La Marche Mondiale des Femmes/Action Nationale du Burkina Faso (MMF/ANBF) lutte depuis plus de dix ans pour l’égalité entre hommes et femmes. L’organisation mène plusieurs campagnes, notamment pour un meilleur accès à l’éducation pour les filles, pour la reconnaissance et la protection contre les violences envers les femmes (violences conjugales, mariage forcé, excision, etc.), pour une meilleure place dans les sphères décisionnelles, ainsi que pour la promotion économique des femmes et la réduction de la pauvreté. La MMF/ANBF tente également de renforcer les solidarités internationales, notamment entre le nord et le sud. Dans ce cadre, du 8 au 15 mars, Awa Ouedraogo Dabiré, responsable de la Marche Mondiale des Femmes au Burkina Faso, et Frédérique Sorg Guima, coopér-actrice d’E-CHANGER, ont donné une série de conférences en Suisse romande sur les différentes luttes des femmes au Burkina Faso en miroir avec la situation des femmes en Suisse. Marianne Ebel, membre de la coordination nationale MMF, les a rencontrées à l’occasion de la table ronde organisée le 12 mars à Neuchâtel ? ; elle nous propose ici quelques reflets d’un échange riche en apprentissages réciproques.
Marianne Ebel : Awa Ouedraogo, vous êtes la secrétaire exécutive de la Marche mondiale au Burkina Faso, sur quels projets travaillez-vous actuellement ?
Awa Ouedraogo : Nous avons beaucoup de projets, mais actuellement nous sommes particulièrement impliquées dans une formation destinée à favoriser une participation active des femmes aux élections et à la vie politique. Au Burkina Faso, la loi électorale oblige les partis à mettre un certain nombre de femmes sur leurs listes (quota), alors tous mettent des femmes mais sans se soucier de les intégrer et de les faire participer à la vie politique. Peu de femmes sont élues : elles sont mises à l’écart par toutes sortes de manœuvres. Pour permettre aux femmes de mieux prendre leur place et de défendre leurs revendications, nous avons formé 220 femmes dans le cadre des dernières élections législatives de décembre 2012. Nous ne savons pas encore exactement combien ont été élues dans les Conseils municipaux, mais nous avons décidé de continuer ce programme de formation, de rencontrer les élues pour évaluer avec elles leurs besoins actuels et pour leur donner une bonne visibilité. Mais nous voulons aussi continuer à travailler avec toutes les autres, car élues ou non, une chose est sûre, elles ont toutes beaucoup appris, et cela personne ne pourra plus jamais le leur reprendre.
Quels sont les défis que vous aimeriez relever tout particulièrement ?
AOD. : Le plus important pour nous est de trouver des moyens pour impliquer et motiver des femmes à s’engager pour changer l’image qu’elles ont dans la société et leur permettre de s’affirmer et de vivre plus librement. Nous manquons cruellement d’argent pour réaliser nos différents projets, et la question qui se pose toujours est de voir comment ne pas être bloquées par manque de moyens. Mais savoir que nous appartenons à un mouvement mondial c’est une grande force, et le fait que la MMF invite chaque coordination nationale à définir son programme et ses projets avec les femmes et les filles du pays est très stimulant.
Frédérique Sorg Guigma, vous travaillez depuis 3 ans comme coopér-actrice d’E-CHANGER pour la Marche mondiale des femmes au Burkina Faso, en quoi consiste votre travail ?
Frédérique Sorg Guigma : Comme le veut l’esprit d’E-CHANGER, il s’agit d’un travail d’accompagnement, une mise à disposition de la Marche mondiale des femmes du Burkina de temps et de compétences. Je suis chargée de communication et je fais en tant que telle partie de l’équipe de la MMF au Burkina. J’appuie les militantes dans leur travail de plaidoyer et de sensibilisation, à l’extérieur. Nous travaillons avec la presse et la télévision, mais j’ai aussi développé des outils pour la communication interne. Nous avons beaucoup réfléchi pour voir comment les membres peuvent participer, s’exprimer, être comprises et comment leur voix peut se faire entendre dans les plaidoyers et les campagnes de la MMF.
Vous venez de passer 10 jours en Suisse pour faire part de vos expériences, quel bilan tirez-vous de ce périple et de ces « regards croisés sur les Femmes du Burkina Faso et de Suisse » ?
FSG : Oui, 10 jours en Suisse très intéressants et intenses : les rencontres et le partage avec les militantes de la Marche mondiale d’ici, la possibilité aussi d’expliquer notre démarche, entendre parler de vos luttes et voir qu’au-delà des différences de conditions et de cultures, nous avançons bien sur une même route. Une façon très concrète de voir que si les revendications de ce mouvement des femmes s’ancrent bien dans les réalités de chaque pays, on retrouve partout les grands axes de la Marche mondiale des femmes : la dénonciation des violences faites aux femmes et aux filles, du harcèlement sexuel en milieu professionnel et scolaire, la lutte contre l’excision et le mariage forcé, mais aussi le droit d’être entendues et d’occuper de meilleures places dans les sphères de décision.
Introduction et mise en forme de Nora Koehler