Un blocus total du Liban et de Gaza, des centaines de morts civils, des milliers de blessés, des dizaines de routes et de ponts détruits. Une pluie de sang. À la suite de deux actions, l’une palestinienne, l’autre libanaise, qui se sont succédé en quelques semaines et qui ont vu la capture de trois soldats israéliens, réalisée en territoire étranger occupé et en zone de guerre - ce qui en fait des prisonniers de guerre et certainement pas des otages civils -, Israël s’est lancé dans cette escalade.
La réponse du G 8, réuni à Saint-Pétersbourg, est celle d’une totale complicité. Celle de Chirac ne se démarque pas de ce soutien explicite à l’agression israélienne : à quoi servirait la fameuse force d’interposition de l’ONU, que Chirac appelle de ses vœux à la grande joie du Premier ministre israélien, Ehud Olmert ? À créer une zone annexée de fait par Israël, sous couvert de la force d’interposition, tout comme le plateau du Golan reste annexé par Israël, sous la protection de l’ONU, depuis 1978 ! De plus, cette zone du sud Liban fait partie du projet sioniste, tout simplement parce que c’est là, et dans le Golan, que se trouvent les ressources en eau de la région. La question du contrôle des ressources d’eau est bien plus importante, pour le gouvernement israélien, que quelques victimes israéliennes civiles.
L’armée israélienne est, en Cisjordanie comme à Gaza et dans le Golan, une armée d’occupation. Au Liban, c’est Israël qui se moque du droit international, de par sa présence au sud Liban, dans la zone des fermes de Chebaa, de par la violation continue de l’espace aérien libanais par ses F-16 depuis plus de vingt ans, les assassinats de militants libanais et palestiniens par le Mossad, au cœur même de Beyrouth et de Saïda, il y a à peine quelques mois. De surcroît, il y a aujourd’hui près de 9 000 prisonniers palestiniens, dont des centaines de femmes et d’enfants, et des dizaines de prisonniers libanais, comme le militant communiste Samir Qantar, enfermé depuis 25 ans, qui croupissent dans les prisons israéliennes. Des centaines d’entre eux sont détenus, sans inculpation ni procès, depuis plusieurs années.
L’offensive israélienne n’a aujourd’hui qu’un seul but : détruire le Hezbollah, l’une des forces de résistance dans la région qui lui donne le plus de fil à retordre depuis son apparition en 1982. Pour cela, Israël utilise deux stratégies combinées : d’une part, il semble vouloir l’anéantir lui-même, au prix de la destruction systématique d’un pays souverain. D’autre part, il manie l’argument diplomatique, demandant à la communauté internationale, ou même aux Libanais, fut-ce au prix d’une guerre civile, de faire ce travail, sous couvert de la résolution 1559, rédigée par la France et les États-Unis. Il y a eu beaucoup de résolutions de l’ONU exigeant le retrait d’Israël sur les frontières de 1967, le droit au retour des réfugiés... La seule que Chirac et Sarkozy veulent faire appliquer, c’est celle qui désarme le Hezbollah !
L’offensive israélienne s’inscrit dans le droit fil du redéploiement impérial amorcé depuis 2001, visant à changer la donne au Moyen-Orient, à écraser toute forme de résistance ou de politique hostile à la mainmise coloniale d’Israël et des États-Unis sur la région. Le Hezbollah est aujourd’hui la cible à court terme, avec la résistance palestinienne. Un Hezbollah qualifié d’organisation terroriste et aventuriste. Pourtant, le Hezbollah, qui a renoncé depuis le début des années 1990 à la perspective d’un État islamique au Liban, et qui se définit lui-même comme une organisation de résistance nationale, bénéficie d’un soutien très large au sein de la population libanaise, notamment en raison de sa résistance acharnée au sud Liban, évacué par Israël en 2000, hormis les fermes de Chebaa : soutien de la communauté chiite, mais également de partis transconfessionnels, comme le Parti communiste libanais - qui affirme, dans son communiqué du 12 juillet, son « soutien à la résistance » - et les militants de gauche anticolonialistes, d’intellectuels de gauche et de nationalistes arabes, du Mouvement patriotique libre du général chrétien Michel Aoun, de la totalité des camps de réfugiés palestiniens, soutien, enfin, de larges pans de la communauté sunnite, autour des députés Suleiman Frangié et Oussama Saad dans le nord Liban, à Tripoli et, enfin, à Saïda. Quelles que soient les divergences ou les réticences que nous pouvons avoir avec ce mouvement, son rôle de résistance à l’impérialisme est indéniable.
Il n’y aura pas de paix tant qu’Israël ne se décidera pas à négocier d’égal à égal avec les Palestiniens, les Syriens et toutes les composantes de la nation libanaise. Le retrait de l’armée israélienne des territoires occupés en 1967, l’évacuation du Golan et des fermes de Chebaa, le démantèlement de toutes les colonies, des négociations incluant le droit au retour des réfugiés, la question de l’eau et le partage de Jérusalem, et la libération de tous les prisonniers seront la seule issue possible.