Les cinq années écoulées ont été des années noires pour le système de santé : franchises médicales, hausse des tarifs des mutuelles, déremboursement de médicaments, l’accès aux soins devient de plus en plus coûteux. Avec la loi Bachelot de 2009, complétant et aggravant les réformes hospitalières du précédent quinquennat, l’hôpital public voit sa place et ses moyens diminuer. Il doit devenir une entreprise rentable. Des « déserts médicaux » se constituent, la médecine générale attirant de moins en moins, tandis que les dépassements d’honoraires (hors tarifs de la Sécurité sociale) sont généralisés. Il ne faut pourtant pas s’y tromper, si Sarkozy devait être réélu, le pire serait à venir. La mise en place de la TVA antisociale à quelques semaines des élections confirme la volonté d’un « changement systémique », voulu par le Medef. Une « Sécurité sociale » financée par des taxes (et plus par des cotisations des employeurs) rembourserait seulement des soins minimum, l’assurance individuelle devenant prépondérante. L’hôpital public se cantonnerait aux soins aux plus pauvres et aux activités non rentables. La privatisation du système de santé et de la Sécurité sociale entrerait alors dans sa phase décisive.
Une première urgence : abroger les contre-réformes
La première urgence est donc à la fois de « dégager » Sarkozy, pour l’empêcher de nuire, et d’abroger l’ensemble des contre-réformes de son quinquennat : insistons, abroger, et non aménager comme le voudrait F. Hollande pour qui il est impossible de revenir entièrement sur les mesures que le PS a lui-même dénoncées. Il ne s’agit pas davantage de retourner à la situation antérieure, mais de faire de la santé une véritable priorité, c’est-à-dire de faire un choix politique : prendre dans la richesse produite la part nécessaire à l’accès de tous aux soins de manière socialisée (en fonction des besoins de chacunE et non de ses moyens).
Nos propositions pour la santé s’articulent autour de deux grands chapitres :
– Des soins de qualité gratuits pour tous, grâce à une Sécurité sociale les remboursant à 100 %,
– Un service public de santé assurant une réponse proche et de qualité sur l’ensemble du territoire.
Des soins gratuits pour tous
Il n’existe pas d’égalité devant les soins si l’accès aux soins n’est pas totalement gratuit. Nous défendons en conséquence la suppression des forfaits et franchises médicales, à la charge du patient, du forfait hospitalier, du ticket modérateur, et de tout dépassement d’honoraires médicaux, dans les cliniques, dans les lits privés à l’hôpital (qui doivent être supprimés) ou en exercice libéral. Le « secteur 2 » (à honoraires libres) ou le secteur « optionnel », censé encadrer les dépassements d’honoraires en les généralisant, doivent être interdits.
Tous les médicaments doivent être remboursés à 100 % sur prescription médicale s’ils ont une utilité thérapeutique, sinon ils ne doivent pas être produits. Les étrangers en situation régulière ou non doivent pouvoir accéder aux soins sans aucune condition particulière. Les 30 euros de péage pour obtenir l’aide médicale d’État (AME) doivent être immédiatement supprimés. Les contre-réformes libérales veulent réduire la part de l’assurance maladie (la Sécurité sociale) et augmenter la part des soins restant à la charge des malades et des assurances complémentaires. Nous voulons l’inverse : faire de l’assurance maladie la seule source de financement du système de santé.
Il existe certes une différence entre mutuelles à but non lucratif et assurances dont l’objectif premier est de rapporter des profits à leurs actionnaires. Nous sommes néanmoins hostiles à tout élargissement du rôle des assurances complémentaires, et notre perspective est leur disparition : une assurance complémentaire est une charge supplémentaire dans le budget des classes populaires, elle est source d’inégalités. Chacun prend la complémentaire qu’il a les moyens de s’offrir, à moins d’être obligé comme 8 % de la population d’y renoncer pour des raisons financières. L’existence d’une seule et unique Sécurité sociale est à la fois la seule garantie que personne ne sera laissé pour compte, et que chacun bénéficiera des mêmes soins quelles que soient ses ressources. Parler de soins gratuits n’est pas dire que la santé n’a pas un coût. C’est dire que la société décide collectivement de la part de ses richesses qui sera utilisée pour satisfaire ce besoin fondamental.
De l’hôpital public au service public de santé
Avec la loi Bachelot, la place de l’hôpital public se réduit. Grâce aux agences régionales de santé (ARS), les missions du service public sont transférées à la médecine libérale (maisons médicales), aux cliniques privées (pour les activités les plus rentables) ou au secteur médico-social associatif, pour des raisons d’économie. Nous voulons pour notre part maintenir le service public et lui donner les moyens d’exister, en accroissant les budgets hospitaliers, en mettant en place immédiatement un plan « emploi formation » de 120 000 postes pour les hôpitaux publics.
Au lieu de diminuer la place de l’hôpital public, nous voulons l’étendre par la création d’un service public de santé structuré en trois niveaux : des centres publics de santé sur tout le territoire, des hôpitaux de proximité et des centres hospitaliers avec un « plateau technique » complet.
La médecine générale attire de moins en moins les étudiants et les « déserts médicaux » s’étendent, conséquence de la liberté d’installation des médecins libéraux. Les disparités entre les régions sont criantes : un médecin pour 60 habitants en région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, un pour 400 dans le Pas-de-Calais. Le paiement à l’acte des médecins libéraux ne permet pas une prise en charge correcte des situations complexes, de la prévention, du suivi de pathologies chroniques.
Mais la contrainte ne résoudra rien et les « incitations » ont une efficacité réduite.
Le service public doit sortir de l’hôpital pour aller dans la ville. C’est pourquoi nous préconisons la création sur l’ensemble du territoire, et en particulier dans les « déserts médicaux », d’un réseau de centres de santé publics et gratuits, ouverts 24h/24.
Ce serait le lieu d’accueil des petites urgences, de la permanence de soins, ce qui désengorgerait les urgences hospitalières.
Ces centres devraient être pluridisciplinaires : médecins, mais aussi infirmières, kiné, psychologues… Ils seraient ainsi largement ouverts sur la cité et développeraient un travail de partenariat « en réseau » avec les professionnels libéraux, mais aussi les travailleurs sociaux, les services de maintien à domicile, les services municipaux, les élus, les associations de malades, la médecine scolaire. Ce serait le service public de santé de proximité, porte d’entrée pour les soins, mais aussi regard sur la politique de prévention dans la cité, autour des citoyens-usagers, des associations de malades, syndicats, élus, professionnels de santé…
Ces centres de santé, tout comme l’hôpital public, seraient financés par l’assurance maladie, ce qui garantirait l’égalité de traitement de tous, quel que soit son lieu d’habitation. Ils ne dépendraient pas du bon vouloir du financement de telle ou telle collectivité locale. Ce projet est bien différent des « maisons médicales » créées récemment, qui sont de simples lieux de consultations où les patients doivent faire l’avance des frais. Le second niveau serait composé des hôpitaux de proximité, en cours de destruction par la réforme Bachelot. Ces hôpitaux devraient au moins disposer d’un service d’urgence, d’un service de chirurgie et d’une maternité. Enfin, troisième niveau, des hôpitaux dont les hôpitaux universitaires ayant un plateau technique complet des grandes spécialités médicales. Pour assurer le recrutement de personnel médical là où les besoins existent, nous préconisons avec la suppression du « numerus clausus » [1], la création d’un statut de médecin en formation, rémunéré au Smic revendiqué, pendant toute la durée des études médicales, en échange d’un engagement à servir dans le service public, là ou la nécessité l’exige. Ce serait aussi le moyen de démocratiser les études médicales.
Quelle que soit l’issue des élections la mobilisation est à l’ordre du jour
Quel que soit le président élu le 6 mai prochain, la lutte pour ces exigences restera d’actualité et nécessitera la mobilisation. Même en cas de majorité « de gauche », il ne suffira pas au Parlement de quelques députés pouvant relayer la défense et l’amélioration du système de soin pour y répondre. L’expérience en 1981 d’un ministre de la santé du PCF prononçant d’excellents discours, mais cautionnant dans la pratique les mesures d’austérité contre la Sécurité sociale et l’hôpital mérite d’être rappelée. Dans la perspective de cette mobilisation, un acquis important pour l’organisation d’une mobilisation sur les questions de santé et de protection sociale est l’existence du collectif « Notre Santé en danger » composé de 120 associations, collectifs, syndicats et partis (dont le NPA). Ses exigences radicales inscrites dans son socle commun et l’initiative qu’il prend le 14 avril pour les faire entendre à la veille du scrutin sont des jalons importants pour préparer les luttes futures pour le droit à la santé.
Jean-Claude Laumonier