L’auteur présente un copieux choix de documents bruts, tels que parut un siècle durant dans les colonnes de l’Humanité, organe socialiste (jusqu’en 1920) puis communiste Se côtoient déclarations officielles d’instances, informations courantes, reproductions de dessins où des caricaturistes comme Grassier croquaient le quotidien de l’« outre-mer », signatures de dirigeants (Jaurès, Ho Chi Minh, Maurice Thorez, André Marty...) et de reporters engagés sur le front de l’anticolonialisme, comme Madeleine Riffaud. L’ouvrage rassemble un matériel de référence indispensable à quiconque s’intéresse à l’histoire du colonialisme français, du parti socialiste des origines et du PCF.
L’intérêt du livre est d’autant plus grand qu’Alain Ruscio nous offre une anthologie critique qui s’interroge sur les grandeurs et les limites de l’anticolonialisme français. En introduction, il analyse la formation de l’idéologie dominante de l’époque (incarnée par les thèses du « parti colonial ») et situe le rôle joué par l’Humanité dans l’affirmation des solidarités entre Français et peuples colonisés. Au fil des pages, événements, documents et positionnements de la direction du PCF sont présentés, sans cacher contradictions ou abandons.
Alain Ruscio définit en ces termes sa démarche : « L’historien n’est ni un arbitre entre clans partisans, ni un intellectuel désengagé des enjeux politiques. Il a simplement le droit - il a certainement le devoir - de continuer à réfléchir sans se soucier de savoir si tel ou tel de ses travaux profitera à une thèse en présence ». Son ouvrage vient à point, au moment où le Parlement français exige, dans un bien étrange article de loi, que les manuels scolaires chantent le rôle « civilisateur » de la colonisation. En restituant le passé via des documents d’époque, Ruscio répond à l’exigence du « devoir de mémoire » que la métropole doit aux colonisés. En se prolongeant jusqu’en 2004, il souligne l’actualité d’un combat solidaire.