Aux dernières élections, le PD a remporté un succès qui ne peut être reconduit à ceux du passé. Navigant savamment sur le découragement de la moitié de l’électorat, qui a déjà pour part désinvesti le vote de protestation pour le MoVimento 5 stelle (M5S) de février dernier [1]. Exploitant la désagrégation de la droite pour laquelle le soutien de Berlusconi ne suffit plus. Profitant de la longue crise et du processus de dissolution de la gauche radicale, et du solide appui de CGIL, CISL, UIL et de la Confindustria, le PD s’est placé au cœur d’un système qui contrôle presque complètement et occupe presque toute la scène politique officielle.
Ce que l’on peut appeler le « système PD » attire des forces de droite au sein des pouvoirs économiques et de l’Eglise officielle. A gauche, il a réabsorbé Vendola [leader de Sinistra Ecologia Libertà (Sel), NdT], Landini [secrétaire générale de la Fiom-CGIL -syndicat des ouvriers de la métallurgie, NdT], et même certains secteurs des centres sociaux. Et c’est avec cette constellation qu’il a remporté haut la main les dernières élections.
Le « système PD » triomphe
Le système PD a en réalité très peu à voir avec le vieux PCI ? ; il utilise toujours plus ce qu’il en reste comme base logistique et armée de réserve. Ce n’est pas un hasard si le secrétaire du parti est un ex socialiste et le président du conseil un démocrate-chrétien. La dialectique interne au PD et à son système n’a rien à voir avec celle des vieux partis de gauche ? ; il s’agit d’alliances et de contenus interchangeables selon les cordées qui se construisent et les leaders qui se présentent face aux caméras. Sous cet angle, le « système PD » a presque complètement occupé l’espace du vieux penta parti [coalition des cinq partis qui ont régi l’Italie de juin 1981 à avril 1991 : démocratie chrétienne, parti socialiste, parti républicain, parti libéral et parti socialiste démocratique italien, NdT]. Un penta parti qui perce à gauche et pousse à la marge les droites et les gauches d’opposition, tout en œuvrant à la destruction du M5S. En cela, il est bien aidé par les contradictions et la faiblesse culturelle et politique du mouvement. Ainsi le « système PD » semble même démentir la « loi du PASOK », le parti de centre-gauche grec qui s’est fracassé sur la politique d’austérité et d’unité nationale avec la droite. Chez nous, le PD triomphe et la droite s’écroule sur cette même politique.
Pas de lumière au bout du tunnel
La politique économique de ce gouvernement est déjà en train d’échouer pas seulement et pas tant parce que le chômage de masse s’étend sans frein. Il est évident en effet que ce chômage est aussi le produit voulu des politiques économiques d’austérité ? ; les gouvernements qui actent ces politiques savent qu’elles détruisent des emploi. La question de fond est que cette destruction ne crée pas de nouvelle relance. Parmi toutes les données économiques négatives de ces derniers jours, la plus significative est la chute des exportations.
Qu’est-ce à dire ? On agit sur le levier du chômage et de la précarité pour avoir un travail flexible et disponible à bas prix ? ; on laisse aller à la dérive le système industriel et productif en comptant sur la croissance de la compétitivité du peu qu’il en reste ? ; on détruit l’Etat social pour faire face à la dette et attirer les capitaux étrangers… En somme, on restreint tout le système pour vendre plus à l’étranger, et après on découvre que tous les pays font de même, et la récession augmente.
Il n’y a pas de lumière au fond du tunnel. On ne peut pas revenir en arrière, au bien-être relatif du passé, et on ne peut pas avancer. On se précipite toujours plus rapidement dans la crise. L’histoire particulière politique italienne a fait du « système PD » le centre moteur de toutes ces politiques et de leur inévitabilité. La droite s’occupe des juges, on ne sait pas bien ce que font CGIL, CISL, UIL, et, dans notre pays, il n’y a pas de gauche anticapitaliste forte qui lutte contre l’austérité et qui sache proposer des alternatives.
Ainsi la victoire du PD est le miroir d’un déclin. Le PD n’est pas le parti du changement mais celui de l’honnête résignation. Combien de temps cela durera-t-il ? Soit jusqu’à l’effondrement dramatique du processus de crise, soit jusqu’à la reprise du conflit social et politique contre l’austérité. Mieux vaut œuvrer à celle-ci, plutôt que de se résigner à attendre le premier.
Giorgio Cremaschi