettre la vente. On sait ce que valait un tel engagement pour Bruno Le Maire, conseiller régional et ministre de l’Agriculture. Mais qu’a fait de plus le PS pour soutenir cette exigence ?
De plus, les cas comme M-real, où un groupe capitaliste maintient pendant des mois son projet de reprise et de développement, sont une exception.
Et dans l’immense majorité des cas, il n’y a pas de repreneur du tout.
Alors, pour combattre le chômage à la racine, y a-t-il une autre solution que d’interdire les licenciements ? Ceux qui nous traitent d’irréalistes devraient se souvenir qu’il y a deux ans, le NPA était seul à défendre l’expropriation et la remise en route de l’entreprise sous le contrôle des travailleurs…
16 mars 2012
ARCELORMITTAL : L’ÉTERNELLE LUTTE DU CAPITAL CONTRE LE TRAVAIL
Lundi 20 février, les salariés du site ArcelorMittal de Florange (Moselle), occupant 2 500 travailleurs, ont investi les locaux de la direction du site. Après l’arrêt de la phase chaude dont le dernier haut-fourneau lorrain en octobre dernier, toute la pérennité du site est en jeu. Les travailleurs, menés en bateau par une direction qui ne donne aucune info pour les mois à venir, oscillent entre rumeur de redémarrage et arrêt définitif.
Une fois de plus, le contexte de crise est avancé. Or, la demande d’acier ne cesse d’augmenter à travers le monde, et l’entreprise a engrangé 10 milliards de dollars de bénéfice net pour l’année 2011 et près de 33 milliards depuis 2007, avec une fortune personnelle de M. Mittal estimée à 80 milliards de dollars ! Vous avez dit crise ?
Dans une Europe où subsistent encore quelques acquis sociaux, ArcelorMittal préfère aller produire là où la main-d’œuvre est moins coûteuse et plus docile (Kazakhstan, Inde ou encore Brésil où l’exploitation minière contribue au massacre de la forêt amazonienne).
Les attaques que subissent les salariés de Florange ne font que s’ajouter à toutes les autres vécues par les travailleurs européens du groupe : 600 personnes en chômage partiel au Luxembourg depuis juin, 3 000 emplois en sursis en Belgique après la fermeture de deux hauts-fourneaux à Liège, 290 personnes en Espagne après la fermeture du laminoir de produits longs à Madrid… Partout la direction laisse les travailleurs dans le flou et les rumeurs s’installer : redémarrera, redémarrera pas ?
Et à qui cette entreprise « en crise » fait appel pour payer ses salariés ? Aux États, avec notre argent public !
L’ampleur internationale des attaques actuelles, qui ne vont pas s’arrêter de sitôt, doivent être l’occasion d’une mobilisation au-delà des frontières nationales. Le 7 décembre dernier a été l’occasion d’une journée d’action européenne avec l’arrêt de la production sur l’ensemble des sites européens. Cette action est un pas dans la bonne direction mais ne suffira pas si la lutte n’est pas maintenue dans le temps. C’est toute la logique capitaliste du mode de production qui doit être revue à travers un combat qui ne pourra être qu’internationaliste. N’attendons pas quelque élection pour croire que M. Mittal fléchira. Ni la droite ni la gauche institutionnelle ne se sont opposées un jour à l’économie de marché. C’est en se réappropriant aujourd’hui l’outil de production que nous reprendrons nos vies en main : que voulons-nous produire, par qui, comment, en quelle quantité ?
Nous poursuivrons dans les mois à venir notre action devant les sites d’ArcelorMittal, en France comme au Luxembourg.
Travailleurs de Florange, Liège, Luxembourg, Madrid…
Unissez-vous !
Comité NPA Transfrontalier Longwy-Luxembourg
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 137 (23/02/12).
M-REAL : EXPROPRIER POUR DE BON !
Même si la mobilisation a changé de braquet, il faut toujours compter avec les M-real. Ils se sont ainsi invités au conseil municipal de Louviers (Eure) pour remettre à l’heure les pendules du cumulard-potentat PRG qui les avait déjà enterrés. Car gagner le maintien et le développement de l’emploi chez M-real, c’est encore possible. Au plan national, les déclarations de soutien se succèdent, et cela donne du courage, même si personne n’est dupe : il faut du concret, et pour cela on ne peut faire autrement que de bousculer la propriété capitaliste.
Un pas a été franchi avec le vote du conseil général de l’Eure (sur proposition de Gaëtan Levitre, conseiller général PCF mandaté par le collectif unitaire) d’une motion pour « l’expropriation pour cause d’utilité publique ». Si ce vote (unanime !) est quelque peu tardif, s’il surprend même au regard des convictions fort libérales de plus d’un membre de cette assemblée et de la politique soutenue de subventions aux entreprises du conseil général, il peut néanmoins constituer un réel point d’appui.
Oui, c’est à l’État et au gouvernement d’agir pour l’expropriation ! Mais pour accentuer la pression sur ce gouvernement qui ne veut pas toucher aux règles du jeu de l’Europe des capitalistes, pour peser sur M-real/Metsäliitto, le conseil général, de même que la Région (PS-PCF-PRG-EÉLV) qui l’a suivi, ont d’autres moyens que de pointer la responsabilité du gouvernement ; ils pourraient s’engager eux-mêmes dans des actions concrètes et spectaculaires aux côtés des M-real : tenue de leurs assemblées sur le site, appel à un rassemblement massif pour soutenir la revendication d’expropriation, proposition d’achat massif de papier pour les besoins de toutes les collectivités locales
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 128 (15/12/11).
Adecco : les intérimaires ne lâchent rien non plus
L’Internationale chantée, avenue Malesherbes, au cœur du 8e arrondissement de Paris, a un peu surpris Philippe Poutou ce matin du 13 mars. Nous étions aux côtés de la centaine de salariés du groupe d’intérim Adecco, venus crier leur colère après l’annonce de la suppression de 530 emplois, la fermeture de 165 agences et de 19 centres administratifs. Baptisé « plan de départs volontaires », ces licenciements résultent de la volonté du groupe de restructurer trois de ses principales filiales : Adecco, Adia et AGF. Restructuration justifiée pour la direction par la recherche d’une plus grande compétitivité alors que le groupe annonçait le 1er mars, ses résultats pour 2011 : chiffre d’affaires en hausse par rapport à 2010 de 10 % à 20, 5 milliards d’euros, un bénéfice net en hausse de 23 % et une augmentation de dividendes de 64 % ! Face à cette véritable provocation, les salariéeEs et l’intersyndicale (CFDT, FO, CGT, Unsa) ont décidé de se mobiliser. Après un premier rassemblement mardi dernier, ils manifestaient devant le siège parisien du groupe pour obtenir une entrevue avec la direction. Celle-ci s’obstine à ne parler que de départs volontaires tout en communiquant la liste des postes supprimés. De nouvelles initiatives avec appel à la grève sont d’ores et déjà en discussion pour la semaine prochaine. Plus que l’Internationale, c’est bien la mobilisation de ces travailleurEs placéEs, bien malgré eux, au cœur de l’organisation de la précarité, qui nous regonflait ce matin.
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 140 (15/03/12).
Albany : encore 133 licenciements qu’il faut interdire
Les 133 salariéEs de l’usine de tissage Albany-Cofpa, à Saint-Junien (Haute-Loire), ont découvert une nouvelle forme de lock-out. Après l’annonce, le 23 février, au comité central d’entreprise d’un projet de fermeture du site, la direction a abandonné celui-ci en cadenassant les armoires d’alimentation électrique des machines. Depuis, l’usine est sous bonne garde des salariéEs. Mercredi 29 février, la direction est revenue dans l’usine mais a refusé de relancer la production et d’informer les salariéEs sur l’avenir de l’entreprise. Seule action : mettre à leur disposition un... psychologue. Et pourtant, l’entreprise est rentable : plus de 6 millions d’euros de profits entre janvier 2010 et juin 2011, et Albany est une multinationale qui compte dix-huit usines et 4 300 salariéEs dans onze pays, et gagne de l’argent. Pour reprendre une entreprise familiale locale, le groupe a largement bénéficié des fonds : en 2004, la communauté de communes avait racheté ses anciens locaux, cédé un nouveau terrain pour un euro symbolique et investi 1, 5 million d’euros pour réaliser les aménagements de voirie. Au total, à la détresse des salariéEs s’ajoute la colère de la population et des élus locaux.
Lundi dernier, à l’occasion de la rencontre d’Olivier Besancenot avec les salariéEs, la direction a enfin accepté de recevoir les élus du personnel. Deux personnages falots, fayots, peut-être fourbes (DRH France et directeur local) qui n’avaient rien à dire, ne voulaient rien dire, n’avaient le droit de rien dire. Tout juste ont-ils réussi à lâcher qu’une réunion aurait lieu jeudi à la préfecture entre les représentants du groupe Albany, ceux du personnel et de l’État) et que la production ne reprendrait que de façon pérenne. Olivier affirma qu’il n’avait dans sa manche ni des millions d’euros ni les pouvoirs des représentants de l’État, mais qu’il apportait le soutien militant du NPA, tout en défendant l’idée de la nécessité urgente d’initiatives unitaires, permettant de fédérer les luttes, notamment sur l’emploi, qui continuent sans respecter la moindre trêve électorale.
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 139 (08/03/12).
COMMENT LA SPF (GROUPE ATALIAN) SE DÉBARRASSE DE SES SALARIÉS, UN EXEMPLE DANS LE RHÔNE
Atalian (ex-TFN) est le groupe qui monte dans les services aux entreprises, à force d’acheter une par une les boîtes de maintenance, sécurité, nettoyage, etc. Devenu leader européen dans le multiservice avec un chiffre d’affaires d’1 milliard d’euros, son président F. Julien a été médaillé par l’Assemblée nationale pour sa « stratégie d’entreprise » en 2009. Mais qu’en est-il pour les salariés ? Le sort de ceux de la Société nationale de protection incendie (SNPSI), vendue à la branche SPF (sécurité protection feu) d’Atalian.SI en 2009, en donne une idée…
À l’agence de Meyzieu dans le Rhône, spécialisée dans la vente et la maintenance des extincteurs, une convention collective désavantageuse a d’abord été imposée aux VRP. En toute illégalité puisque ce changement ne peut se faire qu’après un délai de quinze mois. Puis un nouveau contrat de travail vise à les faire passer sur le statut de technico-commerciaux, ce qui permet de leur sucrer l’indemnité liée à leur clientèle, en cas de licenciement.
Ceux qui acceptent se voient alors proposer une « évolution », qui les oblige pour certains à déménager dans un autre département, mais c’est pour se retrouver quelques mois plus tard avec des objectifs irréalisables, et donc licenciés !
Les autres se voient infliger des retenues de milliers d’euros sur leur salaire.
Dans un courrier de juillet 2010, l’inspection du travail constate « de grandes pressions conduisant indubitablement à une grande souffrance au travail », des « menaces de licenciement », le fait de « convoquer régulièrement le même salarié pour des entretiens préalables en vue de licenciement, [qui] pouvait être constitutif de harcèlement moral à l’égard de celui-ci et de toutes façons provoquer chez ce salarié un stress important ». Certains employés sont tellement désespérés par ce traitement qu’ils demandent aux prud’hommes la résolution judiciaire de leur contrat !
Ainsi, un par un depuis 2010, huit salariés sur les treize de Meyzieu ont été licenciés, dont six pour faute grave, donc sans indemnités ! Non seulement ces personnes ont perdu leur emploi, et pour certaines, pour longtemps car elles étaient soumises à des clauses de non-concurrence de deux ans, mais elles sont cassées par cette maltraitance, effondrées et en pleine déprime... Pour elles, il ne restait que le recours judiciaire : la plupart ont agi en justice, gagné en référé, mais n’ont (toujours) pas reçu de chèque (l’entreprise fait traîner, a changé de nom, de siège social…) ; les salariés ont dû faire intervenir un huissier et engager une nouvelle procédure devant le tribunal de commerce qui a condamné la société…
L’un des cadres concernés dénonce la stratégie à l’œuvre : « ils licencient gratuitement et réembauchent à moindre coût ». Cette manœuvre, courante dans les restructurations des secteurs où les salariés ne sont pas organisés, est à dénoncer, à combattre et à interdire !
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 138 (01/03/12).
Fralib
FRALIB : LA DÉFENSE DE L’ÉLÉPHANT
Vendredi 24 février, une centaine de salariéEs et de soutiens avaient rendez-vous à la Bourse du travail de Paris avec les candidatEs à l’élection présidentielle et les soutiens politiques et syndicaux. Si chacunE apporte un soutien inconditionnel à la lutte des Fralib, les interventions des représentantEs de la gauche, de Hollande à Mélenchon, insistent sur les propositions de lois qu’ils initieront s’ils sont au gouvernement. Nathalie Artaud et Philippe Poutou insistent sur la nécessité de la mobilisation, dès maintenant et quel que soit le résultat des élections. Pour conclure, Olivier Leberquier, responsable CGT, revient sur les grands moments de leur lutte et des échéances judiciaires : 515 jours de lutte, deux annulations de procédures de PSE, le soutien de la région et de multiples syndicats dans tout le pays. Il détaille ensuite les propositions de reprise de l’activité qu’Unilever tente toujours d’empêcher : développer une production équitable, associant des coopérations avec les producteurs pratiquant une culture respectueuse des conditions de travail et de l’écologie, permettant la valorisation de la culture des plantes aromatiques.
La forme juridique, encore en débat, prendra en compte la participation des salariés engagés dans le projet, les partenariats avec les institutions locales et régionales et des organismes de financement. La première condition étant de lever le veto d’Unilever tant sur l’utilisation de la marque « l’Éléphant » que sur la cession des machines et des stocks pour l’euro symbolique. Olivier, qui la veille même avait dû répondre à une convocation de la gendarmerie d’Aubagne, termine sur ce refus de plier face à Unilever : « Ce n’est pas en nous faisant visiter les gendarmeries et les palais de justice que vous nous ferez reculer ou accepter le « chèque-valise » ». « Notre combat s’inscrit dans un refus d’un capitalisme qui n’est ni réformable ni amendable ». « Nous voulons travailler debout, fiers de notre travail, de nos compétences, de notre combat ».
L’après-midi, après un repas fraternel, la manif à Paris s’est trouvée bloquée au bout d’une demi-heure aux alentours de Beaubourg, par un impressionnant déploiement de gendarmes mobiles armés de flashballs, et décidément toujours prêts à rencontrer les Fralib ! Après un face à face parfois tendu, les forces de « l’ordre » ont fait repartir les manifestants dans les cars, deux heures plus tôt que prévu. Sans doute pour éloigner au plus vite ces personnages qui risquaient de mettre la capitale à feu et à sang, deux motards de la gendarmerie ont escorté les trois cars bourrés de dangereux syndicalistes jusqu’aux autoroutes de sortie de la ville. Malgré ces péripéties de fin de journée, cette mobilisation a une nouvelle fois regonflé le moral des Fralib qui devraient être reçuEs à Matignon le 1er mars. À suivre...
Robert Pelletier
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 138 (01/03/12).
FRALIB : 471 JOURS QU’ILS NE LÂCHENT RIEN
Les salariés de Fralib présenteront le 26 janvier leur projet de maintien de la production de thé et d’infusion sur le site de Gémenos (Bouches-du-Rhône). Ils s’adresseront aux services de l’État concernés et aux collectivités territoriales parties prenantes de leur solution alternative à la fermeture du site.
Ils espèrent ainsi provoquer l’organisation d’une table ronde entre les ministères et les collectivités territoriales concernés, les représentants syndicaux du collectif des salariés porteurs du projet, et le groupe Unilever, liquidateur du site. Voilà pour les faits récents ou proches.
Au-delà, il y a toujours une petite équipe déterminée, appuyée par un collectif de salariés soudé. Et l’on assiste à l’émergence de quelques délégués qui connaissent maintenant absolument tous les rouages de leur entreprise, comme sans doute aucun ancien directeur ne les a connus. Et l’on sent que ce nouveau savoir partagé entre salariés, ce nouveau pouvoir, devient l’enjeu de la lutte engagée avec la direction devenue illégitime.
Pour donner une idée de la « violence » des armes utilisées, la direction a proposé 90 000 euros à chaque salarié qui accepte de renoncer à sa réintégration, en plus des indemnités légales. 76 salariés ont accepté. Plus de 100 ont refusé, pour participer à la solution alternative élaborée par leur collectif.
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 132 (19/01/12).
PSA AULNAY : Non à la fermeture
De l’avis des militants locaux, Aulnay-sous-Bois (93) n’avait pas vu 2 000 manifestantEs dans ses rues depuis 1968. Une belle manifestation pour amplifier la mobilisation contre la fermeture programmée par la direction de PSA.
L’usine ne compte plus que 3 300 salariéEs contre 5 000 en 2004, avec un volume de production divisé par deux. Le gros du cortège était fourni par les salariéEs, leurs familles, voisins et amis. Tous sont conscients que la fermeture du site d’Aulnay, c’est 500 familles de la ville et des milliers aux alentours qui se retrouveraient sans ressources. Car 3 000 suppressions d’emplois directs, cela représente près de 10 000 emplois indirects. Viennent ensuite de nombreux militants des autres usines du groupe : Rennes, Poissy, Sochaux, La Garenne. En effet, les réductions d’effectifs touchent tous les établissements avec la liquidation de centaines d’emplois de CDD, intérimaires et prestataires dans et hors production.
Si toutes les organisations syndicales de l’usine, CGT, Solidaires, CFDT, CFTC, CGC, FO et SIA (syndicat « indépendant » majoritaire) ont appelé à la manifestation, leur présence a été volontairement discrète pour préserver l’unité réalisée jusqu’à maintenant dans la mobilisation. La fin du cortège a vu se succéder le PCF, le PG, EÉ-LV, le PS, LO et le NPA.
Après une très longue marche dans la ville d’Aulnay, la manifestation s’est regroupée sur la place de la mairie. Après la présentation de la lutte par Jean-Pierre Mercier, délégué syndical CGT de l’usine, se sont succédé les représentants de tous les syndicats du site, le maire d’Aulnay et les porte-parole des organisations politiques présentes à la manifestation.
Tous les intervenants ont dénoncé les méthodes de gestion de la direction de PSA qui, après avoir caché ses projets puis les avoir minimisés, est maintenant passée à leur mise en œuvre cynique, entraînant déjà des centaines de suppressions de poste de travail tout en surchargeant les salariés épargnés.
Si le renforcement de la mobilisation sur le site d’Aulnay est la priorité pour tous, il est incontournable de construire l’unité dans la lutte de tous les sites concernés immédiatement tels que ceux de SevelNord et de Madrid. Et au-delà, tous les sites de PSA, équipementiers et sous-traitants compris, et plus largement toute la filière automobile.
Ce fut le sens de l’intervention de Philippe Poutou insistant sur la nécessaire combinaison des luttes, des mobilisations qui existent depuis les postiers jusqu’aux sidérurgistes de Florange, en passant par ceux de Fralib. Philippe insiste sur la dimension internationale des révoltes qui se développent face à une crise qui conduit chaque jour à des attaques de plus en plus importantes contre les travailleurs et les peuples. Si, comme le crient ceux de Florange et d’Aulnay, ils ont la volonté de devenir « le cauchemar du gouvernement », nous devons, comme l’a suggéré Philippe, être les cauchemars de tous les gouvernements, FMI et autre Banque mondiale qui veulent nous faire payer leurs crises.
Robert Pelletier
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 137 (23/02/12).
LA FORMIDABLE RÉSISTANCE DES SALARIÉS DE THALES SERVICES BUSINESS SOLUTIONS (BUS)
Les salariés de Thales BUS sont mobilisés depuis le mois de septembre contre la vente de leur société à une entreprise sous-traitante.
Depuis mi-septembre, les salariés de Thales Services Business Solutions (BUS) sont mobilisés contre le projet de vente de leur activité (BUS) à la SSII GFI (société de sous-traitance informatique). Pour les salariés, il s’agit d’un plan de licenciements déguisés (un plan de licenciements « low cost »).
Les techniciens et ingénieurs de Thales BUS ne sont apparemment pas traités comme les salariés des boîtes qui mettent la clef sous la porte puisqu’ils ont un repreneur par le biais de la SSII GFI. À court terme seulement, car dans le métier des prestations informatiques, les jeunes techniciens et/ou ingénieurs sans expérience commencent leur carrière par une SSII qui les paie peu avant de se faire embaucher par une entreprise donneuse d’ordre comme Thales par exemple.
À 40/50 ans, comme la majorité des salariés de Thales BUS, ils sont « trop vieux et trop payés » pour une SSII et c’est le chômage qui les attend à terme.
Thales ne sous-traitait pas son informatique jusqu’en 2002.
Jusqu’alors l’informatique était considérée comme le « cœur de métier ». L’ultralibéralisme financier emportant tout, Thales sous-traite à présent et veut sous-traiter toujours davantage.
Luc Vigneron, le PDG de Thales, veut vendre des activités du groupe (1milliard d’euros de chiffre d’affaires) pour, officiellement, se recentrer, mais pratiquement faire du cash sur le dos des salariés et monter dans le capital d’entreprise jugées plus lucratives (DCNS, Nexter, Finmecanica en Italie).
L’horreur des objectifs financiers à court terme sur le dos des salariés dans toute sa spendeur !
Pas de chance pour le « Sarkozy boy », il est tombé sur un os. Des salariés mobilisés et déjà échaudés par d’autres plans de cession. Des salariés organisés par des syndicats insérées (CFDT et CGT essentiellement) à Vélizy, Toulouse, Valence...
Quatre mois d’actions incessantes et quotidiennes : manifestations, collages, grèves. Ils étaient encore massivement devant le siège de Thales à Neuilly, vendredi 19 janvier. Ils ont bloqué plusieurs fois les sites Thales de Velizy et Toulouse en ce début février.
Le PDG qui devait se rendre à Vélizy a préféré rebrousser chemin et laisser ses directeurs affronter les salariés.
L’Intersyndicale a pris des contacts auprès des politiques et reçus le soutien concret de Benoit Hamon et Jean-Luc Mélenchon.
En parallèle, les élus utilisent les instances de représentation du personnel : CE, CHSCT, délégués du personnel. Ils ont commandé une expertise au cabinet Syndex et les premières présentations faites en CE, tant sur l’aspect économique que sur l’aspect social, ont montré que BUS était vendu au seul repreneur qui se soit manifesté. De nombreux salariés à Velizy et Toulouse ont fait des malaises, la médecine du travail a tiré publiquement la sonnette d’alarme. Mais le gouvernement (Pécresse et Baroin) fait la sourde oreille et fait livrer des analyses fantaisistes dans la presse aux ordres (Dassault est en effet l’actionnaire privé de référence de Thales).
Le temps joue en faveur des salariés. Une opération purement financière comme celle-là en pleine campagne électorale fait mauvais genre, surtout quand l’État garde une minorité de blocage dans le groupe.
Quelle qu’en soit l’issue, les salariés de BUS auront montré qu’il est toujours possible de s’opposer aux plans financiers des grands groupes.
Le NPA et son candidat, Philippe Poutou, apportent tout leur soutien aux salariés de Thales services.
Correspondant
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 136 (16/02/12).
RÉSISTER À LA MACHINE À LICENCIER
Nous avons rencontré quatre militants CGT de Cofinoga, à Mérignac (Gironde) confrontés avec leurs collègues à un « Plan de sauvegarde de l’emploi ». Sur 2 500 salariéEs, près de 470 suppressions sont annoncées (397 à Mérignac, plus de 40 à Paris, et une vingtaine dans des antennes locales).
Ils évoquent les dernières années fastes de ce groupe financier avec l’explosion des crédits à la consommation : « les crédits ‘revolving’ représentaient jusqu’à 78 % du chiffre d’affaires ». Pour les salariéEs, il n’y a jamais eu grand-chose en retour, et le boulot est dur, notamment « les journées au téléphone », entre relances et renégociations auprès de clientEs souvent prisES à la gorge. Les camarades de la CGT font remarquer d’ailleurs que « le PSE ne touche pas ces postes, les ‘postes commerces’, ceux qui sont au contact des clients ».
Pour la BNP, Cofinoga était un gâteau intéressant, au point de s’en emparer en 2005 par une « OPA sympathique », propos que rappelle, moqueur, un des délégués. La presse parlait de « pépite » pour ce groupe qui gérait alors plus 10 milliards de prêts, faisait 120 millions d’euros de bénéfices. La BNP qui venait d’acquérir Cetelem en 1999 renforçait sa domination dans le secteur… et se donnait les moyens de le restructurer. C’est bien cela qui a commencé, et « depuis 2009, 250 emplois ont déjà été supprimés, avec les fins de CDD, les départs non remplacés… »
Évidemment, la direction évoque la crise, la loi Lagarde (appliquée depuis juillet 2011, qui encadre un peu ces crédits), mais la vraie raison est simple : en restructurant, « la BNP veut faire une économie de 100 millions ». La BNP a largement les moyens de payer pour maintenir tous les emplois : presque 8 milliards de bénéfices en 2010. Les Galeries Lafayette (l’autre copropriétaire) aussi, avec 525 millions et 44 millions pour Cofinoga.
À l’annonce du PSE, c’est d’abord la stupeur qui a pris le dessus. La machine infernale s’enclenche, distillant le doute et la division. Les militants CGT se disent prêts à discuter de « reclassement locaux au sein de la BNP », mais tout le monde voit bien que l’ampleur du plan laissera du monde sur le carreau. Le 20 janvier, à leur appel, et alors que l’intersyndicale majoritaire (CFDT-CFTC-CGC) s’était publiquement prononcée contre, 200 salariéEs ont débrayé pour exprimer leur désaccord. Un événement à Cofinoga. Le seul moyen pour résister au PSE. Plus largement, c’est bien la question d’un mouvement d’ensemble pour l’interdiction des licenciements qui est posée, avec ceux de SeaFrance, de Pétroplus, de Lejaby…
François Minvielle
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 135 (09/02/12).
LA QUESTION DES LICENCIEMENTS ET DU CHÔMAGE AU CŒUR DE LA CAMPAGNE
Les liquidations d’entreprises se multiplient. Certaines, comme Lejaby, peuvent devenir des symboles politiques majeurs.
Sarkozy commente : « La France se vide de son sang industriel, il faut garrotter. » Mais que fait-il ? Il a laissé couler SeaFrance, qui appartient à l’État lui-même, via la SNCF. Alors pour les entreprises privées… Le sommet « social » du 18 janvier n’a d’ailleurs accouché de rien, en attendant… la TVA sociale.
Et Hollande ? Il aurait fait un virage à gauche... Mais qui peut citer une seule mesure concrète et rapide pour empêcher les licenciements ? À Gandrange, il a dénoncé les promesses non tenues de Sarkozy, sans en faire aucune.
Et les défenseurs du « made in France » ? Des « visas sociaux et environnementaux » pour Mélenchon (outre une loi pour l’interdiction des licenciements boursiers). Pour Bayrou, les ouvrières de Lejaby garderaient leur boulot si les Français mettaient « deux euros de plus » dans l’achat de leur soutien-gorge. Marine Le Pen ? Elle dénonce surtout 10 % des licenciements, ceux qu’entraînent les délocalisations. Elle n’est pas pour interdire quoi que ce soit aux patrons qui les décident. Elle ne propose qu’une mesure fumeuse de taxe aux frontières, pour des lendemains incertains… et si le patronat y trouve son compte.
C’est qu’ils ne vivent pas ces licenciements comme une urgence. Ils respectent avant tout les fondements de ce système, le droit du patronat de licencier et de placer ses capitaux où bon lui semble.
Pourtant l’émotion est grande dans le pays : Hollande s’est décidé à envoyer Montebourg pour chercher une solution industrielle, « dans le haut de gamme ». Inquiet (des sondages), Sarkozy envoie alors Wauquiez. Suspense : lequel dénichera le repreneur miracle, et combien de millions d’euros de subventions lui proposeront-ils ?
Ce cirque doit s’arrêter. Un million de chômeurs en plus depuis 2007, ça suffit ! Il faut maintenant interdire les licenciements, garantir à toutes et tous un emploi par la répartition, le partage du travail.
Mais voilà un problème central de notre campagne : comment montrer que cette revendication n’est pas utopique, mais concrète et immédiate ?
Dans le cas de SeaFrance, l’État doit maintenir cette entreprises de transports publics et considérer les salariéEs comme des fonctionnaires. BNP Paribas, qui vit aux crochets de l’État et qui a des milliards en caisse, doit garantir l’emploi de tous les salariés de Cofinoga, sa filiale qui en supprime plus de 400. Chez Lejaby, il faut empêcher le patron requin d’empocher sa mise. La marque Lejaby doit être confisquée par les autorités et donnée aux ouvrières et salariéEs, en toute « propriété intellectuelle ». Lejaby, c’est elles. Il faut une commission d’enquête sur les comptes, sous le contrôle des salariéEs, qui pourrait choisir des experts payés par l’État : quels sont les profits réalisés par le repreneur et les anciens patrons, depuis environ dix ans ? Et l’argent empoché par les actionnaires et les banques ? Il doit revenir aux ouvrières. Il y a de quoi maintenir leur contrat de travail, largement.
Il faut réquisitionner ces entreprises, en faire des régies publiques, sous le contrôle des salariéEs.
Est-il possible d’imposer ces mesures ? Il faut espérer une véritable explosion sociale en 2012. Or celle-ci n’a rien d’un grand soir. Elle est à construire. Les SeaFrance, les Lejaby, peuvent lutter ensemble, avoir le soutien de la population. Il est vital que les salariéEs frappéEs par les licenciements s’unissent pour faire un front commun pour leur interdiction. C’est ce qui rendrait possible un mouvement d’ensemble, capable d’arracher les indemnités de licenciements les plus élevées possible (objectif d’autant plus accessible que le pouvoir et le patronat craindront l’extension de la révolte), comme avaient réussi à le faire ceux de Continental en 2009, mais même, au-delà, d’imposer la fin des licenciements.
Il faut aussi pour cela lutter contre la démagogie nationaliste. Les discours protectionnistes ont le vent en poupe. Il y a là une pression politique exercée par le Front national. Il y a aussi la façon dont le capital ne cesse de mettre toujours davantage en concurrence les travailleurEs (et les systèmes sociaux) de tous les pays. Et l’épuisement des fadaises libre-échangistes sur la « mondialisation heureuse ». Or c’est un poison pour les travailleurEs, un puissant ferment de division.
Nous sommes pour l’interdiction de tous les licenciements, y compris bien sûr quand ils prennent la forme de délocalisations. Pas parce qu’il faudrait « produire français » et faire ainsi la guerre économique aux autres peuples. Ce genre de guerre, ce sont toujours les travailleurEs qui y perdent leur peau. Un jour, des patrons nous disent de faire des sacrifices au nom de l’inéluctable mondialisation, un jour, d’autres (ou les mêmes) nous diront de faire des sacrifices au nom du protectionnisme, par exemple en payant une TVA « sociale ». Les délocalisations ne sont qu’une partie des licenciements. La source du chômage ce n’est pas le « coût du travail ». Le « capitalisme national » ne nous préservera pas du chômage. Pas plus d’ailleurs que toutes les réformes libérales pour être plus « compétitifs ».
Nous sommes pour interdire tous les licenciements, et immédiatement, que ce soit des délocalisations vers la Chine, la Tunisie ou l’Auvergne, ou des restructurations « immobiles » pour rentabiliser les entreprises. Pour nier le droit des capitalistes à faire ce qu’ils veulent de « leurs entreprises » et des masses de profits accumulées hier et aujourd’hui, et qui, pour nous, appartiennent à celles et ceux qui les ont produites.
Yann Cézard
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 134 (02/02/12).
SEAFRANCE : INTERDISONS LES LICENCIEMENTS
Le tribunal de commerce de Paris vient d’entériner la liquidation de l’entreprise Seafrance. C’est presque une bénédiction pour celles et ceux qui versent des larmes de crocodile sur la mise à mort de cette entreprise.
Le sinistre feuilleton Seafrance connaît chaque jour un nouvel épisode. Malheureusement près de 900 suppressions de postes de travail sont concernées. Avec les emplois indirects, ce sont des milliers de familles qui sont au bord du gouffre économique et social.
Avec plus de 15 % de chômeurEs, Calais fait déjà partie des villes les plus touchées par les difficultés économiques et la misère. Pourtant les choses paraissent simples. La SNCF, entreprise encore nationale, est l’acteur central dans la société Seafrance. Comment croire qu’un jour Eurotunnel, le lendemain la SNCF, le surlendemain des groupes privés, fourniraient la solution ? Cela fait des mois que les difficultés de l’entreprise sont connues. Un plan de recapitalisation par la SNCF, validé par les organisations syndicales et les salariés, a été présenté très timidement à la Commission de Bruxelles. De ce fait, l’agitation de Sarkozy et des ministres concernés paraît aussi dérisoire que scandaleuse.
Comme à Grandrange ou à Molex, le pouvoir fait semblant de prendre les choses en main et d’empêcher les suppressions de postes pour ensuite abandonner le dossier dès que les médias ont tourné leurs micros et caméras.
Bien opportune, la « découverte » des rapports problématiques entre la CFDT et la direction, voire de prétendues malversations : le rapport de la Cour des comptes, mis en avant ces derniers jours, date en fait de 2009 mais n’avait manifestement pas dérangé jusqu’à ce qu’il permette aujourd’hui d’ajouter la suspicion à la prétendue complexité du dossier. Il y a fort à craindre que, quelle que soit la formule, la solution Scop ne soit qu’une façon particulièrement tordue de sous-traiter la suppression des emplois.
Les polémiques dans et entre les organisations syndicales aggravent les divisions entre salariés. La prise en main de leur combat par les salariés eux-mêmes, en assemblée générale, mettant en place une représentation unitaire et démocratique, peut changer la donne. Il ne doit pas y avoir d’échappatoire pour l’État qui doit trouver l’argent pour sauvegarder des emplois aussi facilement que pour sauver les banques. Pas un seul licenciement ne doit être toléré.
Robert Pelletier
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 131 (12/01/12).
PÉTROPLUS, QUAND LES BANQUES ET LES MULTINATIONALES JOUENT NOS VIES AU MONOPOLY DE LA FINANCE
Après avoir bénéficié de milliards d’euros d’aides, les banques refusent aujourd’hui de prêter à Pétroplus, mettant en danger l’activité de plusieurs raffineries et menaçant des centaines d’emplois.
Le groupe suisse Pétroplus est à la tête de cinq raffineries en Europe, dont l’une à Petit-Couronne (76) près de Rouen qui emploie 550 salariés directs. Il avait annoncé en novembre dernier la fermeture du secteur des huiles, ce qui représentait 120 emplois supprimés.
Entre Noël et le jour de l’An, en guise de bons vœux, le directeur financier du groupe a annoncé à la presse que les banques refusaient de lui accorder le moindre crédit. Un milliard de dollars attendus par Pétroplus seraient bloqués, ce qui justifierait d’après lui, l’impossibilité d’acheter le pétrole brut pour approvisionner ses raffineries.
Pétroplus, dont le titre a chuté à la Bourse de 98 % de sa valeur, fait planer la menace de la fermeture de deux, trois ou cinq raffineries en Europe, dont celle de Petit-Couronne, menace pourses salariés ainsi que pour les centaines de sous-traitants et tous les secteurs qui dépendent de cette entreprise.
Cette décision est tout à fait inadmissible. Pétroplus se dit impuissant devant la décision des banques, mais n’explique pas les raisons de ce refus. Le groupe ne profite-t-il pas de l’occasion pour se débarrasser du secteur du raffinage et engager ses capitaux dans des secteurs jugés plus rentables ?
Voilà comment (dys)fonctionne le système capitaliste : des spéculateurs financiers, des banquiers ont le pouvoir de vie et de mort sur des entreprises et sur des milliers de salariés en décidant ou non de financer, en jouant leurs vies au Monopoly de la finance. Personne ne les contrôle ni les États ni les gouvernements. En revanche, ces mêmes banques ont bénéficié de milliards d’euros de fonds publics mais ni les États ni les gouvernements ne leur demandent de rendre des comptes, où est allé l’argent. Cet argent public, c’est-à-dire celui des contribuables est allé dans les coffres-forts des banquiers, les mêmes qui aujourd’hui ferment le robinet, coupent séance tenante les lignes de crédit, empêchant la production et les investissements. Quand les travailleurs cessent le travail et occupent les raffineries, comme lors du mouvement des retraites, l’État et le gouvernement envoient leurs CRS dans les usines, traînent les syndicalistes devant les tribunaux. Mais quand il s’agit des banquiers, ni les employeurs, ni l’État, ni le gouvernement ne peuvent rien contre eux !
Il est urgent de placer l’ensemble du secteur énergétique sous le contrôle des salariés et de la population, qui en est l’usagère, après expropriation de ces groupes comme Pétroplus, mais aussi des banques qui les alimentent. On ne peut pas laisser notre sort entre les mains des spéculateurs financiers. Bien sûr, cela exige une mobilisation des travailleurs, une lutte où se rassemblent tous les secteurs de l’énergie menacés actuellement et, au-delà, des autres filières livrées elles aussi au bon vouloir des financiers et des industriels. Alors seulement on pourra vraiment décider de ce que l’on produit et comment, en veillant à préserver les emplois pour tous.
Pour l’instant, les salariés de Pétroplus sont encore sous le choc. Depuis plusieurs semaines déjà, ils sont dans l’inquiétude après la première annonce de la fermeture des huiles et organisent des AG régulières à la porte de l’entreprise. À la suite de l’annonce menaçant de fermeture, ils ont décidé en assemblée générale de bloquer toutes les expéditions de carburant et de garder les stocks.
Mardi 3 janvier, un appel à un rassemblement devant l’entreprise avec soutien des salariés et syndicats de l’agglo rouennaise était lancé par la CGT. Les patrons et les banquiers ont déclaré la guerre. Aucun salarié ne doit faire les frais des calculs financiers des multinationales du pétrole et de la rapacité des banques.
Aucun licenciement !
Aucune suppression d’emploi !
Aucune perte de salaire !
Correspondant local
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 130 (05/01/12).