La condamnation le 10 mai dernier à 80 ans de prison pour génocide d’Efraín Ríos Montt (ERM), arrivé au pouvoir par un coup d’État en mars 1982 et destitué par la même voie 17 mois plus tard, a été annulée le 20 mai par la Cour Constitutionnelle (CC) pour vice de forme.
C’était la première fois qu’un tribunal latino-américain condamnait un ex-président pour génocide. Malgré ce revers, la tenue de ce procès marque incontestablement une avancée qui a permis d’ouvrir une brèche dans l’impunité. Un nouveau procès devra se tenir, mais les faits établis et la responsabilité de l’ex-général ne pourront pas être effacés. Une demande de destitution de la Juge Jazmín Barrios déposée par les défenseurs d’ERM est encore pendante, cette dernière s’est déjà illustrée par la condamnation de militaires impliqués dans des massacres. Brève chronologie des faits.
En 1954, un coup d’État piloté par la CIA met un terme à l’éphémère printemps guatémaltèque et renverse le Président progressiste Jacobo Arbenz coupable d’avoir entrepris une réforme agraire lésant les intérêts de la United Fruit Company. Dès les années 60 apparaissent les premiers mouvements de guérilla qui donneront lieu à une stratégie contre insurrectionnelle classique.
Dans les années 80, avec l’arrivée au pouvoir d’ERM, un fondamentaliste religieux farouchement anti-communiste, la guerre est dirigée directement contre la population civile accusée de soutenir la guérilla. L’administration US n’est pas prête à tolérer un scénario du type Nicaraguayen et a besoin d’un homme fort pour faire face aux insurgés. Ronald Reagan, parfaitement au courant de la stratégie de terre brûlée pratiquée par le régime, fera le nécessaire pour que le Congrès lève les restrictions sur les livraisons d’armes vers le Guatemala.
Une guerre à caractère génocidaire
Dès son arrivée au pouvoir, ERM entreprend une véritable guerre d’extermination contre les populations Ixil de la région du Quiché. Au cours du premier procès, il sera reconnu coupable de l’assassinat de 1771 indigènes de cette ethnie comptant 39 000 personnes. Ce procès ne concernait qu’un nombre limité de massacres perpétrés durant son régime. Sa dictature se soldera par un total de 42 000 victimes (1).
Après la résolution négative de la CC, il est important que les investigations judiciaires se poursuivent contre toutes les personnes potentiellement impliquées. Parmi elles figure l’actuel Président Otto Pérez Molina dont la participation aux opérations militaires en territoire Ixil durant cette période est amplement démontrée par des documents.
Les secteurs ultras réactionnaires et l’oligarchie qui ont estimé que le jugement prononcé le 10 mai était une vengeance du « communisme international » ont marqué un point et n’entendent pas en rester là. Pour les indigènes du Guatemala qui mènent d’importantes luttes contre les entreprises minières transnationales et pour la protection de leurs territoires, ce jugement a au contraire représenté l’espoir de pouvoir dépasser le traumatisme et l’effet paralysant de la guerre civile. C’est dans cette perspective que nous devons manifester notre solidarité à ceux qui luttent contre l’impunité afin que le procès à venir leur rende justice.
Héctor Márquez, correspondant de solidaritéS à Mexico.
Note
(1) Sur la plus tragique et brutale des guerres civiles latino-américaines qui coûta la vie à plus de 200 000 personnes on se rapportera à la version abrégée du rapport Nunca más établi par une Commission pour la reconstitution de la mémoire historique publiée en français par les Éditions Karthala sous le titre de L’enfer guatémaltèque 1960-1996.