L’armement de la révolution s’inscrivait, après des mois de manifestations pacifiques réprimées, dans la « logique » de son développement. Mais, de suite, cette dimension posait et pose, avec plus d’acuité, la question de la jonction entre, d’une part, l’orientation politique, donc la « direction », d’un processus qui disposait d’une base de masse croissante, et, d’autre part, sa « direction » militaire. Ce au moment où l’action d’autodéfense passe à un stade d’affrontements – certes fragmentés – avec l’armée du pouvoir ; ce qui prend forme au cours de l’année 2012.
La faiblesse des forces militaires liées à la révolution ne peut être réduite ni à la question du manque d’armement – qui reste évident face à l’instrument décisif du régime dictatorial : sa force aérienne – des groupes de l’Armée syrienne libre (ASL), ni à sa relative désorganisation. L’ébranlement des forces ennemies, l’ampleur des défections, les hésitations des « milices » sont déterminés par une cohérence stratégique et par une jonction renforcée avec des larges secteurs de la population. Celle qui souffre le plus – car elle est la cible prioritaire du régime – des bombardements, des arrestations, des tirs de snipers, des actions des chabihas.
La jonction entre le politique et le militaire est donc décisive pour limiter l’espace militaro-politique que des groupes « djihadistes », même marginaux, peuvent occuper. Leurs actions – même « spectaculaires » – ne peuvent que faciliter la tactique de division confessionnelle que le régime a toujours utilisée. Divisions, qui dans un tel contexte, peuvent prendre la dimension de « revanches », cela d’autant plus que le conflit dure.
Cette convergence entre le militaire et le politique implique que s’établisse de manière plus claire une cohérence entre les objectifs d’une révolution populaire anti-dictatoriale – renverser le régime tyrannique – et les objectifs d’émancipation nationale et sociale. Cela d’autant plus que l’adhésion populaire a été clairement dictée par la « mixité » entre la crise sociale et la politique d’accaparement de plus en plus accentué de la richesse produite dans un pays pillé au moyen d’une concentration clanique du pouvoir, avec la corruption ainsi que la terreur qui l’accompagnent. Or, l’absence d’une telle convergence se fait terriblement sentir et le prix payé par la population est lourd.
Dans cette perspective, comme le démontrent de nombreux exemples dans l’histoire, l’obéissance à des règles strictes concernant les modalités d’actions – rapports avec la population, refus de tout pillage, exécutions qui prennent l’aspect de vendetta, en un mot l’union entre « activisme civil et militaire » – est décisive pour exemplifier et concrétiser la liaison, l’union entre les buts politiques proclamés – comme ressentis – de la « révolution populaire » et l’action militaire. Cela d’autant plus face à un régime qui est prêt à « tout détruire » pour survivre.
Comme le confirmait, le 7 octobre 2012, « un quotidien proche du régime, l’armée syrienne va lancer un assaut final sur Homs et sa province. Les quartiers où sont retranchés les rebelles sont la cible depuis cinq jours d’une offensive généralisée. Des milliers de civils sont pris au piège. Un autre journal pro-régime, As-Saoura, affirme que l’armée régulière a récupéré cinq nouveaux secteurs qui étaient auparavant aux mains des membres de l’Armée syrienne libre. Le quartier visé en particulier par les forces gouvernementales est Khaldiyé. D’après Abou Rami al-Himsi, porte-parole du Conseil de la révolution à Homs, joint par téléphone, les bombardements sur ce quartier sont d’une extrême violence depuis cinq jours, l’aviation larguant même des barils de TNT. » (RFI, 10 octobre 2012) Homs possède une importance stratégique pour Bachar el-Assad. Cette province est la plus grande du pays et elle est frontalière du Liban et de l’Irak.
La détermination criminelle du régime ressort aussi des descriptions les plus précises faites par Ian Pannel de la BBC. Les bombardements sur la ville d’Alep n’épargnent aucun hôpital civil. Cette « tactique » militaire a aussi pour fonction de créer une situation où une partie de la population a l’impression – bien réelle – qu’elle est piégée entre deux « forces militaires ».
Dans ce contexte – où l’oubli aussi bien des racines du soulèvement populaire que de la nature militaro-tyranique de ce genre de régime est commun chez ceux qui se transforment en « spécialistes de géopolitique » – il est d’autant plus important de porter à la connaissance de nos lecteurs et lectrices les réflexions critiques faites par des membres de la Coordination des comités locaux sur les actions de l’Armée syrienne libre (ASL). C’est ce que nous faisons en publiant la traduction d’un texte, paru en arabe le 9 octobre 2012, rédigé par Razan Zeitouneh [1].
Rédaction A l’Encontre