Un évènement d’actualité en Rhénanie du Nord-Westphalie met en relief les conséquences du « frein à l’endettement » élevé en droit constitutionnel en l’an 2009 par l’entente cordiale des chrétiens démocrates de la CDU/CSU, des libéraux du FDP, des social-démocrates du SPD et des Verts au Bundestag. Il fait maintenant partie du « Grundgesetz », de la Constitution allemande. Après, plusieurs parlements régionaux ont intégrés ce « frein » également aux Constitutions de leurs Länder respectifs. Les gouvernements des Länder doivent, d’après ce nouveau règlement, arriver à des budgets sans nouvel endettement jusqu’à l’an 2020, tandis que L’Etat allemand fédéral n’a pas le droit d’excéder 0,35% du PNB en nouveaux crédits pour financer son budget à partir de l’an 2016 (le ministre des finances du gouvernement d’Angela Merkel, Wolfgang Schäuble, se vante d’y arriver déjà maintenant).
Il faut se souvenir que c’est d’après l’image de ce « frein à l’endettement » à l’allemande que le pacte fiscal de l’Union européenne a été conçu. Il s’agit de règlements qui appuient les politiques d’austérités à tous les niveaux.
En Rhénanie du Nord Westphalie, le gouvernement du Land vient d’essuyer une défaite devant la Cour constitutionnelle du Land qui siège à Münster. En conséquence, depuis début juillet, le gouvernement du Land n’a plus le droit qu’aux dépenses strictement inévitables – c’est jusqu’à nouvel ordre la « Haushaltssperre » (le « blocage budgétaire ») qui réduit gouvernement et parlement à la gestion du fonctionnement routinier et empêche toute dépense nouvelle sauf dans des cas très limités.
Pour reconquérir sa souveraineté relative normale, le gouvernement doit donc prendre des mesures, tout en appliquant ce que la cour constitutionnelle lui a imposé. Que c’était-il passé ?
Le syndicat des salariés publics avaient obtenu un gain salarial de 5,4% pour les années 2014 et 2015. Le gouvernement du SPD et des Verts en Rhénanie du Nord-Westphalie avait décidé que les fonctionnaires d’Etat, sauf celles et ceux avec les revenus les plus bas, ne participeraient pas à ce gain salarial. Avec cette mesure de discipline budgétaire, le Land épargnerait quelques 700 millions d’euros. Idéologiquement, il semblait assez facile de faire passer la mesure dans l’opinion publique qui est toujours sensible au thème des privilèges des fonctionnaires d’Etats.
Mais il y avait un problème qu’on pouvait prévoir : il était peu probable que la Cour constitutionnelle laisserait passer cette mesure. En effet, depuis quand la politique aurait le droit d’annuler des résultats de conventions collectives ou de décréter des exceptions pour certaines parties du salariat qui ne profiteraient pas des améliorations négociées par les syndicats et les organisations patronales (qui étaient dans ce cas l’ensemble des communes, des Länder et de la République Fédérale Allemande) ?
Maintenant, le gouvernement du Land est devant le fait accompli. Comment réagi-t-il ? A partir de toute suite, comme l’annoncé le ministre des finances de Rhénanie du Nord-Westphalie, Norbert Walter-Borjans (SPD), il n’y aura plus de nouvelles embauches ni de promotions salariales du Land, à l’exception des écoles qui gardent leur droit d’embaucher des enseignantes et enseignants et des apprentis pour la carrière de fonctionnaires d’Etats qui peuvent être embauché à la fin de leur apprentissage. La décision de la Constitution rend de toute façon nécessaire d’élaborer un complément au budget 2014, parce qu’il y aura sensiblement plus de dépenses que prévu pour le personnel.
Dans les domaines du culturel et du social, le Land ne dépensera de l’argent que pour des projets déjà décidés ou dans les cas ou des contrats déjà conclus l’y forcent. Cette dernière mesure doit être vue sur le fonds d’une situation qui a déjà, depuis des années, conduit à l’écrasement de nombreux projets sociaux-culturels à cause des différentes offensives d’austérité au niveau du Land et au niveau de ses communes.
Comment Walter-Borjans pourra-t-il en même-temps respecter la décision de la Cour constitutionnelle (donc payer tous les fonctionnaires d’Etat d’après le tarif fixé par les conventions collectives) et la contrainte constitutionnelle du « frein à l’endettement » (nouvel endettement zéro en 2020) ? Même avant la décision de la Cour constitutionnelle du Land, le projet pour le budget 2015 préparé par Walter-Borjans impliquait déjà 1,9 milliards de nouveaux crédits – et donc, avec le paiement correct des fonctionnaires d’Etat, lui aussi doit être revu. Mais comment réaliser les économies drastiques nécessaires ?
Personne ne le dit explicitement. La ministre-présidente Hannelore Kraft a le culot de poser la question aux partis d’opposition (CDU, FDP et Pirates), s’ils n’ont peut-être pas de bonnes propositions. Ceux-là se gardent bien-entendu d’en faire. Et Hannelore Kraft déclare, que les dépenses supplémentaires en conséquence de la décision de la cour constitutionnelle sont l’équivalent de 14.000 emplois ! Et elle ajoute que l’on ne peut réduire le personnel qu’en réduisant la qualité des services qu’il rend. Jusqu’ici, la coalition du SPD et des Verts du Land avait toujours rejeté une réduction du personnel. Mais les coûts du personnel, qui représentent 40% du budget du Land, c’est à peu près la seule partie du budget où des économies de taille sont possibles. L’autre grande partie du budget sont des sommes venu du niveau fédéral pour qui le Land n’a que la fonction de les transférer en fin de compte, surtout aux communes.
Et donc, la majorité du SPD et des Verts va préparer une nouvelle loi sur les revenus des fonctionnaires d’Etat. En plus, ses représentants vont se concerter avec les représentants des syndicats. Mais ce n’est pas réconfortant : On parle du « bon exemple » du petit Land de la Sarre. Là, il y a un gouvernement de « grande coalition » du CDU et du SPD qui avait conclu un accord avec les syndicats. Là, les revenus des fonctionnaires d’Etats montent de 4,5% en 2014 et en 2015. Et jusqu’en 2020, un dixième des emplois publics du Land disparaîtront.
En Rhénanie du Nord-Westphalie, la majorité des emplois sont plus que 150.000 enseignantes et enseignants (dont la grande majorité, en Allemagne, est fonctionnaire d’Etat) et d’autres salariés travaillant pour les écoles. Et il y a déjà bien trop peu d’enseignantes et enseignant dans les écoles pour bien les faire fonctionner. Puis il y a presque 47.000 travaillant pour la police et 32.000 pour les institutions de droit. S’ajoute à cela ceux qui travaillent pour les finances – 32.000, et si on réduit le personnel dans ce secteur-là, on perd des recettes fiscales. Le reste, c’est le personnel qui travaille dans la gestion générale du Land, un peu plus que 24.000. Où va-t-on réduire ? Qui vivra, verra. [1]
Manuel Kellner