Le FN a proposé de parquer les personnes vivant avec le VIH, qu’il tient pour contagieuses, dans des « sidatoriums ». Marine Pen défend le pape dans sa croisade obscurantiste contre les préservatifs. Elle s’en prend aux étranger(ère)s, aux précaires, aux malades, aux LGBT (lesbiennes, gaies, bi(e)s et trans), et à de nombreuses autre minorités, qu’elle cherche à opposerentre elles. La politique que défend le Front national est incompatible avec la liberté, l’égalité, la fraternité, mais aussi la lutte contre le sida et les enjeux de santé. Quelle prévention du VIH réaliser auprès des populations les plus exposées dans un cadre politique qui les stigmatise, les réprime, les enferme ?
Ce cadre, nous le connaissons déjà en grande partie. Cela fait longtemps que l’UMP applique la politique du Front national : multiplication des propos racistes, xénophobes, sexistes ou homophobes ; délire sécuritaire qui attente aux libertés publiques et compromet les actions de prévention auprès des usager(ère)s de drogues, des prostitué(e)s ou des étranger(ères)s ; mise en avant de la prison et de l’enfermement comme seule réponse à tous les « problèmes de société », au mépris de la catastrophe sanitaire qui se déroule au sein du monde pénitentiaire, des personnes gravement malades sans soins de qualité, des nombreux décès ; et bien sûr application décomplexée du principe de préférence nationale aux politiques de santé.
Le parti de Nicolas Sarkozy a ainsi rendu l’Aide médicale d’Etat, la couverture maladie réservée aux sans-papiers, payante. Cette mesure discriminatoire est une entrave supplémentaire à l’accès au système de santé, notamment au dépistage et à la prise en charge précoce. De même, l’UMP a démantelé le titre de séjour pour soins obtenu de haute lutte par les associations en 1998. Dorénavant, grâce à Nicolas Sarkozy, on peut condamner à mort des personnes malades en les expulsant dans des pays où elles n’auront pas accès aux soins. Oui, sur la santé, comme sur bien d’autres sujets, le FN et l’UMP mènent les mêmes combats.
D’ailleurs, quand Le Pen père estimait que nous, personnes vivant avec le VIH, étions contagieuses, donc dangereuses, Nicolas Sarkozy, lui, maintient une discrimination à notre égard qui repose sur le même raisonnement : il a refusé de lever l’interdiction de soins funéraires qui pèsent sur nous, qui nous oblige à enterrer nos proches dans des conditions indignes, parfois dans des états de décomposition avancée. C’est pourquoi nous avons appelé le président sortant le candidat de la putréfaction.
Si nous faisons les comptes des votes Le Pen, Sarkozy et Dupont-Aignan, ce sont 48 % des votant(e)s qui, pour une raison ou pour une autre, ont donné leur soutien à des partis qui prônent la haine des minorités, stigmatisent les malades, les étranger(ère)s, les précaires, les LGBT, les drogué(e)s, les putes, les prisonnier(ère)s, et tant d’autres. Or, nous en sommes. Et si ce n’est pas nous, ce sont nos frères, nos sœurs, nos amant(e)s, nos maîtresses, les personnes avec qui nous travaillons, nos voisin(e)s, ou des inconnu(e)s.
Pour toutes ces raisons, nous appelons sans équivoque à en finir avec Nicolas Sarkozy. Or, cela ne sera possible que si le débat publique de l’entre-deux tours se polarise autour d’enjeux fondamentaux : les droits des personnes, la santé, le logement, les revenus, la qualité de vie. Cela implique que François Hollande rompe avec son discours abstrait, et s’engage concrètement contre tout ce que représente la droite extrême. Le candidat socialiste n’en prend pas le chemin.
Prenons l’exemple des franchises médicales. Cette mesure adoptée par l’UMP stigmatise les malades et les personnes handicapées, en les désignant comme coupables des déficits publics - une rhétorique en elle-même démagogique et d’extrême-droite. François Hollande refuse aujourd’hui de promettre concrètement son abolition dès les premiers mois de son mandat, laissant entendre qu’il veut d’abord assainir les comptes publics. Ce faisant, il donne raison aux partisans des franchises qui estiment que nous coûtons trop chers. Nous ne sommes que l’une des variables d’ajustement d’une logique économique à courte vue et sans considération des enjeux de santé publique.
Or François Hollande n’a aucune raison d’opposer les logiques budgétaires à nos vies et nossantés. Il peut par exemple diminuer drastiquement le prix éhonté des médicaments (donc s’enprendre aux actionnaires de l’industrie pharmaceutique plutôt qu’aux personnes handicapées qui gagnent à peine 700 euros par mois avec l’Allocation adultes handicapés). Cette mesure rapportera bien plus que les franchises. Il peut aussi intégrer les sans-papiers dans la CMU, ce qui permettra à la fois l’amélioration de l’accès aux soins, mais aussi des économies importantes, comme l’ont montrée les associations, des administrations comme l’IGAS ou l’IGF ou encore... des parlementaires socialistes. Et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres des apories du programme actuel de François Hollande, de son incapacité chronique à s’abstraire des discours démagogiques de la droite extrême, et à opposer à nos demandes pragmatiques, raisonnées, argumentées, des fin de non-recevoir purement idéologiques.
Il est temps que le PS tire des leçons de ses erreurs passées, qu’il en finisse avec son mépris vis-à-vis du mouvement social et qu’il s’affranchisse du discours de la droite sur la sécurité, l’immigration, les logiques budgétaires. Pour en finir avec Sarkozy, François Hollande doit réagir à gauche. Il en va de nos santés, de nos droits, de nos vies.
Arthur Vuattoux, vice-président d’Act Up-Paris