« A Genève, sur les 6000 personnes SSL passées par les syndicats, 5000 travaillent dans le secteur de l’économie domestique, c’est-à-dire la prise en charge des enfants, des personnes âgées et/ou malades, ainsi que les tâches de nettoyage et d’entretien. La quasi-totalité sont des femmes (plus de 90%).
Il est intéressant de savoir que le secteur de l’économie domestique est désormais le cinquième, voir le quatrième plus important du canton. Il y a 9250 postes à plein temps dans l’économie domestique. Plus de 25 000 ménages dans ce canton auraient, d’après les projections, recours à des femmes sans statut légal. [2] Ce n’est pas mal...
Particularités et difficultés liées à l’externalisation du travail domestique
Dans notre système néolibéral, où tout absolument tout se vend et s’achète, nous importons ce qui ne peut pas se délocaliser, notamment dans la prise en charge des jeunes enfants et des personnes âgées. C’est une sorte de démoralisation à l’envers, nous créons ainsi une chaîne internationale de sous-traitance de soins aux personnes. Il est en effet impossible de s’occuper de ses propres enfants et de gagner de l’argent, donc la prise en charge se fait par une autre femme, dont le salaire dépend de son emplacement dans la chaîne. [3]
Les difficultés qui en découlent sont notamment :
– L’imbrication des conditions de vie et de travail : absence de statut et imbrication des deux, de manière très concrète, pour les travailleuses sans statut qui vivent sur leur lieu de travail.
– Ensuite, il y a l’absence de Collectif de travail. Dans le sens que l’isolement sur le lieu de travail rend le rapport aux personnes employeuses beaucoup plus direct (contrairement à d’autres secteurs, tels que l’hôtellerie, la restauration, la construction, l’agriculture). Cet isolement rend les revendications plus difficiles à formuler.
La moindre des choses serait que ces femmes qui effectuent un travail si important puissent obtenir un permis de séjour et faire ce travail dans des conditions dignes et respectueuses (ce qui demanderait aussi une meilleure reconnaissance de ce secteur).
Discriminations découlant de la LEtr
On peut en donner quelques exemples, principalement, dans le cadre du mariage, de la famille et du regroupement familial. [4]
– Pour les extra-européen-ne-s, le regroupement familial sera soumis à des conditions encore plus strictes qu’aujourd’hui. Le regroupement doit intervenir dans les 5 premières années de séjour. Les conditions de logement doivent être convenables avec la crise de logement actuelle, c’est une condition extrêmement difficile à remplir. Le regroupement familial peut se faire jusqu’à ce que les enfants aient 12 ans. Après, ce n’est plus possible de les faire venir.
– Les mariages binationaux sont soupçonnés de manière systématique. Les personnes qui travaillent à l’état civil sont obligées de refuser la célébration d’un mariage, si elles le considèrent de complaisance. Or, il faut savoir qu’il existe deux fois plus de femmes d’origine étrangères qui épousent des citoyens suisses - ou avec permis - que l’inverse. La LEtr impose aux deux époux de vivre ensemble, ce qui a des conséquences dramatiques en cas de violences maritales. Le refus de la violence et le départ du domicile conjugal riment avec perte du permis de séjour. Bien que des exceptions à cette exigence de domicile commun aient été prévues dans la LEtr, nous craignons une application restrictive de la Loi.
Il y a un autre domaine où la LEtr n’a pas les mêmes conséquences pour les femmes migrantes que pour les hommes migrants. En effet, il est impossible pour les personnes sans statut de se régulariser, sauf pour les personnes hautement qualifiées. Ce qui ne correspond d’ailleurs pas aux besoins de notre économie.
C’est une disposition qui exclut d’emblée les personnes qui travaillent dans le secteur de l’économie domestique, de l’agriculture, de la restauration, de la construction et de l’hôtellerie. C’est une disposition qui va maintenir les personnes en général et les femmes en particulier dans la clandestinité et en augmenter le nombre.
D’autre part, les femmes pour des raisons socio-politiques et socioculturelles - dans le sens large de différentes places assignées aux femmes et aux hommes - ont des degrés de formation moindre, ce qui a un impact évident sur les possibilités d’être considérées, ou pas, comme hautement qualifiées.
Discriminations dans la LAsi...
– L’accélération des procédures. C’est-à-dire le fait que les personnes devront présenter des pièces d’identité dans les 48 heures pour que les autorités entrent en matière. Les femmes et les enfants seront les premières victimes de cette disposition.
Dans de nombreux pays, les femmes ont besoin de la permission de leur père, de leur frère ou de leur mari pour obtenir des papiers d’identité. Et cette permission leur est souvent refusée ! Si elles doivent fuir pour sauver leur vie et celle de leurs enfants, elles arriveront sans papiers et elles ne pourront pas demander refuge en Suisse.
– Le sexe n’est pas reconnu de manière explicite comme motif de persécution pour obtenir l’asile. Les mariages forcés, les mutilations sexuelles ne sont pas, par exemple, un motif admis pour obtenir l’asile. Le refus de prendre en compte les persécutions non étatiques pour accorder le droit d’asile est très préjudiciable pour les femmes.
Par ailleurs, devoir parler de violences sexuelles, tels que viol, ne peut se faire dans l’immédiateté et nécessite un environnement adéquat ».
Notes
1 Sur : www.solidarites.ch No d’avril 94
2 Flückiger et Pasche, 2005
3 Russel Hochschild, 2002
4 V. tract-argumentaire MMF sur www.solidarites.ch