Comme on pouvait s’y attendre, une foule énorme (mais moins que le 30 juin) a répondu à l’appel de Sissi, de quasi tous les partis d’opposition (sauf les salafistes, les socialistes révolutionnaires, Fotouh et le Mouvement du 6 avril), des syndicats, de quasi toute la presse, du pape copte et d’Al Azhar, demandant un mandat du peuple pour lui permettre de mener sa lutte contre le terrorisme. En fait c’est un plébiscite.
Sissi avait besoin du soutien du peuple contre les pressions occidentales et la résistance des Frères Musulmans et ça il le dit, mais aussi, et ça il ne le dit pas, contre la vague de grèves qui réapparaissait depuis trois jours.
En détournant la révolution sociale en marche, pour protéger la propriété, l’armée, soutenue par l’opposition laïque et de gauche, tente de se positionner en Bonaparte. Le but c’est de dévier le cours de la colère populaire contre les Frères Musulmans, qui eux, acculés à la survie, mènent un combat à la vie à la mort, et, en même temps de s’appuyer sur cette résistance des Frères (qui ont réalisé aujourd’hui une manif bien inférieure en nombre, mais non négligeable quand même) pour élever l’Etat au-dessus du peuple, redorer son blason et lui permettre dès qu’il en aura l’occasion de s’en prendre directement à la révolution.
La situation de révolution permanente où la révolution démocratique est bousculée par la révolution sociale qui n’est pas encore arrivée à maturité faute d’expression politique, donne, tant que ce processus n’est pas abouti, un espace au bonapartisme.
Cependant, rien n’arrêtera la poussée de fièvre des grèves qui ont commencé à reprendre de plus belle et, semble-t-il pour des revendications économiques, mais aussi pour exiger de dégager tous les dirigeants politiques et économiques (patrons et directeurs), à tous les niveaux. Là Sissi n’aura pas le choix, il devra montrer son vrai visage. Ce sera très rapidement du « Ni Morsi ni Sissi ». Ce qui est intéressant, c’est que malgré l’ambiance générale, on a vu aujourd’hui une troisième manifestation, toute petite certes, mais significative de gens contre le fascisme religieux mais aussi contre la dictature militaire. Manif destinée à grandir dans la période à venir. Par ailleurs un des slogans très repris par la foule est aussi significatif : « Maintenant Sissi, agis. Le peuple attend ». Ca sonne comme un soutien mais aussi un ultimatum. Sissi n’a pas trop de temps devant lui. Je ne sais pas aujourd’hui, mais dans les manifs précédentes, il y avait un slogan aussi très repris « le peuple, c’est le pouvoir« . Et l’habitude des comités populaires.
Jacques Chastaing, le 26 juillet, 20h