Une neuvième conférence ministérielle de l’OMC débute ce mardi 3 décembre à Bali (Indonésie), comme une énième tentative de faire aboutir le cycle de Doha, lancé au Qatar en 2001. Les importantes mobilisations de la société civile, notamment à Cancun en 2003, et les désaccords intervenus entre les pays membres, notamment sur l’agriculture, ont pour l’instant limité une nouvelle expansion des politiques de libre-échange et d’investissement au sein de l’OMC.
Le nouveau directeur général de l’OMC, le brésilien Roberto Azevedo, avait fixé pour objectif d’arriver à Bali avec une proposition d’accord clef en main que les ministres des 159 pays membres n’auraient eu qu’à signer. Après d’ultimes négociations à Genève la semaine dernière, il a du reconnaître qu’aucun accord n’avait été trouvé sur les dix textes en préparation, portant sur « la facilitation des échanges », « l’agriculture » et le « développement », et que c’était désormais aux ministres « de décider quel sera l’avenir de tous les problèmes mis sur la table, et aussi quel sera l’avenir de l’OMC ».
Après l’annonce de l’échec des négociations de Genève, les observateurs craignent que le directeur de l’OMC et les pays qui ont le plus à gagner d’un éventuel accord, adoptent à Bali une stratégie « à prendre ou à laisser », au détriment de ceux qui ont le plus à perdre. Les pays du Nord font valoir qu’un accord sur la facilitation des échanges, visant à simplifier les procédures douanières, pourrait diminuer de 10 % les coûts des échanges commerciaux. Comprenant des exigences de libéralisation et d’accès facilités aux marchés, les mesures de « facilitation des échanges » seraient extrêmement coûteuses à mettre en œuvre pour les « pays en voie de développement » et profiteraient surtout aux entreprises multinationales, sans que les pays industrialisés ne fournissent une assistance technique et financière pour leur mise en œuvre.
Par ailleurs, le point dur des négociations reste l’agriculture. Alors que les États-Unis et l’Union européenne soutiennent leur agriculture avec des subventions publiques d’un montant respectif de 130 milliards de dollars et de 79 milliards d’euros par an, ils refusent que des pays en développement, tels que l’Inde, puissent en faire de même dans la perspective d’assurer leur « sécurité alimentaire ». Ainsi, les pays du Nord s’opposent à une proposition provenant du G33, un groupe de 46 pays « en développement », visant à leur permettre de soutenir les paysans et leur agriculture, réduire les risques de famine et atteindre leurs objectifs du millénaire en termes d’alimentation.
Les négociations se sont déplacées autour d’une « clause de paix » qui engagerait les pays à ne pas se poursuivre devant l’Organisme des Règlements des Différends (ORD) de l’OMC sur ces questions. Pour les pays pauvres, un tel compromis serait acceptable si cette clause était valable le temps que les règles de l’OMC soient modifiées dans un sens qui leur soit plus favorable. Les pays du Nord et le directeur de l’OMC ne veulent pas en entendre parler et proposent que cette clause ne soit valable que quatre ans, d’une application restreinte et sans aucun engagement sur une modification permanente des règles de l’OMC.
Le réseau d’organisations de la société civile Our World Is Not For Sale (OWINFS), dont Attac France est membre, a publié une lettre exigeant des gouvernements qu’ils rejettent une « clause de paix » limitée dans le temps et qu’ils trouvent « des solutions permanentes qui permettent aux pays pauvres de mettre en œuvre des politiques de sécurité alimentaire » [1]. Si de telles propositions, limitées mais légitimes et nécessaires, ne devaient pas voir le jour, cela démontrerait une fois de plus que l’OMC et le régime de libre-échange et d’investissement qu’elle a généré directement ou indirectement, à travers les dizaines accords bilatéraux signés ou en cours de négociations, sont au seul service des multinationales et d’un agenda néolibéral qui condamne les petits paysans, les économies vivrières et la survie des populations les plus pauvres.
Avec le réseau #EndWTO [2], et dans le cadre des multiples activités des mouvements sociaux et paysans qui vont avoir lieu à Bali et à travers le monde, nous appelons à stopper l’expansion des politiques de libre-échange et de libéralisation des investissements. Au contraire, par notre présence à Bali et notre mobilisation contre les accords de libre-échange signés, en cours de négociation (UE-États-Unis, UE-Canada etc.) et en cours de ratification (UE-Pérou-Colombie) nous appelons à renforcer le mouvement global exigeant que ces politiques soient démantelées au profit de règles commerciales justes et démocratiques, centrées sur les droits des êtres humains et de la nature.
Attac France, le 2 décembre 2013