Lors du bilan de ses cent premiers jours, Alain Berset a dit vouloir aborder la retraite « sous un angle global ». Les micros de la salle de conférence à peine éteints, le rappel à l’ordre des patrons est arrivé.
Indépendamment des velléités du ministre « socialiste », leur feuille de route reste la même : l’AVS à 67 ans et la baisse des prestations du 2e pilier.
Complémentaires, ces deux mesures prennent une importance particulière dans le contexte de crise de liquidités des banques.
Un besoin de complémentaires
Le sous-développement de l’AVS a toujours été une stratégie. Loin de permettre -pas plus avec les 40 francs de rente en 1948 qu’avec les 2320 d’aujourd’hui- « aux personnes âgées de se retirer de la vie professionnelle tout en jouissant d’une certaine sécurité matérielle » , les retraites de misère ont favorisé l’essor des caisses de pension fondées sur la capitalisation, le 2e pilier, qui permettent bien souvent de partir à la retraite avant l’AVS.
Le système est devenu obligatoire pour les salariés en 1982. Cela a favorisé la constitution d’une immense masse de capitaux qu’on estime officiellement à quelques 700 milliards de francs gérés par les banques et les compagnies d’assurance.
Aujourd’hui, l’élévation de l’âge de l’AVS et la détérioration des prestations du 2e pilier induisent à la constitution d’un 3e pilier, les deux premiers risquant de ne pas couvrir, ainsi que prévu par la loi, « 60% au moins du dernier salaire ». Largement défiscalisé, le 3e pilier permet un nouveau transfert de richesses vers les banques tout en asséchant les caisses publiques.
On prête aux riches
Evidemment, 700 milliards ça suscite des convoitises. Légalement, les instituts financiers qui gèrent ces capitaux sont tenus de respecter deux contraintes : le taux d’intérêt minimum et le taux de conversion.
Fixé par le Conseil fédéral, le taux d’intérêt minimum définit ce que les banques et assurances sont tenues de reverser aux caisses de retraite. Ce taux, qui était de 4% en 2002 encore, est aujourd’hui de 2%, quels que soient les rendements -3%, 5% ou même 12%- obtenus par les banques avec ces sommes qui nos appartiennent.
L’autre contrainte est représentée par le taux de conversion. C’est ce qui permet de déterminer le montant des rentes. Il est actuellement fixé à 6,8%. Donc, pour un avoir du 2e pilier de 100’000 francs, la rente annuelle minimum sera de 6800 francs. L’exigence patronale, relayée par Colette Nova, ancienne secrétaire de l’USS qui fait carrière à l’Office fédéral des assurances sociales, l’OFAS, est de réduire ce taux à 6,2%. Pour les retraité.e.s, la perte se chiffrerait à presque 9% ; pas pour les banques !
L’obligation faite par le Parlement aux caisses publiques de recapitaliser massivement va aussi dans le sens d’une plus grande mise à disposition de liquidités pour les banques et les assurances. Et ce sont, évidemment, les salarié.e.s -qui cotiseront plus et plus longtemps- et les retraités -qui toucheront moins- qui vont être mis à contribution pour favoriser la recapitalisation des caisses … et des banques.
Travailler plus longtemps pour faire échec aux banques ?
Le système des trois piliers est une vraie pompe à fric. A l’heure où banques et assurances traversent une crise de liquidités sans précédents, elles accentuent la pression.
Une fois de plus, la riposte n’est pas à la hauteur. Sans contester l’alarmisme patronal, du côté de l’Union syndicale suisse on prétend temporiser et miser sur une amélioration des rendements boursiers. D’autres dirigeants syndicaux, convaincus de la nécessité des baisses, proposent de les reporter sur les rentes les plus élevées par un système de vases communicants censés protéger les rentiers les plus faibles. [1], qui s’élève contre le projet d’élévation de l’âge de la retraite dans les services municipaux.]]
Face à ce système de captation des richesses et aux exigences patronales, ce ne sont pas des mesures d’accompagnement qu’il faut. La bataille qui s’impose est celle pour la réappropriation de ces centaines de milliards pour les mettre au service d’un système unique et solidaire de prévoyance vieillesse, pas pour renflouer les banques…
Paolo Gilardi