Le 4 octobre 2012, au km 169 de la route panaméricaine qui traverse la région de Totonicapán, dans les hauts plateaux du Guatemala, l’armée a tiré sur les indiens Maya K’ichés qui manifestaient pacifiquement : 9 morts et 36 blessés. Nulle trace de ce non-événement dans la presse française et moins encore dans les médias audiovisuels. Évidemment, cela ne s’est pas passé au Venezuela ou à Cuba, vous auriez vu alors à la Une des journaux et au 20 heures, le chœur des pleureuses démocratiques pourfendre le totalitarisme. Il est vrai que le Guatemala est un pays qui n’existe pas ! Je le sais… j’y étais, pourrais-je dire en paraphrasant Georges Arnaud. Je le sais aussi pour avoir recueilli les témoignages des survivants et leurs mots ne cessent de me hanter. Mais peut-être ce qui m’indigne le plus c’est l’impossibilité de briser le silence qui dévore le Guatemala depuis plus d’un demi-siècle.
Le nombre de victimes au cours de la « guerre civile » au Guatemala (1960-1996) dépasse le nombre total des victimes de tous les conflits en Amérique latine au cours du xxe siècle. À la fin des années 1970 et au début des années 1980, les massacres systématiques ont pris une telle ampleur que les Nations unies ont dû reconnaître le caractère génocidaire de la stratégie contre-insurrectionnelle de l’armée. Le Rapport de la Commission pour l’éclaircissement historique (CEH) publié en 1999 avec l’appui moral, politique et financier des Nations unies qualifie explicitement les massacres des populations mayas d’actes de génocide, 200 000 morts et 40 000 disparus. Plus d’un million de personnes ont été réfugiées, déplacées ou se sont exilées, soit environ 10 % de la population à cette époque. 669 massacres ont été commis (dont 626 par l’État, 32 par les insurgés, 11 non documentés). 400 villages rayés de la carte. Parmi les victimes la population maya représente 83,3 %, la population métis : 16,51 %, les autres : 0,16 %.
Cependant ces actes de génocide sont restés quasiment impunis jusqu’à ce jour et demeurent entourés de l’assourdissant silence des « démocraties occidentales » bien relayé par la plupart des médias. Nul doute que si ces crimes étaient portés devant un Tribunal pénal international, il apparaîtrait alors que de nombreux pays démocratiques ou non ont apporté leur concours aux généraux criminels qui se sont succédés pendant plus de 40 ans à la tête du pays. La France s’est d’abord illustrée dans les années 1960-70 en exportant les méthodes employées par l’armée française en Algérie, puis les États-Unis ont pris le relais dans les années 1970-80 jusqu’à ce que le congrès interdise toute aide militaire au Guatemala en raison des violations massives des droits humains, ce qui n’a pas empêché le président Reagan de continuer, de façon clandestine, à conseiller et à livrer des armes à la junte militaire en comptant, par ailleurs, sur la précieuse expérience des conseillers militaires argentins, israéliens, uruguayens et taïwanais.
C’est ce silence qui a permis au général Otto Perez Molina d’être élu, le 12 janvier 2012, Président de la République avec le soutien sans faille de l’oligarchie et des narcotrafiquants. Son slogan de campagne était : « la main dure » qui fut aussi celui de la campagne qui porta Hitler au pouvoir. La main dure dudit général s’était déjà fait remarquer alors qu’il était commandant dans la région Ixil au début des années 1980, pratiquait enlèvements, tortures, assassinats et, était le responsable direct de l’extermination de plusieurs villages.
Après le massacre du 4 octobre, les Maya et leurs organisations payent le prix du sang leur opposition aux compagnies qui veulent mettre la main sur leurs terres et, ils craignent non sans raison que la terreur revienne… Cette fois-ci elle sera néolibérale…
M. Delanada