La proposition de loi du KKE
Le KKE (Parti Communiste de Grèce) a déposé le 12 juillet au parlement un projet de loi qui prévoit l’annulation des deux accords de prêts ainsi que l’annulation des deux mémorandums signés entre le gouvernement grec et la troïka (la Banque Centrale Européenne, la Commission Européenne, Fond Monétaire International). De plus, le projet de loi prévoit l’annulation de toutes les lois votées par le parlement grec en application de tous ces accords depuis 2010 [http://www.kke.gr/nom_ergo_-_protaseis_nomoy/katarghsh_ton_mnhmoniontoy_mesoprothesmoy_plaisioy_dhmosionomikhs_strathgikhs_kai_ton_efarmostikon_toys_nomon-kataggelia_ton_daneiakon_symbaseon_poy_exoyn_os_proapaitoymeno_thn_efarmogh_ton_mnhmonion?act=2&morf=1&tab=1]].
Ces lois prévoyaient des diminutions successives des salaires, des pensions de retraite et des différentes allocations (allocations de chômage etc.). De plus, dans ces lois figurent la fin des conventions collectives et la dérégulation totale du marché du travail grec. Des attaques spécifiques contre les jeunes salariés tels que le plafonnement du salaire pour les moins de 26 ans etc. était aussi instauré. Ces lois prévoyaient également l’application d’une nouvelle taxe foncière exceptionnelle. Elles accélèrent la casse du secteur de la santé et du système de retraite par répartition. Des privatisations de l’ordre de 50 milliards d’euro sont aussi prévues en application de ces accords. Une vente aux enchères de toute la richesse publique est orchestrée. Les privatisations concernent le domaine de l’énergie, des télécommunications, les compagnies des eaux, le domaine du transport ferroviaire, les ports, les aéroports et plusieurs bâtiments publiques. Ces accords sont une violation directe de la souveraineté nationale et populaire du pays.
En résumant ce projet de lois prévoit l’annulation de plusieurs lois ou d’articles des lois appliquant des mesures qui ont détruit et continuer encore à détruire la société grecque.
Le KKE dépose ce projet de loi comme il l’avait promis lors de la période électorale. La parole est maintenant aux autres partis et surtout aux partis qui se définissent comme des partis anti-mémorandum c’est-à-dire le SYRIZA et les Grecs Indépendants (G.I.) [1]. Ces partis devront se prononcer s’ils voteront (totalement ou partiellement) ou pas le projet de lois du KKE. Lors de la présentation du projet de loi par la secrétaire général du KKE, le 13 juillet, elle a déclaré [2] : « Nous les (le SYRIZA et les G.I.) appelons à voter pour notre proposition. Si c’étaient eux qui avait déposé le projet de loi en première on aura voté ! Peu importe qui a fait la proposition de loi ».
A noter que même si tous les partis de l’opposition (y compris l’aube dorée) votent ce projet de lois cela recueillerait au mieux 123 voix. Afin que le projet de loi puisse passer, au moins 151 voix sont nécessaires sur un total de 300. Cela signifie qu’en réalité il y a très peu de chances que le projet de loi de KKE passe.
La position des autres
Les Grecs Indépendants
Les G.I. ne sont pas encore officiellement prononcés sur la proposition du KKE. Le groupe parlementaire des G.I. a prochainement une réunion pour discuter de cela [3].
SYRIZA
De son côté SYRIZA, le jour de la présentation du projet de loi le 13 juillet, a publié un communiqué [4] disant : « le KKE avec ce projet de loi adhère enfin sur la logique politique de SYRIZA en mettant la ligne de démarcation entre les forces politiques du pays autour de la question du mémorandum ». SYRIZA ajoute : « si le KKE avait accepté plus tôt cette politique ainsi que notre proposition pour la constitution d’un large front (électorale) antilibéral et anti-mémorandum le gouvernement de la gauche aurait pu être réalisé à l’issue du 17 juin. Néanmoins, nous notons que, même avec retard la réalisation (par le KKE) que le dilemme mémorandum/anti-mémorandum est bien réel, est une avance positive ». Le communiqué s’achève avec la phrase suivante : « Nous procéderons au parlement et en dehors du parlement comme avant les élections en exigeant l’annulation du mémorandum et des lois votées à son application, pour la renégociation de la dette afin d’obtenir l’annulation de la plus grande partie de cette dette dans le cadre d’une solution globale au niveau européen » (Telles étaient les positions défendues par SYRIZA lors de la période électorale).
Le 16 Juillet, le porte parole de Synaspismos (composante principale de SYRIZA) M. Skourletis a été interviewé [5] sur la question. Tout d’abord il a répété la déclaration précédente et il a précisé que concernant l’annulation des lois votées en application du mémorandum « SYRIZA les soutiendra » (SYRIZA soutiendra les propositions du KKE pour l’annulation de ces lois-là). Il a rajouté que « SYRIZA ne partage pas la vision du KKE concernant une sortie de la crise et surtout la perspective d’un éloignement de l’U.E. comme réponse à la crise » et par conséquence il a ajouté que « pour SYRIZA son positionnement autour de la proposition de loi du KKE reste ouvert en fonction de la façon dont le projet de loi sera formulé » et il a ajouté que « SYRIZA soutiendra chaleureusement les points où il peut y des positions communes » (avec le KKE). Il a aussi souligné que SYRIZA a déposé un projet de loi quelque part similaire proposant l’annulation de toutes les lois qui prévoyaient les diminutions appliquées au SMIC et l’annulation des lois de dérégulation du marché du travail depuis 2010 suite à l’application du mémorandum.
Il est intéressant de noter que Skourletis fait une différence marquée entre les lois en application du mémorandum et le mémorandum en soin. Ceci est assez nouveau. La différenciation entre les mémorandums et les accords de prêts est systématiquement effectuée par SYRIZA depuis le lendemain du premier scrutin électoral le mois de mai. De plus, il relance la question des relations avec l’U.E. (sujet clivant au sein de la gauche grecque) alors que la proposition du KKE ne parle pas du tout de ce sujet. La proposition de loi du KKE concerne l’annulation des mémorandums, des accords de prêt et des lois en application des mémorandums. Il est aussi curieux d’écouter Skourletis dire que SYRIZA examinera la question « en fonction de la façon dont le projet de loi sera formulé » sachant que la proposition du KKE a été publiée depuis le 12 juillet et présentée en conférence de presse par la secrétaire générale du KKE le 13 juillet. La proposition du KKE ainsi que « la façon dont le projet de loi est formulé » est donc bien connue à tous les partis politiques.
Autrement dit, SYRIZA semble hésitant concernant le vote du projet de loi du KKE.
ANTARSYA
De son côté ANTARSYA (coalition de la gauche anticapitaliste) n’a pas besoin de se prononcer sur un éventuel soutien parlementaire du projet de loi du KKE puisque il ne dispose pas de députés. Néanmoins, la décision [6] du 14 juillet de l’organe de coordination national d’ANTARSYA se prononce pour « l’organisation d’une grande grève et d’une grande campagne unitaire pour exiger l’annulation immédiate de toutes les lois votés en application des mémorandums ». ANTARSYA maintient évidement ses positions sur l’annulation des mémorandums, des accords de prêt signé avec la troika et sur l’annulation de la dette.
Le mouvement syndical
Du côté du mouvement syndical et sociale, le conseil général de l’ADEDY, le syndicat des fonctionnaires du publique [7], a décidé de demander à tous les partis politiques de soutenir le projet de loi de KKE. ADEDY est un syndicat contrôlé exclusivement jusqu’à il y a pas très longtemps par le PASOK. Il s’agit d’une structure bureaucratique qui a contribué aux défaites de plusieurs luttes des fonctionnaires depuis le milieu des années 1980. La décision d’ADEDY [8] dit « ADEDY continue son combat et appelle à soutenir toutes les initiatives politiques, sociales, parlementaires etc. pour le renversement de cette politique » (c’est-à-dire de la politique des mémorandums, des accords de prêt avec la troika et des lois votées en application des mémorandums etc.). L’adoption par le conseil général d’ADEDY de cette décision en faveur du projet de loi du KKE a été possible grâce aux voies des syndicalistes du KKE (PAME), des syndicalistes de SYRIZA, des syndicalistes d’ANTARSYA et une parti des syndicalistes du PASOK qui siègent au conseil général d’ADEDY [9]. Malheureusement, cette décision qui est très importante n’a pas du tout été mise en avant de la scène médiatique, politique et sociale ni par les médias du KKE (journal, télé et radio du KKE) ni non plus par les média de SYRIZA (journal et radio de SYRIZA ainsi que site internet, blog etc. proche de SYRIZA). Des reportages très brefs ont été consacrés par tous ces média à cette décision d’ADEDY.
Sur la voie des clarifications ?!
Il est important à noter que le vote autour de ce projet de loi sera peut-être une occasion afin que SYRIZA clarifie ses positions autour de l’annulation du mémorandum. Plusieurs cadres de SYRIZA qui sont maintenant députés avaient effectué plusieurs déclarations très ambiguës autour de la question de l’annulation du mémorandum. Plusieurs formulations ambigües ont été employées comme « renégociation du mémorandum », « annulation politique mais pas annulation juridique du mémorandum », « nous ne ferrons aucune action unilatérale » [10] etc. jusqu’au moment où Tsipras a déclaré que SYRIZA est favorable à l’annulation du mémorandum mais sans donner plus de précisions.
Il s’agit d’une occasion pour SYRIZA mais aussi pour les G.I. de montre par des actes leur volonté d’annuler le mémorandum, les lois votées à son application ainsi que les accords de prêt signés entre la troika et le gouvernement grec.
De plus, pour SYRIZA il s’agit d’une occasion idéale de mettre en application sa conception unitaire et démarrer une « coopération » avec le KKE la deuxième grande composante de la gauche grecque. Il est à noter que le KKE a toujours eu un comportement sectaire et il n’a quasiment jamais voulu faire des gestes unitaires envers aucun autre parti en Grèce.
Conclusion
Nous avons l’impression qu’en ce début des vacances le temps politique et les discutions s’accélèrent au sein de la gauche grecque et au sein du bloc parlementaire anti-mémorandum.
Il s’agit d’une affaire très intéressante qui mérite d’être suivie parce qu’elle nous révélera, à notre avis, d’une part la volonté des partis politiques anti-mémorandum à annuler (ou pas… ?!) tous les accords qui littéralement assassinent la société grecque ainsi que la volonté (ou pas… ?!) des partis de la gauche pour une/des action(s) unitaire(s).
Foivos Marias