« Le mouvement en tant que tel, sans rapport avec le but final, n’est rien ; le mouvement comme fin en soi, n’est rien, c’est le but final qui est tout ». Rosa Luxemburg
1. Nouvelle époque, nouveau programme, nouveau parti. Ce triptyque reste valable, même si les voies vers un nouveau programme, et encore plus vers un nouveau parti ne sont pas dégagées clairement aujourd’hui. Un nouveau programme pour la transformation révolutionnaire de la société appelle, pour le soutenir et le mettre en œuvre, un parti anticapitaliste. Un parti écosocialiste, internationaliste. En vue d’une société socialiste, anti-productiviste, appuyée sur des structures économiques autogérées, une société de l’égalité des droits de toutes et tous. Démocratique, ce qui suppose la fin de l’ancienne machine étatique, et des possibilités réelles de contrôle populaire sur les instances représentatives élues. Où l’émancipation de chacun-e est la condition de l’émancipation de tous-toutes. Pour cela il faut un parti qui combine la bataille au sein des institutions bourgeoises, l’expérimentation sociale transformatrice, les mobilisations extra parlementaires. Ces dernières comme cadre prioritaire donnant la possibilité que « l’émancipation des travailleurs (soit) l’œuvre des travailleurs eux-mêmes » dans un affrontement inévitable avec un ennemi qui concentre le pouvoir économique, politique, idéologique et répressif.
2. L’explosion de la crise systémique du capitalisme, y compris sous son aspect écologique, nécessite une réponse globale à l’échelle de sa gravité, écosocialiste. En même temps, pour l’instant, les forces sociales qui se placent dans cette perspective demeurent très faibles. C’est une contradiction forte et constitutive de la période. Au rang des raisons principales, les effets de long terme de la chute de l’URSS et du stalinisme, ceux de l’effondrement de la social-démocratie, l’inefficacité des issues proposées par la gauche révolutionnaire. Au rang des raisons plus immédiates, en lien avec les précédentes, la sidération provoquée pour l’instant par la crise, atonie faisant elle-même suite à la longue litanie des échecs devant les offensives du capitalisme libéral. Il s’agit là d’une contradiction destinée à durer et qui ne pourra fondamentalement évoluer positivement que par l’entrée en lutte de secteurs plus nombreux et plus décidés de la population.
3. Ces deux premières considérations se combinent pour imposer la nécessité de tactiques spécifiques, qui puissent tenir compte de ces difficultés de moyen terme, sans perdre de vue l’objectif de bâtir des partis anticapitalistes influents. L’élaboration de ces tactiques nécessite une analyse adaptée de la période en termes de rapports de force entre les classes. Comme aussi une analyse des rapports de force politiques, en particulier à gauche de la gauche entre celles qui défendent une issue antilibérale prioritairement appuyée sur une stratégie électorale et celles qui cherchent une issue socialiste, et alors appuyée ou pas sur une stratégie révolutionnaire.
4. En ce qui concerne la France, la situation est marquée par la puissance du vote pour le FN. Loin que l’hypothèque soit levée comme l’espérait Mélenchon, elle est plus forte que jamais. Marine Le Pen s’est déclarée comme la seule réelle opposition à « la gauche ultra libérale ». Il n’est malheureusement pas exclu qu’elle puisse y prétendre sous l’effet du possible échec de l’UMP, de la recomposition de la droite qui ne saurait désormais être retardée trop longtemps, des effets négatifs prévisibles de la politique de Hollande, de la faiblesse de la gauche de la gauche et surtout, bien entendu, de l’atonie du mouvement social. L’existence et la force de cette menace ne peuvent plus être minimisées et doivent entrer à titre principal dans l’orientation à définir pour la gauche révolutionnaire.
5. La situation est marquée aussi par l’existence d’un camp social qui refuse la seule gestion respectueuse du capitalisme et de ses effets. Le dit camp est, depuis longtemps, à la recherche d’un correspondant politique. On a pu le constater dès les suites du mouvement de 95, puis par les succès électoraux de LO et de la LCR pendant 10 ans, par le puissant mouvement contre le TCE et les grandes mobilisations de 2010 sur les retraites, enfin autour de la candidature de Mélenchon avec une dynamique importante. Ce camp est marqué politiquement par la méfiance voire la rupture plus ou moins avancée avec la direction du PS, ceci depuis les expériences mitterrandiennes, aggravées par celle de la gauche plurielle. En son sein les influences réformistes et anticapitalistes prennent alternativement le pas, avec, ne pas l’oublier, une masse fluctuante, numériquement très majoritaire, qu’on ne peut avec certitude affecter à l’une ou l’autre option.
On en connaît les potentialités électorales, assez stables. Pour rappel, 13,81 en 2002 (mais avec une faible participation), 9 en 2007 et 12,82 en 2012, avec une participation relativement importante. Le reste est question de répartition. Comme quoi, contrairement à ce qu’on a entendu à satiété, « l’unité » n’a pas la vertu miraculeuse de la multiplication des pains. C’est loin donc de pouvoir prétendre à la conquête d’une majorité dans les urnes. Les illusions à ce propos sur le score possible du FG sont clairement démenties. Il se confirme ce que l’on sait depuis des décennies : les meetings ne font pas les votes. Et pas plus le soutien des cadres du mouvement social quand on se souvient que la population générale reste très loin de l’engagement syndical. Le « plafond de verre » qui limite la crédibilité, trop faible, des alternatives radicales à gauche s’est une de fois de plus matérialisé. Mais ce camp continue à avoir une forte capacité d’influer les mobilisations sociales quand elles se manifestent.
6. PC et PG sont et demeurent des partis essentiellement axés sur une conquête et une transformation graduelle des institutions bourgeoises par la voie des urnes.
Le PG affirme sa volonté de limiter fortement la puissance du capital, mais ne se bat pas pour le socialisme, en son sens minimal de l’appropriation collective des grands moyens de production et d’échange et de l’autogestion généralisée. Il est de plus marqué par un républicanisme constitutif [1]. Il a néanmoins connu jusqu’à maintenant un processus d’évolution vers la gauche. Avec en plus une réelle sensibilisation écologiste. Ça n’en fait pas pour autant un parti intermédiaire entre les options classiquement décrites comme révolutionnaires et réformistes, puisque son socle stratégique demeure prioritairement celui de la victoire électorale, pas celui de mouvements extra parlementaires qui poseraient par eux-mêmes la question d’un autre pouvoir, ni celui d’un affrontement avec le pouvoir d’État. On a pu le vérifier lors du dernier mouvement de 2010. Les stratégies portées par le PC et/ou le PG (évoluant vers la gauche pour ce dernier), sont en effet basées au final sur le terrain électoral et celui de la gestion/transformation des institutions bourgeoises en s’appuyant sur la mobilisation populaire uniquement comme adjuvant (révolution par les urnes ou citoyenne).
Même si tous les qualificatifs classiques demandent à être mis en discussion dans la période ouverte par la chute du mur et la globalisation capitaliste, on peut avancer donc qu’il s’agit là d’un réformisme de gauche. En ce qui concerne le PG il faut ajouter au tableau le mode de fonctionnement interne, mobilisé au service du projet très personnalisé de Mélenchon, et les liens construits ailleurs par ce dernier. Le PC, force de loin dominante du FG, porte la marque des années staliniennes (principalement au plan des modes de fonctionnement interne et externe, et de celui de la légitimation interne), comme celle du poids des élus et des hauts responsables syndicaux. Et ces deux éléments impriment toujours leur spécificité, même si c’est décroissant pour la première (racines historiques staliniennes), variable pour la seconde.
Ces stratégies électoralistes peuvent parfois être en adéquation avec le sentiment populaire dominant. Ceci est surtout un effet des échecs répétés des mouvements sociaux. Mais il n’en reste pas moins que ces stratégies sont des illusions, pour celles et ceux qui leur donneraient pour but de renverser réellement le système. Jamais, nulle part en Europe, elles n’ont produit une quelconque rupture fondamentale.
Les programmes que portent ces partis sont marqués aujourd’hui par un antilibéralisme radical. Comme les luttes réellement existantes (et que nous soutenons bien entendu) ont le plus souvent pour l’instant ce même horizon antilibéral, on constate par définition de larges plages d’accords avec notre propre programme d’urgence (par exemple celui adopté au Congrès du NPA, « sortir de la crise »). Mais, sans aucun risque de se tromper, on peut avancer que même ce programme antilibéral est impossible à réaliser avec une telle stratégie trop limitée. De plus des effets négatifs de ces choix stratégiques globaux se font et se feront sentir au quotidien des luttes, surtout si celles-ci posent avec une certaine ampleur la question d’un mouvement d’ensemble. C’est la grande absence, logique, de la campagne du FG : celle de la portée autonome du mouvement social (et des mouvements sociaux dans leur diversité).
Mélenchon fait bien mieux que ce qui lui était promis à l’automne. Mais moins bien évidemment que ce qu’espérait le FG. Finalement, la somme des pourcentages à gauche de la gauche est à son niveau de 2002. Une déception, et une nouvelle preuve qu’il n’est pas si facile de surmonter sur le seul plan électoral les échecs du mouvement social.
L’avenir maintenant. Mélenchon annonce, à juste titre, la nécessité de la résistance aux marchés qui ne manqueront pas d’attaquer même les faibles vélléités de Hollande. Mais comment, une fois les élections passées ? Dans le sillage des politiques menées par les directions des grandes confédérations syndicales ? Plus profondément encore, le partage des tâches, de type social-démocrate, entre le mouvement social, subordonné en fait sous couvert de « respect », et le « débouché électoral » comme visée principale, ce partage est au cœur du positionnement réformiste global, même de gauche. Enfin il faut noter les accommodements subséquents inévitables au jour le jour dans la gestion des collectivités locales avec le PS (plus pour le PC que pour le PG, mais difficile de juger pour ce dernier pour cause de faiblesse fondamentale de sa présence institutionnelle).
7. Cela dit, du fait de la permanence de la droite au pouvoir pendant plusieurs années ; du fait de l’échec de nombreuses tentatives de renverser les politiques libérales par des mouvements sociaux d’ensemble ; et enfin du fait des erreurs commises par les forces les plus à gauche (et encore la plus récente, liée aux positionnements fondamentaux inadaptés de la campagne de Philippe Poutou), le balancier est désormais du côté des secteurs les moins radicaux dans ce champ. On ne peut savoir combien de temps il en sera ainsi. De plus l’hégémonie conquise n’est jamais totale. Il en aurait été de même si l’influence de la gauche radicale avait été maintenue à un haut niveau. Elle non plus n’aurait pas été totale. La faiblesse globale de l’encadrement politique laisse inévitablement des zones importantes hors du corsetage par un parti, quel qu’il soit. En l’occurrence resteront hors de cette hégémonie nouvelle les secteurs, affaiblis, hostiles à tout front durable avec les options réformistes (comme ceux influencés par LO ou d’autres à l’intérieur du NPA). Mais aussi des secteurs sociaux divers : ceux heurtés par les conséquences du « républicanisme », ceux rétifs à toute politique « institutionnelle » (comme encore d’autres secteurs du NPA, et même si les mouvements Indignés sont faibles en France), et d’autres encore potentiellement, en particulier dans les quartiers populaires. Mais, comme l’a montré l’expérience du NPA, en l’absence d’une visée politique commune et tant que le mouvement des masses lui-même n’en impose pas une, ces secteurs demeureront hétérogènes. Influents par moments, mais trop faibles socialement et trop hétérogènes politiquement pour se constituer en assise solide pour une perspective marxiste révolutionnaire cohérente. Pour qu’il en soit ainsi, le choix politique doit d’abord commander. Pour toute une période à gauche de la gauche, ce choix est lié au positionnement global vis-à-vis de la gestion gouvernementale social-libérale. En alliance avec elle, hors d’elle ou contre elle.
A ce propos, les succès des options antilibérales radicales reposent encore à cette heure sur une ambiguïté, celle qui est liée à la question des relations nationales avec le PS. Encore renforcées par la limitation du score obtenu, qui augure de Législatives tout sauf faciles pour le FG. On peut enregistrer les annonces encore réaffirmées lors de la soirée électorale du refus possible de la participation au gouvernement (Mélenchon, mais aussi Buffet et Laurent). Position dont il faut attendre de voir si elle résistera ou pas aux Législatives. Mais il y a aussi la déclaration officielle et mûrie du même Laurent « Le PCF, Le Front de gauche mobiliseront le pays dans les semaines à venir pour donner plus de poids encore à ces propositions, pour faire élire une majorité de gauche à l’Assemblée nationale, avec le maximum de députés du Front de gauche. » « Majorité de gauche », voilà qui est choisi avec précision. Prudence donc. En tout cas, comme l’a toujours indiqué notre courant, c’est au regard de cette question que la manière dont se disposent les influences politiques recevra un nouvel éclairage.
8. En tout état de cause, une fois cet éclairage enregistré, il est possible que s’ouvre une nouvelle phase de recomposition/reconstruction de l’espace à la gauche du PS (avec la possibilité y compris d’entrée en crise de parties de l’écologie politique). Pas certain désormais compte du score, en partie décevant du FG. Mais la posture vis-à-vis du gouvernement PS, s’il existe, entraînera inévitablement des reclassements et, à moyen terme, la mise en évidence des difficultés que représente la stratégie électoraliste concrètement disponible. Soit elle se traduit par une nouvelle alliance avec le PS, et, dans des délais difficiles à prévoir, ce sont les promesses antilibérales elles-mêmes qui seront condamnées. Soit elle se traduit par le refus d’une telle alliance. Hors l’intermède très particulier des années 84-93 pour le PC, ce serait la première fois en 80 ans, et avec des conséquences inédites. En effet comment alors privilégier la voie électorale si la majorité réellement possible avec le PS est rejetée dans un horizon indéterminé ?
Une telle interrogation peut être contenue un temps par l’idée du dépassement électoral du PS. Une crédibilité faible toutefois pour les échéances électorales majeures, et qui ne sortira certainement pas renforcée du premier tour de 2012, loin de là. Sauf à une profonde relance du mouvement social, lequel ferait alors justement pression pour sortir du strict cadre électoral. Le mûrissement de cette question peut être lent, et de plus dépendant de l’avancée des luttes de masse contre les politiques d’austérité comme, plus profondément, des avancées dans l’élaboration d’une stratégie de rupture alternative. Mais elle sera motrice.
Si au final on fait le bilan de l’état du front de classes, déprimé ; des nécessités du combat qui va s’approfondir contre la crise systémique du capitalisme ; du danger pressant de la montée de l’extrême droite qu’il serait au plus haut point dangeureux de sous estimer ; de cette phase de recomposition/reconstruction qui peut donc peut-être s’ouvrir, le choix des marxistes révolutionnaires, même très affaiblis, doit être de se mettre en mesure de participer aux blocs politiques et sociaux avec les forces et secteurs qui seront dans le rejet de la politique de Hollande s’il l’emporte. Sinon on voit bien que le risque est que l’essentiel de l’opposition au gouvernement soit entre les mains du FN. Ceci sans perdre de vue la nécessité de reprendre le chemin vers un regroupement des anticapitalistes. En tenant de plus compte du bilan du NPA, de la crise de la forme-parti et des profondes modifications des conditions de l’engagement politique. Et ceci avec un rythme qui soit en phase avec la radicalisation renouvelée et espérée dans l’espace social plus général.
Le choix d’un bloc politique et social « anticrise », rejetant la politique d’austérité de gauche, doit s’accompagner déjà en tout état de cause d’un rassemblement idéologique séparé des partisans du marxisme révolutionnaire, indépendamment des choix politiques et organisationnels immédiats effectués par telle de ses parties (regroupement par exemple sous la forme d’une association liée à la 4e Internationale). Il nécessite surtout le regroupement organisé des partisans de l’écosocialisme et de l’anticapitalisme, sous des formes à préciser, mais qui devrait dans le meilleur des cas prendre celle d’une nouvelle formation politique. Ceci même si ces partisans sont très dispersés dans l’immédiat, avec les divers produits de la crise de la LCR, puis du NPA, les courants écosocialistes revendiqués (comme les Alternatifs ou le Moc), des secteurs de la Fase et d’autres encore potentiellement.
9. Même si cette orientation générale est choisie, elle n’indique pas par elle-même les choix immédiats qui en découlent. Dans tous les cas, on ne voit pas comment ça pourrait mener à considérer le PG tel qu’il est comme cadre de recomposition. Ce qui reviendrait en définitive à renforcer une stratégie électoraliste et républicaniste au service de la personne de Mélenchon, sans possibilité démocratique interne réelle.
Les choix, comme il est normal, dépendent de la visée d’ensemble, mais aussi des rapports de force concrets. Cependant il faut déjà tirer une conséquence de cette orientation : le lien devra être tissé avec l’ensemble des forces qui ne seront pas de la majorité Hollande. Donc y compris avec le PC s’il fait ce choix. En tout état de cause, sans entrer dans l’analyse de la manière, impossible à définir à l’avance, dont la question se présenterait, il faut envisager deux cas bien identifiés. Non qu’ils se réaliseront forcément, l’un ou l’autre, mais en ce qu’il peuvent servir de modèles théoriques limites. Ces deux cas sont les suivants : le PC (et donc le FG) ne participe pas à la majorité socialiste ; le PC (avec ou sans d’autres forces) en est.
10. Dans le premier cas il n’y a pas de doute que l’espace d’une recomposition sera celui d’un débat prioritairement avec le FG. Il est possible abstraitement d’imaginer le mener tout en restant extérieur au FG. En plus de la recherche classique de l’unité d’action, le NPA chercherait alors plus précisément le lien politique avec la base du FG en reconnaissant la dynamique particulière qu’il représente (débats à la base et au sommet, participation en tant que NPA aux activités de telle ou telle structures de base du FG si elles voient le jour). Ceci aurait l’avantage de conserver la stricte indépendance organisationnelle d’une force révolutionnaire (dont on sait d’expérience à quel point elle est difficile à retrouver une fois perdue). En considérant donc le FG plutôt comme une sorte de parti (co-dirigé par le PC et Mélenchon) plus que comme un véritable front diversifié. Ce choix paraît peu crédible d’un côté et erroné de l’autre. Peu crédible parce qu’il suppose de s’appuyer sur un NPA influent alors qu’il vient d’être brutalement réduit à un score résiduel. Un NPA solide aussi, uni, capable de finesse tactique entre ce qui est accepté et ce qui est rejeté en termes d’activités unitaires, ayant éliminé ou minorisé fondamentalement les dérives sectaires qui l’ont dominé cette dernière année. Rien de ceci n’est disponible dans un parti très affaibli en tout état de cause, et où l’influence des secteurs sectaires est désormais majeure.
Plus au fond (c’est le niveau principal évidemment) ce choix serait intrinsèquement contradictoire, reconnaissant une dynamique réelle autonome par rapport aux partis qui la dirigent, comme le besoin d’unité qu’elle représente, tout en restant à l’écart. Et ceci non pour des questions politiques fondamentales appréhendables par tout un chacun (la question des relations au PS si elle demeurait non résolue), mais uniquement pour des questions « de nature » (du PC, du PG, de Mélenchon) sans le sous bassement politique immédiatement et publiquement vérifiable. Et alors que l’hypothèque FN menace. On verrait les problèmes surgir dès que des alliances électorales se profileraient. Ensemble ? Mais alors pourquoi ne pas être dans le même front ? Séparés ? Donc concurrents. Mais alors sur quels éléments politiques et que faire de la jonction souhaitée par ailleurs ?
11. Il faut pousser la cohérence au bout et être en mesure de l’exposer clairement. L’objectif déclaré est de constituer un bloc anticrise, politique et social. Lequel comprendrait, du point de vue des formations politiques, toutes celles qui ne soutiendraient pas le gouvernement Hollande, et donc principalement le PG et le PC si c’est bien ce choix qu’ils font. Encore faut-il que ce choix conduise à une opposition réelle à l’austérité de gauche, avec comme traduction parlementaire le refus de voter la confiance que Hollande a affirmé vouloir demander d’emblée (et dit-il chaque année). La déception entraînée par les résultats du premier tour (non seulement celui du FG, mais sa combinaison avec celui du FN et la domination évidente du PS à gauche) rend tout ceci plus incertain encore. Et ceci s’étend à l’avenir organisationnel du FG en général (la volonté du PC de maintenir en priorité son appareil et ses élus sera d’autant plus forte).
Mais si le cas favorable se vérifie, les données concrètes comme les rapports de force existants font qu’il est difficile d’imaginer que ce bloc ne soit pas dans la prolongation du FG, même si le score qu’il a atteint est relativement décevant pour lui et réduira probablement sa dynamique. L’attraction militante est pour l’instant restée limitée. Ainsi le PC a annoncé un recrutement de 2500 nouveaux membres depuis janvier, le PG un gain de 3500 militants. Rien qui soit à la mesure de l’engouement soulevé. Il est possible que l’impossibilité de rejoindre directement le FG soit le frein le plus important, mais c’est à vérifier. En tout état de cause, le bloc ne doit pas rester un cartel de sommet, étroitement contrôlé d’en haut, comme c’est le cas pour le FG à ce jour. Ceci d’autant plus s’il s’étend comme c’est indispensable à des secteurs sociaux autonomes par rapport aux formations politiques. Il doit comporter une structuration pérenne à la base, ce qui va de pair avec la possibilité de collaborer à ce bloc par des adhésions directes, et la représentation de ces structures de base dans des instances locales et nationales. Enfin il faut permettre que le débat programmatique de fond soit repris et poursuivi, et pour notre part à partir du document « nos réponses à la crise ».
Reste la question destinée à être majeure de l’organisation de la mobilisation sociale prioritaire, hors des échéances électorales. Les divisions à ce propos n’ont évidemment pas disparu et celles qui sont apparues par exemple en 2010 ne sont pas soldées. Si la question des formes de lutte ne peut pas être un préalable (sinon autant dire que tout regroupement est à jamais impossible), elle sera l’enjeu d’un débat au sein du bloc. Dont les conditions doivent être sauvegardées avec en particulier l’autonomie d’initiative des forces les plus radicales à ce propos.
Les rapports de force pour engager ce débat et aboutir à ce bloc dépendront déjà du choix du NPA lors de sa conférence nationale si elle a lieu à l’issue de la séquence électorale. Les choses seront évidemment différentes si le NPA sort de sa politique étroite d’isolement ou s’il la confirme.
La question est ensuite : avec quels objectifs de moyen terme ? Que faire du « but final » ? Si cela se faisait, il s’agirait donc d’un rassemblement de nombre de positionnements divers, mais avec au moins deux pôles idéologiques bien caractérisés, anticapitaliste et réformiste, le second très largement dominant aujourd’hui. Compte tenu des rapports de force actuels, il sera probablement difficile d’influer beaucoup dans l’immédiat sur les questions de programme. La question porte plutôt sur les moyens de peser dans le futur. Un « troisième pôle », en ce qui concerne les formations politiques, donc à côté du PC et du PG, est une réponse possible et indispensable à cette question, regroupant les forces citées au point 8. Paradoxalement la relative limite manifestée par le score du 22 avril peut faire que les rapports de force soient moins déséquilibrées pour ce pôle qu’initialement imaginées.
Ce pôle reste problématique, puisque non seulement y seront en discussion des questions stratégiques délicates, mais de plus, dans certains départements du pays et certains domaines, les pratiques politiques effectives des secteurs constituants peuvent apparaître tout sauf convergentes. C’est donc un espoir encore fragile. Et ça n’a de sens de plus que si ce n’est pas un « front dans le front », mais une formation commune, ce qui hausse encore le niveau d’exigence, lequel ne peut se résumer à un « ni PC ni PG ». Mais malgré toutes les difficultés prévisibles, c’est la voie à suivre, la recherche obstinée du regroupement d’un courant globalement anticapitaliste.
13. L’autre cas théorique est celui où le PC est au gouvernement (lui en particulier, mais il n’est pas exclu que cela concerne aussi d’autres), ou décide de voter positivement à la question de confiance posée par le gouvernement installé par Hollande, même dans le cas où PS/EE auraient une majorité absolue. Certes les déclarations actuelles ne vont pas en ce sens, mais c’est une possibilité à prendre en compte, les déclarations du jour ne donnant pas la vérité du lendemain. Dans ce cas, la ligne générale doit demeurer la même, mais dans des conditions nettement modifiées des rapports de force. Du point de vue global il faut bien prendre conscience de l’affaiblissement drastique que cela signifierait pour une nécessaire opposition de gauche. Laquelle serait passablement isolée dans un premier temps.
D’un autre côté, le rapport de force dans le camp résiduel qui y souscrirait serait nettement plus équilibré en faveur des options marxistes révolutionnaires. Dans ce cas le FG devrait connaître de fortes tensions. Même s’il survit il ne sera évidemment pas question dans ces conditions de le considérer comme interlocuteur privilégié, puisque alors sa fonctionnalité serait de maintenir un lien organique entre la gauche de la gauche et le gouvernement. Mais pour le reste, les mêmes objectifs restent valables : un pôle anticapitaliste, inclus dans un bloc « anticrise » politique et social dans l’opposition au social-libéralisme hollandais, dans lequel soit assurée la possibilité démocratique d’existence de courants, dont le courant écosocialiste et une voie d’adhésion directe.
Samy Johsua