« C’est une étape importante vers l’égalité des droits », a déclaré la ministre de la famille. Depuis les abrogations de lois discriminatoires et répressives de 1982, il aura fallu trente ans de mobilisations et d’affirmation des lesbiennes et des gays pour arriver à cette « étape », qui est pourtant la moindre des choses.
Réactionnaires de tout poils…
Pour les réactionnaires, c’est déjà trop. Ils manifesteront à nouveau les 17, 18 novembre et le 8 décembre au nom de la sacro-sainte cellule familiale et du « bien des enfants ». Pourtant, nombre de couples homos ont déjà des enfants, pour qui le problème n’est pas d’avoir des parents de même sexe : c’est de grandir dans une société qui ne leur promet que le chômage et la précarité. Comme les enfants d’hétéros…
L’Église catholique se hisse sur le devant de la scène pour défendre ses conceptions rétrogrades sur la famille et la sexualité, quitte à utiliser les prétendues évidences hétérosexistes de certains intellectuels, y compris laïcs. L’UMP fait un pas de plus vers le FN : si le « mariage pour tous » n’entraînera pas la décomposition de la famille qu’ils prédisent, ils s’en servent comme prétexte d’une recomposition politique très à droite. Copé invite donc ses partisans à rejoindre les manifestations prévues contre la loi et promet d’autres actions s’il devient président de l’UMP.
Et la presse se fait l’écho des incessantes provocations homophobes de politiciens, chefs religieux ou chroniqueurs mondains. Si leurs déclarations rivalisent de ridicule, elles sont aussi un saisissant rappel de l’oppression quotidienne que subissent les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes (LGBTI).
Un projet de loi a minima
Nous défendons le droit au mariage pour toutes et tous. Il n’y a bien sûr pas lieu d’idéaliser le mariage qui a longtemps soumis légalement les femmes à la tutelle masculine, et véhicule toujours une vision figée et autoritaire des rapports entre individus et entre parents et enfants, un modèle normatif. Mais promouvoir un projet de société où nos relations affectives ne seront plus régies par des rapports de propriété et des contraintes financières, où de nouveaux modes de vie verront le jour, ne s’oppose pas à une lutte immédiate pour l’égalité des droits. Ainsi nous revendiquons aussi l’égalité juridique et fiscale et le droit à l’adoption pour toutes et tous, homos ou hétéros, mariés ou non.
Le projet du gouvernement est minimaliste. La « présomption de parenté », qui octroie le statut de parent au conjoint du parent biologique, sera réservée aux hétéros. Chasse aux immigréEs oblige, pour épouser une personne étrangère, celle-ci devra avoir accès au mariage dans son pays d’origine. Et les lesbiennes restent privées du droit à la procréation médicalement assistée. Il n’y a donc pas de quoi crier victoire et les luttes demeurent indispensables.
Un gouvernement qui se donne des airs…
Des élus de gauche s’opposent au projet. Le gouvernement, quant à lui, veut se donner un air progressiste. Comme la droite, le PS fait payer la crise aux travailleurs ; il refuse le droit de vote aux étrangerEs, démantèle les services publics et accepte les « plans sociaux » du patronat. Cette loi qui ne coûte rien arrive donc à point nommé pour se démarquer de l’UMP… Mais quand leurs usines ferment, comment des salariéEs homos pourraient « convoler en justes noces » avec insouciance ? Comment combattre réellement les discriminations à l’embauche, quand on accepte le chômage de masse ? Comment prétendre prévenir l’homophobie à l’école ou ailleurs, sans renforcer les services publics ?
La vie des LGBTI – en premier lieu celles et ceux de milieu populaire – est toujours faite d’insultes, d’humiliations et de violences que le mariage et l’adoption ne feront pas disparaître : en Belgique, une loi similaire n’a pas empêché deux meurtres homophobes cette année. Chaque jour en France, quatre agressions sont signalées en moyenne. Et combien ne le sont pas ?
C’est le fonctionnement même de cette société qui est en cause. Ses crises et leur cortège de désastres sociaux sont un terreau fertile pour les préjugés réactionnaires, qui divisent les exploitéEs selon la couleur de leur peau, leur genre ou leur orientation sexuelle. Les lesbiennes et les gays doivent pouvoir choisir de ne pas se marier, et au-delà des lois, ce sont leurs luttes, ainsi que l’unité et la solidarité des classes populaires, qui permettront d’envoyer l’homophobie et le capitalisme aux poubelles de l’histoire.
Gaël Klement