Les pluies tardives et la douceur de ces mois d’octobre et novembre ont été propices à la fructification de champignons. Rappelons que sur le plan trophique les champignons se répartissent en général en trois groupes :
• Les saprophytes utilisent pour leur croissance de la matière organique en décomposition (feuilles mortes, bois mort, herbes en décomposition…)
• Les mycorhiziques ou mycorhiziens sont en symbiose par leur mycélium avec des végétaux dont une grande quantité d’espèces d’arbres.
• Enfin les parasites vivent aux dépens d’un autre être vivant (végétal, animal, ou autre champignon).
L’essentiel des champignons rencontrés aux Beaumonts sont saprophytes. En effet les érables, marronniers, robiniers qui constituent la majorité des grands arbres du parc ne sont pas ectomycorhiziques (les champignons de taille allant de quelques cm à plus d’une dizaine de cm dont le mycélium vient entourer extérieurement les radicelles de l’arbre). Dans un dernier article j’avais illustré un champignon parasite. Le polypore soufré (voir ci-dessous). Dans cette note figureront les champignons saprophytes et mycorhiziens.
Débutons par quelques-uns des champignons saprophytes du Parc des Beaumonts.
La Bolbitie jaune d’œuf (Bolbitius titubans), (le terme grec et latin Bolbitius peut se traduire par bouse de vache), possède un chapeau conique souvent visqueux, au début entièrement jaune, puis étalé de couleur beige à centre jaune en vieillissant. Il se rencontre dans les pelouses sur les herbes pourrissantes. Il n’avait pas encore été observé aux Beaumonts.
Bolbitie jaune d’oeuf, 16 octobre 2012, cliché André Lantz
La crépidote à spores sphériques (Crepidotus cesatii) est un petit champignon sans pied attaché par le dessus du chapeau à son support. Cette partie du chapeau est blanche, veloutée et finement feutrée vers le point d’insertion. Les lames sont relativement espacées, blanches et crèmes dans la jeunesse puis beige saumonée ou ocre à maturité. On la rencontre souvent sur les branches de bois de feuillus ou de ronces lorsque ces dernières sont bien imbibées d’eau. Si le manque d’eau apparait, ces champignons n’atteignent pas à leur taille définitive et se dessèchent rapidement. On peut aussi les trouver à d’autres saisons si les conditions de température et hygrométrique sont remplies.
Crépidote à spores ronde, vue des lames, 24 novembre 2012, cliché André Lantz
Crépidote à spores rondes, vue de dessus, 21 novembre 2012, cliché André Lantz
La collybie à pied velouté (Flammulina velutipes) est dotée d’un chapeau visqueux jaune orangé dans la jeunesse. La coloration devient ensuite plus foncée. Au début de la pousse les lames sont blanc-crème puis deviennent beige en vieillissant. Le pied est caractéristique : il est entièrement velouté, jaune au début puis ocre ensuite. La base du pied toujours plus foncée devient brun noirâtre à maturité. Cette collybie ne se trouve jamais isolée mais en touffe plus ou moins dense, greffée sur les bois morts de feuillus. Cette espèce fructifie aussi après les gelées et en hiver. Elle s’observe chaque année au parc.
Le premier cliché montre une jeune touffe de cette belle espèce.
Collybie à pied velouté, novembre 2012, cliché Roland Paul
La photo suivante illustre les lames claires contrastant avec l’extrémité du pied.
Collybie à pied velouté, Novembre 2012, cliché André Lantz
La schizophylle commune (Schizophyllum commune) tient son nom du dédoublement de ses lames de couleur brun-rosé typiquement refendues en gouttière sur l’arête. Le dessus du chapeau est en général blanc-gris feutré et hirsute (recouvert par de nombreux poils assez longs) et possède en général un bord lobé. Cette espèce assez commune se rencontre sur les bois morts de feuillus. On peut aussi la trouver sur des arbres vivants ou blessés. Elle possède la propriété d’être reviviscente (des exemplaires desséchés ont la possibilité de reprendre vie quand ils sont à nouveau hydratés, même après plusieurs années). Cette espèce commune a déjà été répertoriée aux Beaumonts.
Schizophylle commune, Novembre 2012, cliché Roland Paul
Schizophylle commune, vue des lames, 28 novembre 2012, cliché André Lantz
Certains champignons ne possèdent ni un chapeau avec des lames comme les Agarics ni un chapeau avec des tubes comme les bolets. Les Clavaires (Clava en latin se traduit par massue) constituent un groupe de champignons allongés et renflés.
La clavaire filiforme (Macrotyphula filiformis) est assez caractéristique mais peut passer souvent inaperçue. Ce champignon est d’une couleur jaune-ocre clair uniforme. Sa longueur va de quelques cm à plus d’une dizaine de cm. Par contre la fructification est très étroite de 1 à 2 mm. On le trouve souvent en troupe sur les feuilles mortes qui pourrissent. C’est la première fois qu’il est observé dans le parc.
Clavaire filiforme, 10 novembre 2012, cliché André Lantz
Le mulch (éclats ou broyats de bois utilisés dans les parterres ou les bacs) à la Croix de Chavaux a favorisé l’installation d’un joli champignon rouge. Anciennement désigné par Strophaire orangé ou Hypholome orangé, il porte depuis 2008 l’appellation binominale Leratiomyces ceres. Il se caractérise par la couleur rouge brique de son chapeau dont la marge possède des flocons blanc jaunâtre dans la jeunesse, par un pied blanc puis ocre, avec quelquefois une zone annulaire sombre de cortine. Les lames prennent une teinte noirâtre de la couleur des spores en vieillissant. On le trouve dans les parcs et les jardins, sur la sciure ou dans les paillis et mulch des massifs. Cette espèce considérée comme rare ne se trouvait encore il y a quelques années que dans la moitié sud de la France. Elle est apparue il y a environ 4 à 5 ans dans le sud de l’Île de France. Elle remonte donc progressivement cers le Nord.
Les exemplaires récoltés étaient déjà desséchés.
« strophaire » orangé, 26 novembre 2012, cliché André Lantz
Les exemplaires frais suivants ont été photographiés près de Nantes.
« strophaire » orangé, la Pierre attelée, 4 novembre 2009, cliché André Lantz
Présentons maintenant quelques champignons mycorhiziens.
La parcelle 343 des anciens murs à pêches est restée sans intervention humaine depuis environ 40 ans. Si le sous-sol est un peu marneux comme celui des Beaumonts, des arbres comme les bouleaux, les trembles, les saules et quelques chênes ont pu s’y installer. Les robiniers y sont heureusement peu nombreux ! De plus, conditions favorables à certains champignons, les sols ne sont ni tassés par le piétinement ni enrichis par les déjections canines et humaines. Quelques champignons symbiotiques avec les arbres se plaisent dans ce milieu.
Parmi eux la russule décolorée (Russula exalbicans) est inféodée aux bouleaux. Le mot russule a son origine latine russus qui veut dire roux. Beaucoup de russules possèdent une cuticule rouge. La couleur du chapeau de la russule décolorée est très variable. Elle peut aller du rouge au blanc en passant par le rose.
Russule décolorée, 27 octobre 2012, cliché André Lantz
Les Tricholomes (du grec tricho = cheveu et loma = frange), littéralement champignon à chapeau à bord chevelu ou frangé, sont aussi associés aux arbres. Le tricholome jaunissant (Tricholoma scalpturatum) se rencontre sous divers feuillus et conifères. Il était également particulièrement abondant dans le bois de Vincennes en octobre et novembre. Le nom de l’espèce a été donné à cause des lames qui jaunissent à la blessure.
Tricholome jaunissant, 27 octobre 2012, cliché André Lantz
Une espèce d’Inocybe décrite en 1988 de la zone alpine a été observée pour la première fois en Île de France dans cette parcelle. Les inocybes forment un groupe de champignons particulièrement ardu. L’étymologie provient du grec Ino = fibre et Cybe = tête soit chapeau fibrilleux. Ces champignons sont souvent toxiques car ils possèdent de la muscarine. L’inocybe de Patouillard (Inocybe patouillardii) est très toxique voir mortel.
Les caractères microscopiques et macroscopiques ont été étudiés par Patrice Lainé, un collègue de la Société Mycologique de France qui connait bien ce genre ont conduit à Inocybe leucoloma (littéralement Inocybe à marge blanche). J’espère que cette belle espèce fructifiera encore l’an prochain.
Inocybe » à marge blanche », 17 octobre 2012, cliché André Lantz
André Lantz le 30 novembre 2012.
Le polypore soufré
Le polypore soufré (Laetiporus sulphureus Murrill) fructifie en général chaque année, mais pas forcément à la même époque. Il a déjà été photographié en août 2010 et présenté sur le site. C’est un champignon parasite qui attaque surtout les feuillus qui sont affaiblis. Ensuite il peut devenir saprophyte sur les arbres morts. Au parc des Beaumonts il se trouve sur le vieux saule proche de la mare de Brie. Le mycélium vit toute l’année à l’intérieur de l’arbre vivant et se nourrit de ce dernier en parasite. Il n’est pas visible. Pour se propager et assurer sa descendance, il doit donc former des sporophores. Les spores donneront naissance à d’autres mycéliums si les conditions sont propices. Les spores de champignons étant très petites de l’ordre de quelques micromètres, elles peuvent très facilement être dispersées par le vent. Un rayon de soleil a mis en valeur les belles couleurs de ce polypore.
Polypore soufré, 2 octobre 2012, cliché André Lantz
Ce polypore est appelé aux Etats-Unis et au Québec chicken of the woods « poulet des bois ». Ce nom évoque le caractère comestible et fibreux de sa chair lorsque le champignon est bien frais. Peu consommé en Europe, ce champignon est apprécié en Amérique du nord.
Prochainement s’ouvrira la 5e année de la semaine nationale du champignon. A cette occasion l’exposition de champignons présentée par la Société Mycologique de France se tiendra au parc floral de Paris du Vendredi 19 Octobre après midi (14h 30) au lundi 22 Octobre aux heures d’ouverture du parc floral pour le samedi, dimanche et lundi (10h-17h).
L’entrée est libre. Une table d’exposition est réservée aux champignons récoltés dans le bois.
André Lantz le 4 octobre 2012.