Tous les deux ans, un sommet intergouvernemental réunit les chefs d’Etat d’Asie et de l’Union européenne. Ce sera le cas, cette année, début novembre à Vientiane (Laos). Il est toujours précédé d’un forum animé par des associations, ONG et mouvements sociaux : le Forum populaire Asie-Europe, connu sous son sigle anglais d’AEPF. C’est le seul cadre assurant une coopération régulière entre un large éventail d’organisations de l’est et de l’ouest de l’Eurasie – et c’est bien ce qui fait son importance.
Le 9e Forum populaire s’est tenu à Vientiane du 16 au 19 octobre derniers autour de quatre axes, sur le thème de la « durabilité » face à la crise socioécologique : la protection sociale universelle et l’accès aux services essentiels, la souveraineté alimentaire et la gestion durable de la terre et des ressources naturelles, la production et l’utilisation durable de l’énergie, le travail décent et le revenu durable.
La participation asiatique à ce forum est traditionnellement plus importante que l’européenne, malgré le rôle pivot que jouent des organisations comme le Transnational Institute (TNI) d’Amsterdam. Cette fois-ci, cependant, l’Europe méridionale était mieux représentée avec notamment un investissement très actif des Ecologistes en action de l’Etat espagnol, d’une camarade du Bloc de gauche portugais (Mariana Mortaga), d’un représentant de Syriza, Grèce (Pavlos Kazakapoulos). Notons aussi dans les débats sur la protection sociale les rapports de Francine Mestrum (Belgique) et Bruno Jetin (France). Autre nouveauté, le lancement d’un « cercle » antinucléaire avec, notamment, pour l’Europe Tom Kucharz et Pierre Rousset.
Outre les débats thématiques, le forum est l’occasion d’une collectivisation de la réflexion sur la crise capitaliste. Le réseau Sud-Sud a, par exemple, discuté des évolutions géopolitiques à l’heure où l’on trouve au Nord des pays en voie de « tiers-mondisation » (Grèce…) et au Sud de nouvelles puissances (Chine…). Organisées par la Fondation Rosa Luxemburg-Vietnam, des réunions « off » ont eu lieu en soirée – les célèbres « Nuits de Vientiane » – pour débattre des réponses à la crise. Des débats très politiques avec entre autres la participation de Pablo Solon (Bolivie), organisateur de la conférence de Cochabamba et aujourd’hui directeur de Focus on the Global South, d’Achin Vanaik (Inde), Christa Wichterich (Allemagne), Tina Ebro et Lidy Nakpil (Philippines), Pierre Rousset…
Vientiane n’avait jamais accueilli une réunion associative internationale d’une telle ampleur et des centaines de volontaires avaient été mobilisés pour l’organiser (fort bien). Les ONG laotiennes étaient évidemment « accréditées » par le pouvoir et les rapports avec les autorités n’ont pas été sans problème – bien qu’il soit bien plus facile pour des étrangers d’entrer au Laos que dans l’Union européenne (où il est devenu souvent impossible d’inviter des Pakistanais).
L’histoire s’est aussi invitée au Forum. Le Laos est effet le pays le plus bombardé du monde, pendant la guerre étatsunienne d’Indochine : plus de deux millions de tonnes d’engins explosifs de 1964 à 1973.
Pierre Rousset