Dimanche 18 mars, Mélenchon a fait un tabac au Port, fief du PCR qui, tout en faisant preuve de réserve après la prise de position de son leader historique, Paul Vergès, en faveur de Hollande, a donné les moyens au dirigeant de la CGTR, Ivan Hoareau, président du Comité de soutien à Mélenchon, et proche de Vergès, de l’accueillir en fanfare devant plus de 2 000 militantEs et sympathisantEs enthousiastes, à un moment où la campagne s’annonce plutôt « mol » (terme kréol « terne, décevante »).
Il faut dire que le tribun sait jouer de la passion, de l’humour, de la brosse à reluire et a le don de faire rêver, grâce à sa rhétorique redoutable à la Robespierre, dont il évoque l’héritage de 1789, de 1793... Il sait jouer des ambiguïtés d’ailleurs, l’homme se réclamant de l’esprit des Lumières, de la Révolution française, de la République universelle des droits de l’homme qui prendrait sa source et son essor à partir de la France !... La France qui a toujours justifié ses visées colonialistes et impérialistes au nom de ces grands principes ! Il touche une corde sensible lorsqu’il dit qu’il faudra mettre la finance sous la coupe des citoyens, « mais il faut tondre intelligemment »... Un discours à mi-chemin entre le gaullisme et le PSU, pour ceux qui l’ont connu... un drôle de « zanbrokal » (un mélange culinaire qui ne ressemble plus à rien mais reste goûteux !).
Cela faisait du bien de retrouver un peu d’enthousiasme, de chaleur humaine, après toutes ces années de compromis tournant à la compromission du PCR et de Paul Vergès salués cependant par Mélenchon. Politique de compromission parce qu’on n’a pas été capable d’affronter les grands propriétaires terriens et voulu produire une classe bourgeoise nationale (endogène, proclamée « progressiste ») qui aurait vocation à développer le pays – et « ensuite, plus tard, quand la classe ouvrière sera renforcée numériquement, on pourra aller plus loin » (dixit un des principaux responsables du PCR) – justifiant ainsi les soutiens aux Chateauvieux et autres « gros blancs » (descendants des grands propriétaires terriens, les usiniers, reconvertis dans la banque, l’import-export, etc.) qui parasitent notre pays et le mettent à genoux. C’est cette politique qui a provoqué les émeutes récentes et le désespoir des jeunes, des masses populaires qui vivent pour la plupart avec un revenu proche du seuil de pauvreté, et ne connaissent que les petits boulots, le travail au noir et de longues périodes de chômage.
Le programme de Mélenchon est loin de répondre aux vrais problèmes de l’île et se contente de reprendre les mots d’ordre du PCR, « autonomie énergétique », « développement des pôles d’excellence » pour la recherche et le développement de la pêche, et de tout ce qui a trait à l’océan. Mélenchon reprenant à son compte les raisons pour lesquelles l’impérialisme français tient tant à ses territoires et autres colonies outre-mer : avec les Antilles et la Polynésie, la Réunion permet à la France de garder le contrôle des ressources océaniques (dont aujourd’hui les nodules métalliques qui jonchent le sol marin entre nos îles, riches en métaux rares et précieux). Ils font d’elle le second empire maritime du monde.
Yves Daniel Thébault, la Réunion