Les éditions Agone ont publié plusieurs ouvrages de Howard Zinn, dont le désormais célèbre Une histoire populaire des Etats-Unis (28 euros), et Karl Marx, le retour - pièce historique en un acte (9 euros). S’il est moins connu que son ami Noam Chomsky, Howard Zinn, professeur d’histoire politique, qui fait une lecture « libertaire » de Marx, a participé à tous les combats progressistes aux États-Unis depuis plus de 50 ans. Il les raconte dans une passionnante Autobiographie militante (Agone, 20,90 euros). En écrivant, Karl Marx, le retour, Howard Zinn a poursuivi une idée : « J’ai écrit cette pièce à une période où l’effondrement de l’Union soviétique provoquait [...] une jubilation quasi universelle [...]. Marx était vraiment mort. Je jugeais donc important de montrer clairement que ni l’URSS ni les autres pays qui, se disant “marxistes”, avaient installé des États policiers n’incarnaient la conception du socialisme de Marx. » Yvan Morane, comédien, metteur en scène, a monté la pièce.
Comment as-tu découvert ce texte de Howard Zinn ?
Yvan Morane - C’est Richard Massoutier, directeur du Théâtre de la Croix-Blanche Albi et directeur artistique du festival de théâtre qui se déroule chaque été dans cette ville, qui m’a, un jour, apporté ce texte, en me demandant si j’accepterais d’en faire une « lecture-spectacle » au cours du festival 2005. Je l’ai lu - coïncidence des calendriers - dans un avion qui m’emmenait à Bucarest, en Roumanie, où je faisais une mise en scène d’opéra... Au bout de quelques pages « j’entendais » le texte, je ne le lisais plus ! Le dire m’a alors paru nécessaire.
En quoi t’a-t-il paru nécessaire ?
Y. Morane - Parce que, sur le fond, il détruit les arguments de ceux qui « caricaturent » Marx en en faisant le maître à penser des « dictatures » communistes du xxe siècle, et sur la forme, c’est éminemment théâtral, puisque cela rend le personnage extrêmement humain. Il y est démythifié. Il est touchant et insupportable, intelligent et injuste, visionnaire et intolérant... On peut donc se (re) plonger dans son œuvre sans idolâtrie et sans réserve !
Quels sont les problèmes de l’acteur et du metteur en scène pour réussir (ce qui est le cas) à en faire un texte de théâtre, et non un discours ?
Y. Morane - Pour le metteur en scène, c’était d’éviter le côté « conférence » didactique : Marx, devant une table, avec ses livres... (tel que la pièce est montée aux États-Unis, et où elle remporte d’ailleurs, sous cette forme, un grand succès). Pour l’acteur, c’était d’accepter de ne pas composer un personnage que l’on aime ! D’où mon parti pris d’en faire un clochard bizarre, colérique et tendre dans un espace que je divise en trois : Soho, les autres lieux, et le présent de la représentation où se trouve le seul décor du spectacle, un grand banc.
Comment le public a-t-il accueilli les premières représentations ?
Y. Morane - De façon excellente ! À ce jour, trois représentations, trois beaux succès : la création devant un public de festivaliers, une reprise, à l’automne 2005, dans un théâtre ayant une programmation habituellement plus conventionnelle et, pour la LCR, à Bègles, le 1er mai - ce fut, pour moi, sincèrement, la représentation la plus émouvante.
Quand sont les prochaines représentations ?
Y. Morane - Le 1er août 2006, au festival de théâtre de Figeac, le 17 septembre à l’Espace théâtre de la fête de l’Humanité, le 14 octobre à Pont-de-Claix, dans le cadre de la manifestation « Hommage à l’acteur »... Une série est en projet à Paris, de manière à monter une tournée conséquente en 2007/2008. La décision sera prise à l’automne de cette année... La « lecture-spectacle », initialement travaillée pour une seule représentation, commence donc à devenir un spectacle à part entière, apparemment vouée, c’est en tout cas mon désir, à une longue carrière.