La progression du MCG lors des élections genevoises a de quoi inquiéter. Tout comme celle du Front national dans les intentions de vote en France, sans parler des performances de l’Aube dorée en Grèce ou du mouvement Jobbik en Hongrie.
En sommes-nous pour autant à la veille du fascisme en Europe ? Le Reichstag serait-il sur le point de brûler ? La question est souvent posée, traçant des parallèles entre 1929 et la montée des fascismes d’une part, et la crise actuelle et les dangers qu’elle comporte, de l’autre.
Si tel était le cas, la tâche qui en découlerait serait l’organisation d’un large front antifasciste incluant aussi des partis bourgeois. Une large alliance, celle des « démocrates » -du PLR à la « gauche »- contre les « populismes » : la sirène en tente plus d’un.e, d’autant qu’elle a déjà été proposée pour faire face à l’UDC.
Pourtant, nous n’en sommes pas là. Au-delà du fait que l’UDC n’est pas le FN, que le MCG n’est pas l’Aube dorée, même si c’est une logique fascisante qu’il développe, il n’est pas un seul pays d’Europe dans lequel la bourgeoisie aurait besoin du fascisme pour assurer sa domination de classe. En Suisse encore moins…
Ceci étant dit, il s’agit cependant de ne pas sous-estimer la capacité de nuisance de la droite extrême. Par sa présence et son implantation devenue durable dans des couches populaires atomisées ou petites bourgeoises désorientées, le MCG donne le ton. Et fournit, clés en main, un semblant de cohérence, d’explication au malaise social.
Cette cohérence n’est pas que celle du bouc émissaire : en stigmatisant « le frontalier profiteur de notre bien-être », ce sont les « profiteurs de l’AI et de l’assurance chômage » que l’on pointe avant de s’en prendre à ces mêmes assurances. Tout comme fustiger les manquements des autorités en matière de « sécurité », sert de base à la remise en cause de droits fondamentaux, en matière pénale et de détention, notamment.
C’est une approche autoritaire qu’ils imposent dans le débat politique et qui se révèle fonctionnelle en période d’économies budgétaires : c’est le retour « de l’autorité » à l’école qui doit permettre la prise en charge de classes aux effectifs de plus en plus nombreux, c’est la prison qui doit répondre à la marginalisation d’une part de la jeunesse…
C’est avec cette approche qu’ils ont labouré en profondeur les quartiers où l’insécurité sociale et les transformations sociétales bouleversent le quotidien et l’imaginaire des stables de jadis, cols blancs ou bleus qu’ils furent. Cela pèse sur le débat public, en fixe les contours et divise les salarié.e.s. et les laissé.e.s pour compte.
C’est pourquoi ce sont les lieux de travail et les quartiers populaires qu’il faut réinvestir pour proposer d’autres combats, pour l’emploi, le logement, les droits sociaux…, pas juste pour demander aux gens de se réveiller une fois tous les quatre ans pour aller voter – pour la gauche, comme de bien entendu…
Paolo Gilardi