Le documentaire « Femme de la rue » de Sofie Peeters - sur les agressions sexistes dont les femmes sont victimes - a été qualifié d’« utile mais problématique » par les féministes de l’association « Garance » [1]. « Utile » parce que ce « coup de gueule » met en lumière « des situations qui pourrissent la vie de bien des femmes ». « Problématique » parce que, indépendamment des intentions de l’auteure, le film pointe du doigt une catégorie de la population mâle : les hommes d’origine maghrébine. Du coup s’ouvre dans les médias un « débat » biaisé et malodorant, bien dans l’air du temps... L’agression sexiste serait un phénomène « nouveau », lié à « une certaine culture » qui, en alimentant la « frustration sexuelle », menacerait les droits des femmes et les placerait devant ce choix : « s’adapter ou partir » de certains quartiers.
Au seuil d’une campagne électorale communale dans laquelle les thèmes amalgamés de « l’insécurité » et de « l’immigration » joueront un rôle central, les politiques ne pouvaient que sauter sur l’occasion.
Celle-ci leur permet en effet de détourner l’attention de leur impuissance face à la crise et de l’insécurité sociale qu’ils aggravent. Ainsi, la ministre de l’Intérieur s’est empressée d’annoncer un tour de vis répressif, avec des amendes pour propos sexistes. Face à tout cela, le texte de « Garance remet fort justement les points sur les »i« : oui, ce que Sofie Peeters décrit existe, est inacceptable et doit être dénoncé ; non, il ne s’agit pas de »culture« ni de »frustration sexuelle« mais d’une construction de la masculinité comme prise de pouvoir des hommes sur les femmes (une construction machiste qui imprègne aussi »notre culture« , comme le montre l’utilisation du corps des femmes comme objet publicitaire) ; oui, il y a d’autres choix pour les femmes que »s’adapter ou partir" ; et non, la répression n’est pas une solution.
Au-delà de cette mise au point salutaire, il nous semble nécessaire d’élargir et d’approfondir encore le propos, en dénonçant le lien entre patriarcat et capitalisme. Car le capitalisme, en tant que successeur d’autres systèmes d’exploitation et d’oppression qui l’ont précédé, et qui étaient tous patriarcaux, est « nécessairement patriarcal dans sa genèse et dans ses différentes étapes », comme l’écrit Sylviane Dahan [2]. Dès lors, s’il est vrai que le sexisme est loin d’être un phénomène nouveau, il est vrai également que la volonté du système de surmonter sa crise sur le dos des exploité-e-s et des opprimé-e-s ne peut qu’aller de pair avec une intensification, partout manifeste, de la violence sociale contre les femmes. Donc avec une remise en cause des acquis qu’elles ont engrangés par leur mobilisation. C’est pourquoi, les femmes doivent selon nous lutter en tant que femmes contre l’oppression patriarcale spécifique dont elles sont victimes, et en plus inscrire leur lutte autonome dans le cadre plus large d’un projet anticapitaliste.
LCR-Web