Les opérations de bombardements contre les palestiniens à Gaza, infligeant morts et destruction à une population déjà soumise à un blocus illégale et inhumain depuis 2007, permettent à l’armée Israélienne de franchir une nouvelle étape dans son escalade et ses visées destructrices de ce qui reste encore du territoire palestinien. La réaction des palestiniens est légitime. C’est de la légitime défense. Mais que vaut la résistance d’une population désarmée et encerclée face à une armée des plus sophistiquée du monde ?
Le prétexte Ahmad Jabbari ne trompe que les naïfs et les imbéciles. Présenté comme un « terroriste », au delà de l’usage de ce terme pour le moins ambigüe, celui-ci n’est autre que le chef de la branche militaire du Hamas, chargé de surcroit du maintien de la sécurité d’Israël dans la bande de Gaza. Voila ce qu’écrit le journaliste israélien Aluf Benn : « Ahmed Jabari était un sous-traitant, en charge du maintien de la sécurité d’Israël dans la bande de Gaza. Cette qualification paraîtra sans aucun doute absurde pour tous ceux qui, au cours des dernières heures, ont vu Jabari décrit comme un “archi-terroriste”, “le chef du personnel de la terreur” ou “notre Ben Laden”.C’était pourtant la réalité durant ces cinq années et demi. Israël a exigé du Hamas qu’il observe la trêve dans le sud et la fasse appliquer par les nombreuses organisations armées dans la bande de Gaza. L’homme à qui avait été confiée cette tâche était Ahmed Jabari. » [1]
Cette offensive fait suite à d’innombrables attaques d’avions et de tirs de chars durant tout le mois d’octobre 2012. Elle nous rappelle les massacres perpétrés par la même armée israélienne en 2008-2009, qui se sont soldés par la mort de près de 1500 Palestiniens et plus de 5000 blessées, avec les mêmes prétextes invoqués encore aujourd’hui par le gouvernement israélien pour justifier cette attaque meurtrière. C’était à la veille d’une échéance électorale en Israël. Et comme en 2008, les attaques de l’armée israélienne se poursuivent aujourd’hui malgré un accord de cessez-le-feu respecté par les Palestiniens jusqu’à l’assassinat du responsable du Hamas.
Mais les échéances électorales israéliennes n’expliquent pas à elles seules cette escalade meurtrière. Les visées israéliennes sont couvertes par le soutien et l’encouragement de l’Administration américaine et des capitales européennes. Les actes criminels de l’armée israélienne sont encensés par le discours hypocrite des puissances occidentales que ne peuvent crédibiliser les résolutions onusiennes les plus osées. C’est le soutien indéfectible de ces puissances qui assure l’impunité aux criminels israéliens. Israël leur sert de cheval de Troie dans la région.
Les crimes israéliens jouissent aussi de la lâcheté et de l’hypocrisie des régimes arabes. Les visées génocidaires de l’Etat d’Israël s’accommodent des dénonciations « timides » des monarchies qataro-saoudienne, occupées à armer et à financer les opérations impérialistes, comme en Libye hier et en Syrie aujourd’hui, dans le but de récupérer et de dévoyer la révolte légitime des populations. L’Etat d’Israël ne sera pas intimidé par le ton hypocrite des Erdogan-Morsi, plus soucieux de faire monter la surenchère islamiste, que de venir en aide concrètement à la population de Gaza. Aucune inquiétude à attendre non plus de ces « Oulémas de pacotille » [2] qui n’hésitent pas à enflammer des milliers de « fidèles » pour défendre la « personne du prophète » contre un sombre cinéaste sans talent, mais qui s’effacent sans gène quand il s’agit de défendre un peuple réel et un ennemi concret.
Il y a juste quelque temps que l’émir du Qatar, Hamad bin Khalifa a visité Ghaza. Cette visite est présentée comme une action visant à briser le blocus de l’enclave palestinienne, avec dans ses valises une « aide » conséquente de 600 millions de dollars. Mais aux dernières informations, cette aide fut réduite à 350 millions et la visite fut écourtée à quelques heures au lieu de deux jours annoncée initialement. Il y a comme un désaccord, ou un refus des autorités ghazaoui de céder aux pressions de l’émir. Pressions qui visent à les associer, avec la bénédiction des frères musulmans et khaled machaal qui vit à Doha, dans un redéploiement qatari dans un axe arabe et international, aux services de la finance mondiale et au détriment des peuples de la région en pleine dynamique démocratiques et révolutionnaire. Et cela signifie la liquidation de la branche militaire du Hamas. Son assassinat s’inscrit, de ce point de vue, dans le cadre d’une volonté de détruire l’aile militaire du Hamas ou de liquider ses hauts responsables comme cela s’est produit avec l’aile militaire du mouvement Fatah. Ce qui libère les « frères ».
L’absence de larges et massives mobilisations des populations de la région pour contrecarrer cette ascension meurtrière, peut elle s’expliquer par la passivité de leurs régimes respectifs ? Elle reste assez paradoxale dans une situation de crise et d’ébullition révolutionnaire. Les populations algériennes, épuisées par des années de guerre civile larvée sans grandes conséquences démocratiques ou sociales, se retrouvent politiquement et idéologiquement dénudées sans drapeau libérateur. Les peuples des autres régions découvrent les limites et l’hypocrisie des dirigeants islamistes, depuis leur accession aux commandes, à peine capable de faire de la surenchère idéologique.
Voila pourquoi, les palestiniens ont plus que jamais besoin, au-delà des mobilisations humanitaires légitimes et du soutient le plus large de tous ceux et de toutes celles épris de justice et de liberté pour montrer au monde le génocide dont ils sont victimes, d’un axe de lutte plus démocratique et plus social et moins religieux, afin de dépasser l’écueil islamiste dans une impasse historique. Celui-ci s’est substitué au cours des dernières années au nationalisme panarabe. Le « printemps » de la région ne sera que plus vert.
Nadir Djermoune