Chaque jour, sur Facebook, les rédactions des journaux diffusent des articles auprès de leurs abonnés. Au Monde, nous avons choisi de vous en présenter quotidiennement une sélection représentant un large spectre de l’actualité, qu’ils soient sérieux ou légers.
En publiant nos articles sur ce réseau social, nous en acceptons les règles. Pas d’appel à la violence, à la haine, pas de menaces, d’intimidations, d’encouragements au suicide, etc. Une charte de « bonne conduite » plutôt standard, et que l’on peut retrouver sur la plupart des sites qui possèdent un espace d’expression libre. Le Monde a, sensiblement, la même.
Mais il y a plusieurs choses avec lesquelles Facebook ne transige pas, comme la nudité. Quand L’Express publie une photographie de nu de l’artiste chinois Ai Weiwei, Facebook la supprime sans même sourciller [1]. Le fait que ce cliché – censé représenter le pouvoir entouré des quatre classes sociales chinoises – vaille à Ai Weiwei d’être la cible du gouvernement chinois a peu d’importance. Les affiches représentant des modèles posant seins nus pour une campagne de lutte contre le cancer du sein ne sont pas davantage admises sur le réseau de Mark Zuckerberg [2]. Couvrez ce sein que je ne saurais voir... quand bien même ce n’en serait pas un. Facebook s’est ainsi fait piéger par la photo d’une femme prenant son bain, dont le coude replié pouvait passer, si l’on regardait hâtivement l’image, pour une poitrine [3].
Cependant, la nudité n’est pas la seule à n’avoir pas droit de cité sur le réseau social. Lundi, nous avons publié un article sur notre page Facebook concernant une lycéenne tibétaine âgée de 16 ans qui s’est immolée par le feu [4]. Aucun photographe n’étant présent sur place, l’article était illustré par la photographie d’un autre Tibétain s’infligeant le même supplice.
La vignette, d’une taille de 100 par 75 pixels, a vraisemblablement été signalée par plusieurs internautes (nous n’osons croire que ce soit le sujet qui soit remis en cause). Le soir même, Facebook la supprimait. Les rétorsions ne s’arrêtaient pas là : tous les administrateurs de notre page se voyaient adresser un avertissement, et contraints à de laborieuses formalités d’identification. Certains, déjà avertis par le passé pour des faits similaires, ont provisoirement perdu le droit de publier tout article sur la plateforme de Mark Zuckerberg, que ce soit à titre privé, sur leur page personnelle, ou à titre professionnel, sur la page Facebook du Monde. Ultime sanction avant la suppression pure et simple desdits comptes.
Sommes-nous allés trop loin en publiant ce lien et cette photo ? Le sujet est certes dramatique, l’image, choquante. Nous considérons pourtant qu’il est de notre devoir d’alerter nos lecteurs sur la situation dans les provinces tibétaines de Chine, sans rien cacher de la violence de ces faits. Depuis 2009, quatre-vingt-dix Tibétains se sont immolés ou ont tenté de le faire.
Nous faudrait-il adapter à Facebook notre grille de lecture de l’information, en soustraire tout contenu à caractère perturbant, au regard des règles de Facebook, et privilégier les contenus capables de faire le « buzz » [5] ? Ce n’est pas le choix que nous avons fait. Pour clarifier cette situation, Le Monde a contacté Facebook. Nous sommes toujours sans réponse.
Flavien Hamon