La presse de la dernière semaine a été remplie d’annonces et de débats sur la fameuse taxe à 75 %. Et pourtant, François Hollande, lui-même, dans son intervention du 9 septembre, a donné une série de précisions confirmant que la mesure n’aurait qu’une portée très limitée. En fait, les 75 % ne figuraient pas dans le programme initial du candidat socialiste. À l’époque, Jérôme Cahuzac (devenu depuis ministre du Budget) avait été pris par surprise : il participait à un débat télévisé et n’était pas au courant de l’annonce faite au même moment par son candidat. Mais voilà, nous étions le 27 février, à deux mois du premier tour, il fallait donc envoyer d’urgence un signal à l’électorat de gauche. Ce fut les 75 %.
Les élections sont passées et plutôt que le changement, c’est le renoncement. François Hollande a ainsi annoncé que les revenus du capital (plus-values, dividendes, intérêts, etc.) ne seraient pas concernés, ce qui est un élément clef pour les intéressés. Les très hauts revenus ont, en effet, une structure spécifique. Alors qu’en moyenne, les traitements et salaires représentent 85 % des revenus des ménages, les revenus du capital sont prépondérants pour les ménages qui gagnent plus de 1 million d’euros. Ainsi, d’après les données publiées par Les Échos, pour les 10 000 ménages gagnant plus de 2 millions d’euros, par exemple, les salaires ne représentent que le cinquième de leurs ressources : l’immense majorité d’entre elles se compose de plus-values mobilières (58 %), d’autres gains du capital et de revenus professionnels. Les capitalistes ont, bien sur, des revenus du capital, c’est logique. Si on veut taxer les capitalistes, il ne faut donc pas sortir les revenus du capital de l’impôt !
« Il ne s’agit pas de dégager des recettes » !
Autre aménagement, la contribution de 75 % « prendra bien sûr en compte » les autres impôts déjà versés tels que l’impôt sur le revenu et la CSG-CRDS. Ce qui conduit à un taux effectif de la contribution plus proche de 67 %. Enfin et surtout, la contribution sera exceptionnelle, c’est-à-dire qu’elle n’a pas vocation à être prolongée dans le temps. Elle sera interrompue « une fois que nous aurons redressé » les comptes, a indiqué François Hollande, estimant que cela devrait être fait « au bout de deux ans ». Au final, l’élysée estime que « 2 000 à 3 000 personnes » seront concernées. « Il s’agit de donner l’exemple, pas de dégager des recettes supplémentaires ».
On ne saurait mieux dire qu’il s’agit d’une mesure purement symbolique, visant à faire semblant de respecter une promesse électorale. La nouvelle contribution n’est en aucun cas l’amorce d’une réforme d’ensemble vraiment équitable de l’impôt sur le revenu pour dégager des ressources supplémentaires en prélevant plus sur les hauts revenus. Dans le budget 2013, la progressivité de l’impôt sur le revenu ne sera renforcée que de façon limitée par la création d’une nouvelle tranche marginale à 45 % au-delà de 150 000 euros par part (ce qui ne veut pas dire que les intéressés paieront 45 % de leur revenu : avec le système des tranches, ce sera seulement pour la partie de ce revenu dépassant 150 000 euros). Reste à savoir aussi comment sera appliquée l’annonce que le capital sera taxé comme le travail : vu la façon dont s’est dénouée l’affaire des 75 %, on peut être sceptique.
Lors de la campagne des présidentielles, le NPA et Philippe Poutou avançaient un projet de réforme fiscale d’ensemble prévoyant pour l’impôt sur le revenu une progressivité accrue et un taux de 100 % pour la part du revenu dépassant 20 SMIC, soit 260 000 euros. Mesure s’appliquant, bien sur, à tous les revenus, y compris les revenus du capital. Jean-Luc Mélenchon, pour sa part, avançait un « revenu maximum », parfois chiffré à 360 000 euros par an. Au-delà de la divergence sur le seuil, NPA et Front de Gauche semblaient converger sur l’idée d’une imposition totale des revenus dépassant un certain niveau. On verra comment les députés du Front de Gauche tireront les conséquences du renoncement de Hollande. En tout cas, pour sa part, le NPA continuera à défendre la nécessité d’un vrai bouleversement de la fiscalité pour faire payer fortunes, hauts revenus et entreprises, et ainsi baisser l’impôt le plus injuste : la TVA.
Henri Wilno