Il ne l’est pas souvent, à l’affiche, Spiro Latsis. Car, bien que Grec, c’est une discrétion digne d’un banquier genevois qu’il cultive. De plus, propriétaire d’une bonne partie des médias grecs, il est à l’abri de la curiosité des paparazzi.
Sa vie d’homme d’affaires vaut pourtant son pesant d’or, encore plus au propre qu’au figuré, d’ailleurs. Première fortune de Grèce, estimée à six milliards de francs, il était en 2007, d’après Forbes, le 56e homme le plus riche de la planète, même si, depuis, la crise lui aurait fait perdre quelques places au firmament des nantis. D’après le magazine Bilanz, sa famille serait la septième la plus fortunée de Suisse.
Loin des nuisances de ce bas monde
Car c’est en Suisse, « far from wordly noise » comme il aime à le dire, que Spiro Latsis habite, à Bellevue au bord du Léman. Il y a une propriété de plus de 50’000 m2 « avec bâtiments administratifs et villas résidentielles » comme le raconte Bilanz.
Le nid de verdure avait appartenu à la famille royale saoudienne avant d’être cédé aux Latsis : ils pouvaient, grâce à la nationalité suisse acquise par une partie de la famille devenir propriétaires de ce bien dont le prince saoudien devait se séparer en raison de la Lex Friedrich sur la vente de biens immobiliers à des étrangers.
La propriété au bord du lac vient s’ajouter à une autre propriété de Spiro Latsis à Genève, la Banque de dépôt, achetée en 1979 par son père, John Spiridon, à une autre grande famille grecque, celle d’Aristote Onassis, grâce, paraît-il, à des capitaux d’origine saoudienne.
La genevoise Banque de dépôt étoffe ainsi la panoplie des avoirs du holding des Latsis, EFG group, ajoutant la gestion de fortune aux activités navales et pétrolières du groupe qui possède en sus la deuxième banque de Grèce, EFG Eurobank. C’est d’ailleurs à Genève que Spiro Latsis transfère le siège de la banque en 2005 et qu’elle entre en bourse.
C’est donc depuis les paisibles rives du Léman que « der reicher Grieche vom Genfersee » dirige un empire qui ne dédaigne point l’immobilier ou la location de bateaux et de jets privés. Et des affaires, il en fait, sans s’encombrer de préoccupations sociales.
Plusieurs cordes à son arc
En 2004 par exemple, c’est avec les crédits publics pour les Jeux Olympiques -dont le peuple grec paie encore et toujours la dette- que Latsis construit un centre commercial là où devaient être édifiés des logements sociaux s’attirant de solides inimitiés.
Sur les traces de son père -qui aurait commencé comme simple vendeur de fruits secs avant de bâtir un empire-, Spiro Latsis ne dédaigne pas le pétrole au point d’être propriétaire de 30% d’Hellenic Petroleum. Cette société -familièrement nommée Elpe et qui en plus de contrôler l’ensemble de la filière est productrice d’électricité- résulte de la privatisation en 1998 de la société publique grecque d’exploitation pétrolière, la DEP, privatisation dont Latsis a été le bénéficiaire principal.
La location de bateaux et de jets privés le connaît aussi. Il va même jusqu’à louer son propre bateau, l’Alexander, un modeste navire de 122 mètres de long « disposant des dernières et plus sophistiquées commodités ». Sa location à la semaine est de l’ordre de 630’000 euros : une affaire si l’on en croit sa présentation online puisque « l’offre a déjà été saisie par présidents, rois et autres célébrités »...
Des bienfaits de l’air marin
Mais Spiro Latsis n’est pas mesquin. C’est à titre gracieux qu’il y a huit ans il a fait profiter durant une semaine des joies de la navigation en haute mer à son condisciple à Londres, le président de la commission européenne José Manuel Barroso.
Et c’est justement des « aides » de l’Europe que la banque de Latsis, EFG, profite. Impliquée à hauteur de 12 milliards dans la dette grecque, elle ne se fait pas prier pour bénéficier de la « manne européenne ».
Ainsi, lors du versement de la deuxième tranche de 18 milliards d’euros à la Grèce en mai dernier, la banque privée de Latsis en a touché 4,2, à peine deux de moins que la banque nationale grecque ! Pour ce faire, et malgré ses déclarations d’amour pour le bon air de la calme Genève, Latsis a déménagé le siège de EFG au Luxembourg en 2009.
Redevenue grecque par son installation dans un paradis fiscal de l’UE, la banque de Latsis pouvait ainsi de nouveau bénéficier des versements de l’Europe destinés à « sauver la Grèce ».
Pendant que la population, elle, en est réduite à se contenter d’un salaire minimum de 522 euros par mois... Pour ceux qui en ont un, de salaire !
Paolo Gilardi