Hier, en plein Paris, un triple assassinat a eu lieu au 147 rue Lafayette, dans le Xe arrondissement, siège discret du Centre d’Information du Kurdistan, un bureau de liaison du PKK en France. Sa responsable, Fidan Dogan, connue dans la communauté sous le nom de code de Rojbin, fait partie des trois personnes assassinées. Elle avait 32 ans et était membre du conseil national kurde (KNK) une instance représentative appartenant à la nébuleuse PKK.
La nouvelle a provoqué une onde de choc en France, où les assassinats politiques de ce type sont plutôt rares, mais aussi en Turquie, où l’événement est abondamment relayé par les médias nationaux depuis ce matin. La population kurde est abasourdie, et à Diyarbakir, la grande ville de l’Est, fief du mouvement nationaliste, une manifestation est organisée à 13 h pour protester contre ce drame. A Paris, les sympathisants du PKK se sont rassemblés devant le bâtiment, proche de la gare du Nord.
Parmi les victimes figure également Sakine Cansiz, membre fondatrice du PKK aux côtés d’Abdullah Öcalan (le PKK a été fondé près de Lice, en Turquie, en 1978). Elle avait ensuite été emprisonnée à Diyarbakir et torturée par la junte militaire au pouvoir entre 1980 et 1983. Cansiz, un haut cadre du mouvement en Europe, était une proche d’Öcalan.
Selon une source judiciaire française, « c’est clair, il s’agit d’une exécution ». Ce triple meurtre (deux des femmes ont été abattues d’une balle dans la tête, la troisième au thorax) dans un lieu identifié et surveillé par les services français et turcs pose plusieurs questions.
D’abord, il intervient à un moment clef, alors que des négociations entre la Turquie et le PKK ont été entamées et qu’une feuille de route en vue d’un accord de paix se dessine. Cet assassinat politique a toutes les apparences d’une tentative de sabotage du processus en cours. Reste à déterminer à qui profite le crime. Règlement de comptes interne au PKK ? Ou œuvre des réseaux ultranationalistes turcs toujours actifs en France ? Le mouvement kurde a déjà, par le passé, procédé à des exécutions de dissidents sortis de la ligne politique. L’extrême droite turque reste elle aussi bien implantée dans la diaspora et ses connexions avec « l’Etat profond » sont connues.
Reste à savoir pourquoi Sakine Cansiz était visée. Pourquoi à Paris ? L’enquête a été confiée à la section antiterroriste du parquet de Paris qui va procéder à une autopsie.
Guillaume Perrier, correspondant pour Le Monde à Istanbul depuis 2005.
* Au fil du Bosphore. 10 janvier 2013.
http://istanbul.blog.lemonde.fr/2013/01/10/trois-militantes-du-pkk-executees-a-paris/
Manifestation à Paris après l’assassinat de trois militantes kurdes
Des centaines de Kurdes se sont rassemblés, jeudi 10 janvier, devant les locaux d’une association de la communauté kurde de Paris, dans le 10e arrondissement, où trois femmes kurdes ont été retrouvées mortes dans la nuit de mercredi à jeudi.
Parmi les trois victimes, figure Fidan Dogan, 32 ans, permanente du centre d’information du Kurdistan, a déclaré le directeur du centre, Leon Edart, responsable de la Fédération des associations kurdes de France (Feyka). Elle était également la représentante en France du Congrès national du Kurdistan, a précisé dans un communiqué diffusé sur place la Feyka. Selon la fédération, les deux autres victimes sont Sakine Cansiz, présentée comme « une des fondatrices du PKK » (Parti des travailleurs du Kurdistan, interdit en Turquie) et Leyla Soylemez, une « jeune activiste ».
* Le Monde.fr | 10.01.2013 à 14h17 • Mis à jour le 10.01.2013 à 14h55
Abonnez-vous
Assassinat de militantes kurdes : le BDP dénonce une « provocation »
Trois militantes kurdes ont été retrouvées mortes dans la nuit de mercredi à jeudi à Paris, tuées d’une balle dans la tête, dans les locaux d’une association de la communauté kurde du centre de la capitale. En Turquie, le Parti pour la paix et la démocratie (BDP), principal parti kurde, a réclamé des éclaircissements immédiats de la France.
* Le Monde.fr | 10.01.2013 à 17h29 • Mis à jour le 10.01.2013 à 17h42.
Hollande dénonce le meurtre « horrible » de trois activistes kurdes à Paris
Le président François Hollande a qualifié d« horrible » le meurtre à Paris dans la nuit de mercredi 9 à jeudi 10 janvier de trois militantes kurdes. « C’est horrible, [cela touche] directement trois personnes dont l’une [était] connue de moi et de beaucoup d’acteurs politiques car elle venait régulièrement nous rencontrer, a déclaré le chef de l’Etat. Pour l’instant, l’enquête est engagée et je crois qu’il vaut mieux attendre pour qu’on connaisse bien les causes et les auteurs. »
Le vice-premier ministre et porte-parole du gouvernement turc, Bülent Arinç, a lui aussi dénoncé une exécution « déplorable ». « Je dénonce une telle atrocité commise sous la forme d’une exécution extrajudiciaire », a déclaré M. Arinç devant la presse. Un peu plus tôt, le vice-président du Parti de la justice et du développement (AKP, issu de la mouvance islamiste), au pouvoir, Hüseyin Celik, avait déclaré que la mort des militantes kurdes apparaissait comme un « règlement de comptes » au sein du PKK, émettant l’hypothèse que cette affaire pourrait être liée au processus récent de dialogue engagé par les services secrets turcs avec Abdullah Öcalan, dans l’objectif de désarmer les rebelles kurdes.
« TURQUIE ASSASSIN, HOLLANDE COMPLICE ! »
Les trois militantes kurdes ont été retrouvées tuées dans la nuit dans les locaux d’une association de la communauté kurde du 10e arrondissement. « Trois femmes ont été abattues, tuées, sans doute exécutées. (...) C’est tout à fait inacceptable », a déclaré sur place le ministre de l’intérieur français, Manuel Valls, affirmant sa « détermination » à « faire toute la lumière sur cet acte tout à fait insupportable ». L’enquête a été confiée à la section antiterroriste de la police.
Selon la Fédération des associations kurdes de France, les victimes sont Fidan Dogan, présidente du centre d’information kurde, Sakine Cansiz, présentée comme « une des fondatrices du PKK », et Leyla Soylemez, une « jeune activiste ». D’après Dorothée Schmid, de l’Institut français des relations internationales (IFRI), Sakine Cansiz était très proche du chef emprisonné des rebelles kurdes, Abdullah Öcalan, « un relais de sa parole ».
Dès l’annonce de ces assassinats, des centaines de Kurdes se sont rassemblés devant l’immeuble, scandant « Nous sommes tous PKK ! », « Turquie assassin, Hollande complice ! », et agitant des drapeaux à l’effigie d’Abdullah Öcalan.
RÈGLEMENTS DE COMPTES
Règlement de comptes au sein de la mouvance kurde, lié aux négociations en cours entre Ankara et Abdullah Öcalan, action du mouvement d’extrême droite turc des Loups gris, crime crapuleux, règlement de comptes personnel : plusieurs pistes sont envisageables, a expliqué un spécialiste de la mouvance kurde en France, sous couvert de l’anonymat.
Selon le témoignage de Léon Edart, responsable de la Fédération des associations kurdes, les trois femmes étaient seules mercredi dans les locaux du centre d’information, situé au premier étage de cet immeuble du 147 de la rue Lafayette. En fin d’après-midi, un membre de la communauté a essayé en vain de les joindre. Des amis inquiets se sont plus tard rendus sur place. Ils y auraient vu des traces de sang sur la porte, qu’ils auraient alors défoncée, découvrant les trois corps dans la nuit.
« MASSACRE »
Deux des femmes auraient été tuées d’une balle dans la nuque, la troisième présentait des blessures au ventre et au front, selon la Fédération. Des douilles ont été trouvées à proximité des corps. Outre ces douilles, « il y avait une valise avec des affaires bien rangées », a précisé une source, tout en tempérant : « Mais cela ne sous-entend rien, dans la mesure où l’on ne sait pas encore à qui appartient cette valise. »
Dans les montagnes de Qandil, au Kurdistan irakien, un porte-parole du PKK, Roz Walat, a déclaré que son mouvement ne prendrait aucune position sur ce crime tant que l’enquête de la police française ne serait pas terminée. En Turquie, le Parti pour la paix et la démocratie (BDP), principal parti kurde, a réclamé des éclaircissements immédiats de la France, appelant à manifester contre ce « massacre ».
* Le Monde.fr avec AFP et Reuters | 10.01.2013 à 07h55 • Mis à jour le 10.01.2013 à 17h49