Il ne semble pas que des progrès ont été constatés concernant des pratiques de membres de l’Armée syrienne libre dans les régions concernées. Au contraire, tous les appels sont restés lettre morte. Le mécontentement et la détresse vont en augmentant chez les civils et les militants, au point que des manifestations ont eu lieu dans plusieurs régions pour appeler à la réforme de l’Armée Libre, à un changement de comportement envers les civils ainsi qu’envers leurs propres unités.
Il n’est aujourd’hui plus d’aucune utilité de déclarer que telle brigade ou telle autre utilise la révolution en usurpant le nom de l’Armée Libre. Les abus et mauvais comportements sont avérés au sein de brigades et bataillons connus de nous. Mais cette prise de conscience ne suffit pas ; il n’est plus tolérable de les laisser pratiquer l’humiliation de civils ou de subir leurs erreurs militaires dans les zones où l’Armée Libre est déployée.
Force est de constater que certains Conseils militaires n’ont presque pas de pouvoir sur leur brigade et leurs officiers, qui eux-mêmes n’en ont pas sur leurs éléments. L’aide tardive qui commence enfin à arriver reste désordonnée, elle passe de main en main de façon anarchique et non coordonnée, à la merci de calculs de toutes sortes et au gré de l’établissement de rapports de subordination.
Pourtant beaucoup de bataillons gardent les mains propres, ont des agissements corrects et des intentions honorables, mais ils n’obtiennent aucun soutien d’aucune sorte, alors qu’une véritable volonté de bien faire les anime ; ils pâtissent impuissants des défauts des autres brigades et de leur image négative […].
Ainsi les bataillons formés de volontaires sont soutenus au détriment de ceux formés de soldats ayant fait défection de l’armée ; de même les bataillons qui obéissent à une motivation idéologique [1] et qui reçoivent du soutien au détriment de ceux qui ne sont fidèles qu’à la patrie.
Cette anarchie est de mauvais augure qu’on veuille bien le reconnaître ou que l’on préfère se voiler la face. Si nous ajoutons à cela la politique de destruction par le régime des habitations et des biens des civils, au hasard, de l’incendie des commerces et de leur pillage, de la punition et de la torture de ses habitants – cela pousse ces civils à demander le départ des hommes armés de leur région. C’est ce qui est arrivé dans la région de Damas, ses villes environnantes, à Daraa et ailleurs.
Je ne suis pas une experte militaire et j’ignore si le redéploiement des membres de l’Armée Libre hors des villes pour y faire cesser les agissements criminels des forces régulières est envisageable. Je ne me prononcerai pas à ce sujet. Mais l’Armée Libre doit avoir conscience des pressions terribles et des pertes humaines et matérielles inqualifiables que subissent les civils. Il faut qu’elle les aide à faire face à ces pressions. Il faut que certains de ses éléments retournent là d’où ils viennent, là où ils ont évolué des mois durant : la société civile. Car l’ignorance des plaintes concernant les agissements de certains de leurs éléments, l’absence d’un minimum d’organisation ou de coordinations entre bataillons d’une même région et d’un minimum de règles déclarées de comportement à respecter n’est plus tolérable.
Les civils forment l’essentiel des hommes armés, ils peuvent être d’une aide précieuse dans beaucoup de domaines à condition que l’Armée Libre décide d’écouter leurs revendications : la formation de Commissions d’enquête indépendantes formées d’activistes locaux dans chaque région ; l’affectation de comités neutres pour recevoir les doléances ; permettre aux civils de surveiller les agissements des bataillons concernant leurs vies, leurs biens et leurs libertés individuelles.
Par ailleurs, il est certain que les activistes civils ont manqué à leurs régions respectives quand beaucoup d’entre eux ont abandonné leur rôle, soit pour rejoindre les combattants ou en laissant la gestion des affaires civiles locales aux hommes armés. Les coordinations locales se sont affaiblies, alors que les conseils locaux n’ont pas encore investi leur fonction, même dans les régions déjà libérées.
Dernièrement seulement, et dans des zones limitées, les combattants et les civils ont pris consciences de leur dépendance et ont commencé ensemble à rectifier les choses en s’aidant mutuellement. Mais cela reste une expérience limitée géographiquement de même qu’en nombre de bataillons concernés.
Les appels des civils sont eux-mêmes mal coordonnés dans leurs revendications, désunis quant à leurs orientations et ne présentent pas de solutions concrètes ; c’est sur ces points que nous devons porter nos efforts. Mais ces lacunes ne dédouanent pas l’Armée Libre de ses responsabilités ; et ne lui donnent pas l’excuse de fermer les yeux sur les plaintes la concernant.
Changez au nom des gens qui vous ont aimés, soutenus, scandés lors des manifestations et protégés dans leurs maisons et dans leur cœur avant que les bombes et le feu ne les atteignent ! Vous êtes « les défenseurs de nos demeures » [2]… redonnez sens à cette expression !
Razan Zeitouneh