« Dans l’ensemble de la République, c’est à la Réunion que les écarts entre les revenus sont les plus prononcés. 9 des 10 communes les plus inégalitaires de la République se trouvent à la Réunion. » C’est ainsi qu’un commentateur avisé décrivait la situation de l’île en avril 2012… Il semblerait que personne ne l’ait entendu.
En dépit des battages médiatiques sur « l’île à grand spectacle », « l’île intense », il suffit de lire les rapports officiels pour voir que tous les voyants sont au rouge. Une enquête emploi de l’INSEE réalisée en 2011 nous en dit long. Dans chaque département d’outre-mer, plus d’un actif sur cinq est au chômage, avec un record à la Réunion (29,5 %). De plus lorsqu’ils travaillent, le salaire moyen des Domiens est inférieur à celui des métropolitains.
Les jeunes, les plus touchéEs par le chômage, supportent la hausse la plus forte depuis 2010 (+ 4,1 points), 8, 8 points depuis 2007. De plus, 64 % des chômeurEs de 15 à 24 ans le sont depuis plus d’un an, contre 50 % en 2010.
Les jeunes lancent l’offensive
Comment s’étonner que, découragéEs par le niveau du chômage, les jeunes exigent un travail, non plus un emploi précaire ? Un vrai travail avec un vrai salaire, comme ceux de Saint-Louis qui refusèrent de discuter avec les représentants de la mairie pour exiger des emplois dans la zone industrielle le 20 février dernier.
L’exemple de cette audace, de cette « insolence » comme on dit ici, c’est aussi une dizaine de personnes qui l’ont donné en se rendant le 7 février au Pôle emploi de Saint-Benoît pour protester contre la radiation de certains dossiers. Devant le refus de prendre en compte leur détresse, ils ont décidé de rester dans l’agence et d’entamer une grève de la faim.
« Stop ça suffit » !
Face à l’obstruction de la Région dirigée par un jeune loup sarkozyste pur et dur, l’Alliance des Réunionnais contre la pauvreté décida alors de lancer un appel public le 18 février, intimant la jeunesse « à ne pas se laisser faire et à exiger des solutions pérennes à leurs préoccupations. (…) La jeunesse et les familles réunionnaises doivent dire stop ça suffit car donner et créer des emplois à la Réunion c’est possible ».
La jeunesse a répondu présent dans plusieurs villes de la Réunion, notamment Saint-Benoît, Saint-Louis et Le Port, entre le 19 et le 23 février. Le préfet a été obligé d’appeler des renforts de Mayotte, puis de « métropole », pour éviter une extension des émeutes qui célébraient à leur manière les manifestations de février 2012 contre la vie chère… et sans doute aussi pour protéger le passage de la porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, venue dans l’île « vendre » les contrats aidés et les emplois d’avenir – des « solutions mobilisables à court terme pour passer la crise » !
Une gauche introuvable
On aurait pu s’attendre à un soutien des organisations politiques et syndicales dites « de gauche ». C’était sans compter sur l’aveuglement de notre gouvernement et de ceux qui le soutiennent, du PS ou du PCR qui se sont positionnés en faveur de la mise en place des emplois précaires, au nom du « réalisme » et de la paix sociale. « Les emplois aidés sont un mal nécessaire », a même écrit la CGTR… En réponse, une élue communiste de Saint-Louis a été « prise en otage » par les manifestantEs pendant plusieurs heures, pour protester contre le non-respect des promesses !
Le volcan réunionnais n’est pas prêt de s’éteindre, dans ce pays qui, derrière le paravent de la départementalisation heureuse, reste une colonie…
De Tampon, correspondant