Manu Bichindaritz – Quel bilan tires-tu de la campagne européenne de Podemos ?
Raul Camargo – Cela a été un succès de tous les points de vue. En fait, Podemos était entré en campagne dès son lancement le 17 janvier dernier. Depuis cette date, des meetings très importants ont été tenus dans tout l’État espagnol, un programme a été débattu au sein des cercles (qui sont des assemblées de base, territoriales ou de secteur d’intervention) ainsi que par Internet. Plus de 33 000 personnes ont participé aux primaires ouvertes, c’est le chiffre le plus élevé pour un scrutin de ce type dans toute l’Europe…
Au cours de la campagne électorale proprement dite, les meetings ont été massifs et le message a réussi à toucher des secteurs importants qui auparavant s’abstenaient, ou bien votaient de façon résignée pour Izquierda Unida [1] ou même pour le PSOE [2]. Les 1 245 000 voix obtenues, les cinq députés européens sont un excellent résultat pour un projet qui n’est vieux que de cinq mois...
Comment continuer Podemos après les élections ?
On débat en ce moment même du processus devant aboutir, à l’automne, à l’assemblée constituante de Podemos. Après le résultat des européennes, les cercles se sont multipliés, passant de 400 à près de 1 000.
Organiser tout cela ne sera pas facile, mais nous nous appuyons sur l’enthousiasme considérable des gens qui se pressent dans les assemblées.
Le pouvoir, les deux grands partis politiques PP [droite] et PSOE sont discrédités, mais l’austérité continue. Podemos est-il aussi un outil pour la mobilisation sociale, les luttes ?
De nombreux cercles ont commencé dès leur création à se lier aux luttes sociales qui se déroulent sur leurs territoires respectifs. Avec le développement très important que nous connaissons, les cercles de Podemos peuvent devenir rapidement un facteur de dynamisation de nombreux conflits sociaux.
Après l’annonce de l’abdication de Juan Carlos, il y a eu plusieurs dizaines de milliers de personnes dans les rues lundi soir, puis des manifestations samedi... Quelles suites pour un mouvement anti-monarchie, républicain, dans l’État espagnol ?
La possibilité existe de former un mouvement très large pour le droit à décider de la forme de l’État. Le régime mis en place en Espagne après la Transition [3], et qui s’appuie sur la « troïka » PP-PSOE-monarchie, subit une crise grave. Le résultat des élections européennes a constitué pour lui un coup très dur, les partis dits majoritaires n’atteignant même pas 50 % des voix.
Les premières manifestations ont été importantes, mais pas immédiatement massives. Il est nécessaire d’organiser ce mouvement et de le centrer sur l’exigence d’un référendum : pour la monarchie ou pour la république ? Et, dans le même temps, il s’agit de construire une idée de la république en tant que sujet librement constitué, où les nations telle que la Catalogne, le Pays basque et la Galice puissent décider si elles souhaitent ou non appartenir au nouveau pays qui en résulterait.
Référendum, processus constituant... Que veulent les anticapitalistes pour l’État espagnol ?
Nous pensons qu’il faut aujourd’hui défendre le référendum en tant que mot d’ordre démocratique de base, mais aussi le lancement de processus constituants (au pluriel) qui donnent la parole aux gens pour décider de tout, y compris concernant l’économie.
En ce sens, une mesure élémentaire dans cette période est de réaliser un audit de la dette afin de ne pas payer la partie qui sera considérée illégitime.
Comment articuler perspectives pour l’Espagne et prise en compte des réalités régionales et faits nationaux (Catalogne, Pays basque...) ?
Les nations de l’État espagnol doivent pouvoir décider, sans rencontrer aucun type d’obstacle, si elles veulent ou non faire partie de l’Espagne. Une des mesures les plus antidémocratiques de la Constitution espagnole de 1978 est d’avoir totalement fermé la porte à la possibilité, pour les peuples basque, catalan et galicien, de décider librement de leur avenir.
L’internationalisme que nous défendons est parfaitement compatible avec l’exigence de l’autodétermination de ces peuples, au sein desquels de larges majorités sociales réclament une autre relation avec le reste de l’État.
Propos recueillis par Manu Bichindaritz