A Cuba, la plupart des écrits historiques sur les luttes sociales et politiques allant des années 20 à la révolution triomphante de 1959, au mieux, ignorent l’apport des militants trotskystes cubains pendant cette période, au pire, reprennent les calomnies classiques adressées par les staliniens à l’égard des partisans de la révolution permanente (cette dernière attitude traverse l’entièreté du livre du communiste cubain Lionel Soto, La revolucion del 1933, Ed. Pueblo y Educacion, La Havane, 1985).
L’importance d’autres militants révolutionnaires cubains est également largement sous-estimée. C’est le cas d’Antonio Guiteras [2].
Une première : une thèse de doctorat sur les origines du trotskysme à Cuba
La Havane, 2 juillet 1997 : Rafael Soler, professeur d’histoire à l’Université de Santiago de Cuba (900 km à l’Est de la capitale cubaine) défend sa thèse de doctorat sur le trotskysme cubain (1932-1935). La séance est publique : Rafael Soler se présente devant le Tribunal National Permanent des Grades Scientifiques de Sciences Historiques (jury composé d’universitaires) chargé d’octroyer ou non le titre de docteur. Le titre de sa thèse : « Le trotskysme dans la révolution des années 1930 ».
Au sein du « tribunal », une docteure en histoire est chargée de faire la critique de la thèse. Quelques critiques de forme puis une interrogation : « Comment justifiez-vous la caractérisation des trotskystes cubains comme révolutionnaires ? ». Un autre confrère est chargé de l’appui à la thèse. Il montre le caractère inédit du thème, considère que la thèse est très bien étayée et propose de ne pas en rester là : d’autres chercheurs devront approfondir le sujet et se rapprocher du présent. La parole est ensuite donnée à l’auteur. En quinze minutes, il résume son travail montrant les caractères contradictoires du mouvement trotskyste cubain : implantation significative dans plusieurs milieux sociaux sur presque tout le territoire, sectarisme répondant à celui du PC officiel, rôle de division, dogmatisme (les trotskystes n’auraient pas compris la stratégie révolutionnaire de Lénine et appliqueraient de manière mécanique la théorie de la révolution permanente qui est une théorie de type gauchiste)… Néanmoins, malgré ces critiques, Rafael Soler affirme que, dans les années 1930, « le mouvement trotskyste cubain (…) est caractérisé par son caractère anti-impérialiste, son orientation révolutionnaire, son adhésion au marxisme et sa défense des intérêts nationaux. Il était constitué, en majorité, d’hommes et de femmes fort jeunes qui agissaient honnêtement, guidés par la volonté d’obtenir des changements radicaux dans la société cubaine (…) » [3].
La discussion s’engage. Un collègue intervient pour exprimer une critique de la thèse. Il déclare en substance : « Il n’est pas vrai que les trotskystes défendaient une position dogmatique sur la nature de la révolution. La preuve : la révolution qui a triomphé à Cuba en 1959 était de caractère socialiste. C’est le PC officiel qui a maintenu une vision dogmatique étapiste de la révolution.(…) Le Mouvement du 26 juillet a dirigé une révolution socialiste à Cuba en 1959 ». Un autre collègue déclare qu’au cours des enquêtes qu’il réalise depuis 20 ans auprès des survivants du mouvement « Jeune Cuba » (né après la crise révolutionnaire de 1933, voir plus loin) et du Parti Orthodoxe (dont est issu Fidel Castro), plusieurs témoignages indiquent une influence certaine du programme trotskyste sur les mouvements en question. Et de proposer, en substance, comme thème d’une future thèse : le programme trotskyste n’a-t-il pas influencé indirectement celui du Mouvement du 26 juillet élaboré par Fidel, même si ce dernier n’avait aucun contact avec les trotskystes ?
Il serait trop long ici de résumer l’ensemble de la discussion autour de la thèse de Rafael Soler. Il a obtenu le grade de docteur à l’unanimité et sa thèse (qui est partiellement publiée dans différentes revues cubaines) a été sélectionnée comme la meilleure thèse de l’année 1997 (thèse de doctorat en sciences historiques) par la commission nationale des grades scientifiques. L’auteur s’est vu également octroyer par le Ministre de l’Education Supérieure, le prix couronnant la meilleure recherche historique de l’année 1997.
Il est encourageant de constater que, malgré une évolution contradictoire de la société cubaine aujourd’hui, il y a place pour une telle recherche (la thèse en question fait actuellement partie du programme de maîtrise de plusieurs universités cubaines). Il faudrait que, sous une forme ou une autre, le travail de Rafael Soler soit rendu accessible sur le plan international. L’auteur, dont je suis loin de partager toutes les opinions, a réalisé un travail remarquable et sincère. Un des aspects irremplaçables de son travail : le fait que, pendant deux ans, il ait parcouru toute l’île pour interviewer des vétérans du trotskysme cubain des années 1930. Il en a retrouvé plus d’une trentaine dont beaucoup revendiquent avec fierté leurs convictions trotskystes et leur volonté de défendre Cuba face à l’impérialisme US.
Les trotskystes cubains dans les années 1930
Dès 1931, un courant de gauche dans le PC de Cuba se rapproche de Trotsky et de ses partisans de l’Opposition de Gauche Internationale (qui, en 1933, prit le nom Ligue Communiste Internationale pour devenir, en 1938, la Quatrième Internationale).
Cette situation reflète ce qui se passe un peu partout dans le monde dans les partis communistes. En URSS, Staline a dirigé une contre-révolution bureaucratique et renforcé jusqu’à la caricature les traits autoritaires du régime issu de la révolution d’octobre 1917. Il réprime brutalement puis interdit toute critique à l’intérieur de la société et du parti soviétique. Une bureaucratie conservatrice à la tête de laquelle il se trouve exerce une dictature féroce sur le peuple. Pour se protéger, au niveau intérieur, cette bureaucratie stalinienne liquide physiquement les opposants (dont des révolutionnaires de la première heure), annihile toute expression révolutionnaire en instituant une police politique implacable et un système de délation qui sape la solidarité citoyenne.
Au niveau de la politique étrangère, au nom de la sauvegarde du socialisme mais toujours pour préserver son pouvoir personnel, Staline engage les PC dans une série de zigzags : en 1926-1927, des compromissions avec les bourgeoisies les éloignent de la Révolution mondiale (comité anglo-russe en Grande-Bretagne, alliance suicidaire entre le Kuomintang de Tsiang Kai Check et le PC en Chine en 1926). A la fin des années 20 - début des années 30, Staline imprime un virage gauchiste et sectaire aux PC : celui de l’offensive révolutionnaire avec l’auto-proclamation de soviets dans de nombreux pays semi-coloniaux ou coloniaux (que ce soit à Cuba ou au Vietnam) et le refus de l’unité d’action avec les socialistes pour affronter le fascisme et le nazisme en Europe. Cette ligne gauchiste sera suivie ensuite d’une orientation « front populaire » (1935-1936) puis, en Amérique latine, d’un soutien des PC à des régimes dictatoriaux au service des USA (Somoza au Nicaragua, Batista à Cuba) dans le cadre de la grande alliance anti-fasciste mondiale.
Pour le courant trotskyste, au contraire, la réalisation du « socialisme dans un seul pays » prônée par Staline, est une aberration : il faut rompre l’isolement de l’URSS et faire avancer la perspective révolutionnaire dans le monde en assurant un front uni des opprimés et de leurs organisations. Le concept de la « révolution permanente » signifie la nécessité de mener à bien la conquête des droits démocratiques, la réforme agraire et l’indépendance effective des pays coloniaux ou semi-coloniaux en se battant jusqu’à l’aboutissement socialiste de la destruction de l’Etat capitaliste sans faire de compromis boiteux avec les bourgeoisies nationales. Ceci nécessite une politique d’alliance sans ambiguïté par rapport aux bourgeoisies et un soutien inconditionnel à toute lutte d’émancipation des opprimé(e)s.
Les militant(e)s qui constituent ce courant de gauche dans le PC de Cuba, proviennent du mouvement syndical (la Fédération Ouvrière de La Havane) ; beaucoup sont d’origine anarcho-syndicalistes, de l’organisation de solidarité Défense Ouvrière Internationale (DOI) et du mouvement estudiantin, appelé Aile Gauche Etudiante (AIE).
En 1932, le retour à Cuba de Sandalio Junco [4] et de Juan Ramon Bréa [5], deux dirigeants communistes ayant séjourné en Europe pour le Parti et l’Internationale Communiste, renforce les liens entre cette opposition et le courant trotskyste international.
Sandalio Junco, ouvrier boulanger, était un des rares dirigeants noirs du PC. Il avait milité avec Julio Antonio Mella [6] (principale figure du communisme cubain des années 1920) à Cuba. En novembre 1925, ils figurent tous les deux parmi les militants emprisonnés suite à la découverte d’une bombe au théâtre Payret de La Havane. En 1927, Junco et Mella effectuent un premier voyage à Moscou (Mella s’y rend en passant par Bruxelles où se tient un congrès international de la Ligue Anti-Impérialiste). Ensuite, ils se retrouvent tous deux en exil forcé au Mexique où ils fondent l’Association des Nouveaux Emigrés Révolutionnaires Cubains. Le jeune Antonio Mella était très critique à l’égard de l’orientation prise par Moscou en politique intérieure et extérieure. Mella avait été sanctionné par le Comité Central du PC Mexicain dont il était membre ; il avait également des démêlés graves avec la direction du PC Cubain fortement influencée par Moscou. Mella est assassiné en janvier 1929 par des agents du dictateur Machado.
De son côté, Juan Ramon Bréa, après avoir dirigé des luttes étudiantes à Cuba (avec Raul Roa et Ruben Martinez Villena), est devenu trotskyste lors de son séjour en France et en Espagne (au moment où Junco était à Moscou). De retour à Cuba, il est emprisonné pendant plusieurs mois en compagnie de Raul Roa à la prison modèle de l’Ile des Pins.
En août 1932, se constitue à l’intérieur du PC cubain, l’Opposition communiste de Cuba, elle s’oppose à la ligne de la majorité de la direction du PC qui pratique une orientation gauchiste ultrasectaire.
Sandalio Junco et plusieurs autres dirigeants communistes furent exclus du parti en septembre 1932. Malgré l’effet combiné de la répression exercée par la dictature de Machado et les dénonciations dont ils faisaient l’objet de la part de la direction stalinienne du PC, leurs partisans gagnèrent la majorité du mouvement estudiantin (AIE) sur le plan national. De leur côté, Sandalio Junco et ses camarades furent élus à la direction d’une fédération syndicale (FOH) qui étendit rapidement son implantation à une grande partie de Cuba (jusqu’à Santiago de Cuba et Guantanamo). Enfin, ils jouissaient d’une grande influence dans la Défense Ouvrière Internationale (DOI).
Pendant le premier semestre 1933, les USA qui perçoivent le danger d’un renversement révolutionnaire de la dictature de Machado envoient une mission de haut niveau dirigée par Welles qui essaye de préparer une sortie négociée de Machado tout en conservant la domination US sur l’île. Les trotskystes cubains dénoncent de manière virulente cette manœuvre. C’est eux qui rédigent le célèbre manifeste de l’Alliance Estudiantine de Gauche « Al Pueblo de Cuba ! A todos los estudiantes » La Habana, 28 juin 1933 [7]. En été 1933 se développe un mouvement de masse qui prend des formes de plus en plus radicales. Les grèves sectorielles commencent en juillet et début août 1933, elles se transforment en une formidable grève générale politique. Au cours d’une manifestation le 1er août 1933, à Santiago de Cuba, America Lavadi Arce tombe sous les balles de la police : c’est la première martyre trotskyste cubaine.
Après avoir participé au déclenchement de la grève, le PC stalinien appelle à y mettre un terme car il est en négociation secrète avec le dictateur Machado (la direction du PC stalinien espère ainsi obtenir du dictateur une légalisation des activités du parti et du syndicat qu’il influence, la CNOC –Confédération Nationale des Ouvriers de Cuba-). Les masses poursuivent la grève.
Les trotskystes, qui se meuvent dans la lutte comme des poissons dans l’eau (grâce à leur pratique à la fois non sectaire à l’égard des autres organisations et radicale au niveau des propositions et des revendications), appellent à la poursuite de l’action. En pleine ascension du mouvement de masse, ils fondent le Parti Bolchévique-Léniniste, en accord avec la décision de la direction trotskyste internationale de construire à partir d’août 1933 des partis indépendants des PC. Ce parti implanté à l’échelle nationale est surtout présent à l’est de l’île. Il est majoritaire à Guantanamo (presque toute la section du Parti communiste de cette ville décide de passer au trotskysme) et bien implanté à Santiago de Cuba, Las Tunas, Puerto Padre et Holguin. Il joue également un rôle important à La Havane et à Matanzas.
La situation devient quasi révolutionnaire pour une période de plusieurs mois. Le PC déclare avoir fait une erreur en appelant à l’arrêt de la grève générale. La dictature de Machado doit laisser la place à un gouvernement de transition démocratique (le gouvernement de Carlos Manuel de Cespedes du 13 août au 4 septembre 1933, suivi par le gouvernement de Grau San Martin [8] et d’Antonio Guiteras [9] dont plusieurs éléments sincèrement anti-impérialistes défendaient des positions de gauche), ce qui ne met pas un terme à la radicalisation des masses. Le sergent Fulgencio Batista est du côté de ceux qui déposent le dictateur Machado. Mais il attend son heure pour organiser l’offensive contre le mouvement de masse et asseoir son pouvoir. Antonio Guiteras constitue l’aile gauche radicale, révolutionnaire, anti-impérialiste du gouvernement de Grau. Il est soutenu notamment par les trotskystes qui collaborent avec le mouvement « Jeune Cuba » qu’il a fondé.
Alors qu’un puissant courant anti‑Yankee se développe, Ramon Grau San Martin (l’un des universitaires les plus engagés dans la lutte contre Machado), nouveau chef de l’État, ordonne la réduction des heures de travail, reconnaît le droit de grève et, sous la pression populaire, parvient à obtenir l’abrogation de l’amendement Platt (1934). Egalement à l’actif du gouvernement Grau San Martin – Antonio Guiteras : le droit des vote des femmes, le droit des paysans sur la terre qu’ils occupent, l’annonce d’un programme de distribution des terres, la réduction massive des intérêts des prêts et la répression de l’usure, la baisse de 40% des tarifs de l’électricité, l’arrêt du remboursement de la dette extérieure. Grau San Martin explique qu’il s’agit de « liquider la structure coloniale qui survit à Cuba depuis l’indépendance ».
Harcelé par les communistes qui déclarent qu’il est à la tête d’« un gouvernement établi par la petite-bourgeoisie et l’armée, un gouvernement qui défend les intérêts de la bourgeoisie, des grands propriétaires et des impérialistes » (sic !), Grau San Martin est déposé le 15 janvier 1934 par les colonels Batista et Mendieta. Leur coup d’Etat est soutenu, voire commandé, par les USA. Fulgencio Batista devient le chef de l’armée. La dictature ouverte sévit du 15 janvier 1934 jusqu’à l’été 1938 quand Batista décide d’initier une ouverture démocratique.
En mars 1935, une grève générale est déclenchée contre Batista et Mendieta. Les trotskystes y participent activement notamment via la Fédération Ouvrière de La Havane (FOH) dont Gaston Medina (dirigeant du parti trotskyste PBL) est secrétaire général. La grève générale a été préparée par un comité unitaire au sein duquel Joven Cuba et le PBL jouent le rôle central. Les communistes staliniens choisissent d’appeler à la grève de manière séparée en restant en dehors du comité unitaire. La grève est un échec.
Le 8 mai 1935, Antonio Guiteras est assassiné par les soldats de Batista.
De 1935 à 1938, la répression s’abat sur le mouvement populaire qui reflue. Les trotskystes cubains sont entraînés par ce reflux et sont victimes de campagnes calomnieuses du PC stalinien qui n’hésite pas, dans certains cas, à utiliser la force (déjà, le 27 août 1934, un commando de communistes staliniens avaient attaqué de manière armée le local de la FOH dirigée par les trotskystes. Bilan : un mort et plusieurs blessés).
Deux orientations différentes séparent alors les militants trotskystes cubains.
La première consiste à donner la priorité à la construction d’un parti trotskyste indépendant comme tâche immédiate, la seconde consiste à rejoindre des organisations plus larges en particulier Joven Cuba et d’y jouer un rôle dirigeant en défendant une politique révolutionnaire.
Ceux qui optent pour la construction d’une organisation trotskyste indépendante maintiennent le PBL qui deviendra le Parti Ouvrier Révolutionnaire (POR) le 19 septembre 1940, quelques semaines après l’assassinat de Trotsky à Mexico par un agent de Staline. Parmi les dirigeants du POR, on trouve Ramon Bréa, qui, après avoir participé avec le POUM à la guerre d’Espagne dans les brigades internationales, séjourna en Tchécoslovaquie puis revint à Cuba où il mourut en 1941. Fait également partie de la direction du POR, Pablo Diaz, qui participera plus tard avec Fidel Castro et Che Guevara à l’expédition du Granma.
Les autres (dont Sandalio Junco et Gustavo Fraga) entrent dans Joven Cuba, organisation politique radicale de gauche fondée par Antonio Guiteras qui réussit à se maintenir malgré la répression et les dénonciations dont elle fait l’objet de la part du PC stalinien. Joven Cuba réussit même à progresser.
Le 13 septembre 1938, le Parti communiste est légalisé car il appuie l’ouverture démocratique de Batista.
En 1940, l’homme fort du régime depuis 1934, le colonel Fulgencio Batista réussit à se faire élire président grâce à un mode de scrutin qui ne permet de voter qu’à la moitié du corps électoral. Il bénéficie pour ce faire de l’appui du Parti communiste et des puissants intérêts nord‑américains. Selon le PC, aux ordres de la bureaucratie stalinienne au pouvoir à Moscou, face à l’avancée du fascisme et du nazisme en Europe, il faut prendre en compte l’ « orientation démocratique » de l’administration Roosevelt qui a remplacé la traditionnelle politique du gros bâton par celle du bon voisinage. En conséquence, Cuba, affirme le PC, doit collaborer avec les gouvernements démocratiques, et plus particulièrement celui des Etats-Unis. Cuba connaîtra une alliance entre le parti communiste et le colonel Fulgencio Batista, qui va durer de 1939 à 1944, quand celui-ci démissionne. En 1943, le président du parti communiste, l’écrivain Juan Marinello, est ministre sans portefeuille du gouvernement Batista.
Le 8 mai 1942, Sandalio Junco est assassiné dans la ville de Sancti Spiritus par un commando stalinien alors qu’il prenait la parole à un meeting en commémoration de l’assassinat d’Antonio Guiteras. Sandalio Junco était à cette époque Secrétaire Général de la Commission Ouvrière Nationale du Parti Révolutionnaire Cubain (Authentique), très influente dans la classe ouvrière. Il était dénoncé par les staliniens comme hitléro-trotskyste infiltré dans le PRC pour trahir les ouvriers honnêtes.
A partir de la fin des années trente, le parti trotskyste cubain connaît une situation de marginalisation politique dont il ne s’est pas relevé. Plusieurs de ses militants ont néanmoins poursuivi localement une activité révolutionnaire qui leur a valu une réelle reconnaissance politique. Le parti trotskyste devenu, à la fin des années ’30, le Parti Ouvrier Révolutionnaire en remplacement du PBL conserva une véritable influence organisée dans la partie orientale de l’île en particulier à Guantanamo et à Santiago de Cuba. Certains de ses membres participèrent au combat insurrectionnel dirigé par le mouvement du 26 juillet entre 1953 et 1959 (Idalberto Ferrera Acosta, Juan Medina, Luciano Garcia, Guarina Ramirez).
Par ailleurs, d’autres militants trotskystes n’ayant plus de liens organisés avec le POR jouèrent également un rôle significatif dans le Mouvement du 26 juillet ( M 26-7) des années ’50. Il s’agit en particulier de l’ouvrier Gustavo Fraga qui affirma jusqu’au bout ses convictions trotskystes. Il joua des années 1930 jusqu’à sa mort un rôle tout à fait déterminant dans le mouvement ouvrier à Guantanamo. Il fut en 1933, la figure principale du Parti Bolchévique-Léniniste de cette ville et dirigea la grève générale d’août 1933. En 1934, dans le cadre de l’orientation adoptée par les trotskystes, il adhéra à Joven Cuba et devint un de ses dirigeants principaux dans la région. Il prit la direction d’actions fameuses comme la prise de la douane de Guantanamo (base militaire US). Après la fondation du Mouvement du 26 juillet, il devint le chef de la section ouvrière du M 26-7 de la région et organisa la grève en riposte à l’assassinat de Frank Païs à Santiago de Cuba le 30 juillet 1957. Il mourut au combat en manipulant des explosifs le 4 août 1957 à Guantanamo. Peu après, la direction du M 26-7 donna le nom de Gustavo Fraga à un détachement guerrillero du second front oriental dirigé par Raul Castro.
Pablo Diaz mérite également d’être mentionné. Ouvrier teinturier, il fit partie de la direction locale du Parti Bolchévique-Léniniste en 1933 à Santiago de Cuba. Plus tard, il s’installa à La Havane, fut l’éditeur responsable de l’organe du Parti Ouvrier Révolutionnaire (Trostskyste) (La Revolution prolétarienne) qui parut entre 1941 et 1945. Plus tard, ayant quitté le POR, il devint le trésorier du M 26-7 à New York où il s’était provisoirement installé. Il participa ensuite à l’expédition du Granma avec Fidel Castro et, après un nouveau sejour a New York, à la lutte insurrectionnelle dans la Sierra Maestra.
Il faut également citer Roberto Acosta Hechavarria (1912-1995), qui fut membre du PCC avant d’adhérer au PBL en 1933. En 1956, il fut très actif à La Havane dans l’organisation « Résistance civique » et appuya activement le réseau « Action et Sabotage » du M 26-7. Après la révolution, tout en revendiquant explicitement ses convictions trotskistes, il travailla directement dans l’entourage du Che au Ministère de l’Industrie, jusqu’au départ de celui-ci en 1965.
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Voir aussi :
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