« Je fixe un nouvel objectif, c’est que d’ici à 2017, pour les entreprises et pour les travailleurs indépendants, ce soit la fin des cotisations familiales. Cela représente 30 milliards d’euros de charges ». L’annonce phare de la conférence de presse de Hollande a été saluée dans un tweet enthousiaste par Laurence Parisot, l’ancienne présidente du Medef : « enfin ! ». Son successeur Gattaz en a revendiqué la paternité.
Le patronat vient de remporter une victoire historique : au-delà du jackpot de 30 milliards par an qu’il va empocher, c’est la liquidation de l’ensemble de la Sécurité sociale issue de 1945 qui est engagée.
Décryptage des annonces présidentielles
La « branche famille » de la Sécurité sociale finance les prestations familiales. Celles-ci se composent principalement des allocations familiales versées à toute famille de plus de 2 enfants (pour 49 %), les prestation concernant les jeunes enfants – naissance, garde... (pour 36 %), et différentes prestations logement (pour 12 %).
La branche famille est financée aujourd’hui à 62 % par des cotisations sociales dites « patronales » correspondant à 5,25 % du salaire brut. Leur montant s’élève à 35 milliards d’euros, les 38 % restant proviennent de la CSG [1] et d’autres impôts et taxes.
D’ici 2017, les 30 milliards de cotisations versées chaque année par les entreprises privées seront supprimées (alors que, selon le journal les Échos, les 5 milliards dus par les établissements publics continueraient à être versés !). 30 milliards passeront donc de la poche des salariéEs à celle des patrons.
Un premier décryptage des propos de Hollande laisse entendre qu’entre 2015 et 2017, la suppression des cotisations familiales remplacera progressivement le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), ce cadeau de 20 milliards d’euros par an offert aux patrons par le pacte de compétitivité de 2013. Ce serait donc pour les employeurs un bonus supplémentaire de 10 milliards d’euros par an à encaisser.
Une austérité jamais vue
Une mesure limitée dans le temps, le CICE, se transforme en un acquis définitif pour les patrons : la fin du paiement des cotisations sociales. Mais déjà Gattaz réclame le beurre et l’argent du beurre : le CICE et la suppression des cotisations familiales.
Ces 30 milliards de cadeaux aux patrons seront compensées par un plan d’austérité sans précédent, d’économies sur les dépenses publiques : « En 2014, nous allons réaliser 15 milliards d’euros d’économies. Entre 2015 et 2017, nous devrons dégager au moins 50 milliards de plus », a déclaré Hollande. Pour donner une idée de l’ampleur de l’attaque, ces 65 milliards d’économies imposées sur quatre ans, représentent plus que le budget annuel de l’éducation nationale (63,3 milliards d’euros).
Et ce sont là encore les classes populaires qui paieront la note, avec une destruction sans précédent des services publics, nationaux ou territoriaux, accompagné d’une baisse massive des prestations sociales.
En finir avec la Sécu
Enfin, et c’est là l’essentiel, le « pacte de confiance » entame la liquidation d’une protection sociale financée par les employeurs. Après les allocations familiales, ce sera demain l’assurance maladie, et après-demain les retraites... Ce serait le retour à une assistance minimum, payée par les impôts des salariéEs, et complétée, pour ceux qui le peuvent, par des assurances privées. Tel est d’ailleurs le but fixé par le Premier ministre aux travaux du Haut conseil sur l’avenir du financement de la protection sociale qui doit rendre ses propositions pour le mois de mai.
Le gouvernement va ainsi tenter de renouveler l’opération de 2013 avec les retraites : mener le « dialogue social » pour empêcher toute mobilisation avant l’été, puis soumettre rapidement un texte au vote dès la rentrée des congés.
Il est encouragé dans cette voie par l’attitude des principales directions syndicales qui, le jour même de la conférence de presse présidentielle, annonçaient dans un communiqué commun, CGT, CFDT, FSU et UNSA, l’exigence de « contreparties » en termes d’emploi. Une recette appliquée depuis 40 ans avec le succès que chacun constate.
La mobilisation doit se faire pour que les organisations syndicales se retirent du « dialogue social » et de la négociation de « contreparties » à la liquidation de la Sécu, pour construire dès aujourd’hui la lutte d’ensemble permettant d’imposer le retrait du « pacte de confiance ».
J.C. Delavigne