Le séisme qui a ravagé l’île laisse derrière lui des milliers de victimes et de sans-abri. Une nouvelle fois, les autorités ont bien du mal à réagir.
En début de semaine, alors que l’aide extérieure tardait encore, les survivants du séisme du 27 mai prenaient des mesures désespérées. Mardi, on recensait 5 130 morts à Jogjakarta [ville proche de l’épicentre] et dans le centre de Java, et les équipes de secours - parfois coordonnées par l’armée mais le plus souvent improvisées par la population - recherchaient toujours des rescapés parmi les ruines.
Pour les survivants, la situation est terrible. Sous un déluge incessant, ils doivent trouver des refuges de fortune, se plaignant d’être oubliés. A défaut d’autres abris, certains se sont installés dans des enclos à bétail, tandis que d’autres mendient de la nourriture auprès des passants. Le tremblement de terre, d’une intensité de 6,3 sur l’échelle ouverte de Richter, aurait fait près de 200 000 sans-abri.
Ils ont mis en commun le peu de vivres qui leur restaient et ont partagé leurs repas. “Sans aide, nos réserves de nourriture seront épuisées d’ici deux jours”, estime Singgir Kartana, un habitant du village de Samen, dans le district de Bambanglipuro, situé dans la préfecture dévastée de Bantul. Les routes de la région sont parsemées de tentes en plastique. Ici, plus de 3 000 personnes ont trouvé la mort, et beaucoup d’autres ont vu leurs foyers rasés par la catastrophe. Les habitants ont lutté contre les violentes précipitations pour construire un abri plus grand, qui puisse loger davantage de gens.
“Hier, nous vivions sous une tente toute simple, avant de nous installer dans une étable, à cause de la pluie”, poursuit Singgir, qui ajoute que près de 450 maisons ont été détruites dans son village. Même ceux dont les habitations n’ont pas été détruites préfèrent rester à l’extérieur. “Je ne tiens pas à rentrer, je suis traumatisée”, ajoute Mme Wiji, âgée de 70 ans, qui s’est retrouvée enfouie sous des gravats avec Kiri, sa petite-fille de 18 ans, avant d’être secourue. Elle fait désormais partie d’un groupe d’une centaine de personnes qui vivent dans un abri improvisé à ciel ouvert, dans les rizières voisines. Leur angoisse n’a fait que croître quand le mont Merapi, le volcan qui se trouve au nord de l’épicentre du séisme et qui donne des signes d’agitation depuis des semaines, a redoublé d’activité, lundi.
Idham Samawi, le préfet de Bantul, a présenté ses excuses pour la lenteur de l’aide, qu’il attribue à un manque de personnel. Il a promis que chaque district recevrait 5,5 tonnes de riz, 300 caisses de nouilles instantanées et 100 caisses d’eau en bouteilles. Débordés, les hôpitaux doivent traiter cinq fois plus de patients que d’ordinaire. Ils ont réclamé davantage de personnel et d’équipements pour soigner les milliers de blessés qui se bousculent dans leurs locaux. D’aucuns craignent des épidémies face à ce manque cruel de moyens.
En attente de l’aide internationale
Le vice-président de la République Jusuf Kalla a affirmé, à l’issue d’un Conseil des ministres le 28 mai, que l’état d’urgence serait déclaré pendant trois mois dans les régions touchées. Le gouvernement espère avoir totalement reconstruit d’ici un an. D’après Kalla, qui dirige l’Agence nationale de gestion des catastrophes, les autorités escomptent que l’aide étrangère représentera la moitié du budget total pour les opérations de secours d’urgence et de reconstruction. Le budget actuel est évalué à environ 107,5 millions de dollars [83,6 millions d’euros] sur un an.
La communauté internationale a promis d’envoyer des financements d’urgence, de la nourriture et des équipes de secours. Les Etats-Unis, la Chine et l’Australie se sont engagés à hauteur de 2 millions de dollars chacun. L’Arabie Saoudite a été le donateur le plus généreux, avec une promesse de 5 millions de dollars. La Corée du Sud et Singapour ont dépêché des équipes médicales ce week-end. L’Inde, la France, l’Afrique du Sud, la Thaïlande, l’Allemagne, les Pays-Bas, le Pakistan et l’Espagne ont aussi offert leur aide. Des renforts internationaux sont déjà arrivés dans la zone sinistrée, dont une équipe de recherche et de sauvetage de Taïwan et une équipe de 87 secouristes malaisiens.
En dépit du besoin pressant d’assistance, les habitants sont parfois invités à respecter les procédures administratives pour recevoir une aide. “Je me suis rendu au bureau du district, mais on m’a demandé de formuler une proposition”, se lamente Sunardi, un habitant du hameau de Jetis, près du village de Canan, dans la préfecture de Klaten. “Nous ne savons pas comment faire ça.” Aussi les gens de la région se sont-ils mis à arrêter les convois d’aide sur les routes pour leur demander l’aumône. “Nous faisons tout cuire avec beaucoup d’eau pour qu’il y en ait assez pour tout le monde.”
Encart
SECOURS
Une population solidaire et un Etat absent
Frappés par la troisième catastrophe naturelle de grande ampleur en moins de dix-huit mois, les Indonésiens attendaient toujours, trois jours après le séisme du samedi 27 mai, l’arrivée de l’aide gouvernementale. En décembre 2004, le tsunami avait fait près de 170 000 morts dans la province de Banda Atjeh. Trois mois plus tard, les villages de l’île de Nias étaient dévastés par un tremblement de terre. C’est aujourd’hui Jogjakarta, centre culturel de l’île de Java, qui a été touchée. Le séisme a laissé les citoyens de la ville en état de choc, selon le journal indonésien Kompas. La solidarité supplée à la lenteur des pouvoirs publics. Des milliers d’habitants participent à la distribution de l’aide dans les villages les plus éloignés, en faisant eux-mêmes les courses dans les magasins, ou en achetant des cartons d’huile, de nouilles à cuisson instantanée et de lait en poudre. Personne ne comprend l’immobilisme du gouvernement, dont les entrepôts regorgent de vivres que la pluie endommage depuis trois jours.