Valls : l’amoureux du patronat
« Nous devons agir avec responsabilité, patriotisme et confiance dans l’avenir… Bâtir des pactes, bâtir une véritable alliance entre ceux qui décident, entre ceux qui produisent, entrepreneurs et salariés »... La politique du deuxième gouvernement Valls pourrait ainsi se résumer à deux images : ses remerciements pour l’invitation du Medef à son université d’été, et l’accueil et la standing ovation offerte par le patronat à l’issue de sa prestation.
Il faut dire que Valls n’a reculé devant aucune formulation « audacieuse » : « Cessons d’opposer systématiquement État et entreprises, d’opposer chefs d’entreprise et salariés, organisations patronales et syndicats (…). Notre pays crève de ces jeux de rôle, de ces postures… La France a besoin de ses entreprises, de toutes ses entreprises (...), car ce sont les entreprises qui, en innovant, en risquant les capitaux de leurs actionnaires, en mobilisant leurs salariés, en répondant aux attentes de leurs clients, créent de la valeur, génèrent de la richesse qui doit profiter à tous. Et moi, j’aime l’entreprise ! ».
Et bien entendu, il y a aussi toujours les scandaleuses affirmations : « la France vit au-dessus de ses moyens depuis quarante ans… Il y a un problème de coût du travail dans notre pays » ou « Il est absurde de parler de cadeaux faits aux patrons »...
Ils n’en ont jamais assez...
Le Premier ministre ne s’est pas contenté de ces déclarations de principe. Il a détaillé sa feuille de route pour les prochains mois. Le décor, c’est celui du Pacte de compétitivité s’inscrivant lui-même dans la suite du Pacte de responsabilité. Valls invite lourdement les patrons à tout mettre en œuvre pour bénéficier le plus rapidement possible de leur part des 41 milliards (supplémentaires), de cadeaux sous formes d’exonération de cotisations sociales auxquelles ils ont droit. La deuxième piste est celle des entraves dont il faudrait libérer la société française, à commencer par le code du travail. Valls a ainsi confirmé l’engagement du gouvernement à ouvrir le débat sur les seuils sociaux, la « rationalisation » des institutions représentatives du personnel et l’allègement des règles du travail du dimanche.
Pour faire bonne mesure, Valls n’a pas hésité à vanter les mérites de la « filière nucléaire [qui] est plus que jamais pour notre pays, une grande filière d’avenir », sans oublier une peu discrète allusion à la simplification dans les secteurs du bâtiment et de la construction pour faire plaisir à l’ex-ministre Duflot...
La posture politique est clairement repérable : « Au début des années 2000, L’Allemagne, avec un chancelier social-démocrate a su mener les réformes que la France, à ce moment là, ne menait pas ». Il faut en finir avec le choix, « L’impôt plutôt que la réduction des déficits et des dépenses ».
Le problème c’est qu’avec le Medef, c’est toujours insuffisant, toujours trop lent. Gattaz continue de réclamer trois fois plus d’exonérations de cotisations sociales pour les entreprises que les 41 milliards prévus dans le Pacte de responsabilité pour la période 2014-2017. Le Medef présentera mi-septembre 20 propositions pour baisser les dépenses publiques et créer « un million d’emplois en cinq ans ».
Malgré la caution du secrétaire général de la CFDT, l’alliance entre les décideurs et les salariéEs producteurs de richesse risque d’être conflictuelle.
Robert Pelletier
Valls force l’allure
Plus vite, plus fort... dans la démolition sociale. Celui qui s’inquiétait en juillet de la possible mort de la gauche s’emploie à temps plein à en créer les conditions. Après les limogeages pour cause de critiques pourtant bien timides et tardives de la politique économique du gouvernement et la nomination du banquier Macron pour amplifier son orientation libérale, après l’annonce de l’utilisation des ordonnances pour imposer plus de travail le dimanche et le projet de remise en cause des seuils sociaux, c’est la loi Alur (Accès au logement et un urbanisme rénové) qui est jetée aux orties.
Pourtant la loi Duflot censée mettre en œuvre une promesse de campagne du candidat Hollande ne bouleversait pas la situation du logement. Elle ne contraignait pas réellement les profiteurs. Elle n’imposait pas le recours à la réquisition des logements vides, comme le réclament les associations de mal-logés et de sans logis. Mais les mesures symboliques qu’elle contenait – dont l’encadrement des loyers dans moins de trente agglomérations sur la base d’un mécanisme qui n’empêche pas les augmentations – demeurent encore insupportable pour les riches propriétaires, les promoteurs et les agents immobiliers qui ont mené campagne contre cette loi, avec un certain succès donc.
En fidèle serviteur des intérêts des nantis, savourant une petite vengeance contre Duflot qui avait fait de sa nomination à Matignon le motif de son départ du gouvernement, Valls s’est donc empressé, sous prétexte de relance du bâtiment, d’adopter des mesures favorables à ces catégories. Hormis pour Paris, et encore à titre expérimental et pour les villes volontaires – en particulier pour ne pas affronter Martine Aubry à Lille –, l’encadrement s’évapore. En revanche, les allègements fiscaux pour les hauts revenus achetant un logement pour leurs enfants et les baisses d’impôts sur les plus values foncières vont permettre d’augmenter les patrimoines et favoriser la spéculation.
Rien dans ces dispositions n’empêchera la flambée des prix de l’immobilier qui enrichit les spéculateurs et rejette les classes populaires en dehors des grandes villes, aggravant les inégalités sociales et dégradant les conditions de vie. Une raison de plus de combattre la politique de ce gouvernement.
Côme Pierron
PS EELV : fin d’été difficile
Après l’éviction rapide de Montebourg et Hamon, car « la ligne jaune a été franchie » dixit Valls, et le départ de Filipetti, la politique libérale du gouvernement est franchement assumée et ouvre une crise dans les partis de la gauche institutionnelle.
Comme chaque fin d’été, ces partis se sont retrouvés dans leurs universités respectives. Mais cette année, les divergences entre sensibilités ou courants se sont exprimées plus fortement, à la hauteur de la crise qui traverse les instituions et le gouvernement.
Les beaux discours
Samedi 30 août, l’accueil du Premier ministre par ses propres camarades fut beaucoup moins chaleureux à La Rochelle que celui qui lui avait été réservé par les patrons à l’université du Medef quelques jours auparavant. Hué par les « frondeurs » et une partie de l’auditoire, une première dans l’histoire des universités d’été socialistes, il a tenu un discours habile qui évitait les sujets qui fâchent trop.
Mais l’éloquence et les coups de menton autoritaires ne suffiront pas à cacher la réalité : la politique menée par Hollande et Valls, désavouée massivement dans l’opinion publique, l’est aujourd’hui par une partie des cadres et militants du Parti socialiste qui n’affichent plus leur solidarité avec ce gouvernement. Et les « frondeurs » ont lancé un appel « Vive la gauche » pour tenter de fédérer les contestataires.
« C’est une réunion pour défendre le PS d’une tentative de putsch libéral » dit Gérard Filoche, à propos de la réunion largement médiatisée organisée par les « frondeurs » à La Rochelle... et à laquelle a participé Christiane Taubira, pourtant toujours ministre ! Chacun sa cohérence...
Être ou ne pas être au gouvernement
Après le départ du gouvernement de Cécile Duflot et la récente sortie de son livre brûlot, Jean-Vincent Placé, son « ami » sénateur, ne cache pas son désaveu : « on est dans une période où tout le monde doit avoir les mains dans le cambouis ». En effet, la sortie du gouvernement des deux ministres d’EÉLV ouvre une crise à l’intérieur de EÉLV.
Certes, l’ancienne ministre parle fort et dénonce aujourd’hui, mais pourquoi aussi tardivement ? L’abandon complet par François Hollande de toutes ses promesses d’un programme vaguement social démocrate quelques semaines après son élection, sa politique constante d’austérité et ses multiples reniements en matière d’écologie n’étaient-ils pas suffisants ? Pourtant durant deux ans, les députés EÉLV ont voté majoritairement tous les textes clefs. Et, pour sa part, Placé envisage déjà « une candidature unique avec un projet commun pour 2017 ».
Le PS est-il au bord de l’implosion ? Des députés socialistes et écologistes iront-ils jusqu’à refuser la confiance au gouvernement Valls dans quelques semaines ? Rien n’est moins sûr !
Nous devons tout faire pour nous rassembler, avec toutes celles et ceux qui s’opposent à ce gouvernement, afin de faire entendre nos voix dans la rue, à commencer contre le budget.
Roseline Vachetta