Monsieur le Président [d’ACDN],
Vous m’interrogez sur le désarmement nucléaire et plus précisément sur cinq engagements précis afin de savoir s’ils font partie de mon programme présidentiel.
Je souhaite auparavant vous préciser dans quel cadre je prendrai les décisions concernant la politique internationale de la France.
Créer les conditions de la paix passe par l’organisation de la sécurité collective et du désarmement. L’action de la France doit être guidée par notre participation à la coopération internationale et fondée sur la solidarité des luttes sociales en Europe et dans le monde, la défense des droits de l’homme et en particulier le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes en opposition avec le droit d’ingérence. Il s’agit de réaffirmer la seule légitimité des Etats souverains en matière de politique internationale. Cette conception des relations internationales fondée sur les États-nation impose de conforter la puissance de la France, c’est-à-dire sa capacité à infléchir la volonté d’autrui. C’est la résultante de sa capacité économique, son potentiel scientifique et technologique, mais aussi sa capacité militaire. La France doit exercer pleinement sa souveraineté au service de la paix.
Le programme du Front de Gauche est très clair : « La France rompra avec l’alignement libéral et atlantique, la politique de la force et d’intervention militaire, et avec les logiques de puissance pour agir en faveur de la paix, du règlement des conflits et du rétablissement du droit international. Nous agirons pour la dénucléarisation, pour le désarmement multilatéral. » C’est donc bien dans le cadre d’une négociation multilatérale que nous entendons tendre vers le désarmement nucléaire.
Je conduirai une politique très active en faveur du désarmement multilatéral et je m’engage à proposer, ainsi que vous le demandez, aussitôt au nom de la France, aux autres États nucléaires, signataires ou non du Traité de Non Prolifération, d’ouvrir des négociations en vue d’éliminer toutes les armes nucléaires, sous un contrôle strict et efficace et dans le cadre d’un véritable système de sécurité internationale.
Vous me proposez également de consulter dans les plus brefs délais le peuple français par référendum sur la question de l’élimination complète des armes nucléaires. Le programme du Front de Gauche précise comment nous voulons renforcer et amplifier la souveraineté directe du peuple. La démocratie participative sera inscrite dans la Constitution. Le référendum, ou toute autre forme d’intervention populaire directe, pourra être initié par voie de pétition réunissant en pourcentage conséquent de la population. Le recours au référendum est donc un instrument de l’implication populaire permanente auquel je suis très attaché. Ma position est claire sur le désarmement nucléaire multilatéral. Dans ce cadre, la convocation d’un référendum pourrait permettre de la renforcer face aux forces réactionnaires qui soutiennent le statu quo, tant en matière de dissuasion que de nucléaire civil.
Je continue cependant à être opposé à un désarmement unilatéral. En effet, la dissuasion est la garantie ultime de la sécurité et de l’indépendance de la France. Elle a pour objectif d’empêcher tout Etat de croire qu’il pourrait porter atteinte aux intérêts vitaux de la nation sans s’exposer à des risques pour lui inacceptables. Elle doit s’en tenir à la juste suffisance. Au fur et à mesure de la réduction des arsenaux nucléaires notamment des Etats-Unis et de la Russie, la France réduira le nombre de têtes nucléaires.
Vous me demandez de m’engager à suspendre la mise en service de nouveaux armements nucléaires tels que le 4e SNLE-NG, le missile M51, le missile ASMP-A. D’autres décisions significatives peuvent être prises pour démontrer ma volonté de désarmer, tel que l’abandon d’une des deux composantes de la dissuasion ou réduire les crédits consacrés à la dissuasion. Il s’agit de prendre des décisions qui ne mettront pas en défaut la posture de la dissuasion afin qu’elle demeure crédible tout le temps pendant lequel les négociations sur le désarmement nucléaire dureront. De la même façon, je ne peux m’engager à ne jamais utiliser d’arme nucléaire contre quelque peuple que ce soit, cet engagement serait de mon point de vue contre-productif pour la cause de la paix que je défends.
Je vous prie de croire, Monsieur le Président, en l’expression de mes cordiales salutations.
Jean-Luc Mélenchon